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25 août 2014 1 25 /08 /août /2014 05:52

Le 6 août dernier, Paul Durieux répondait ceci à un commentaire sur le blog de l’AWF : « Le RWF a connu les résultats électoraux que vous connaissez. Je crains que vous ne connaissiez pas la situation interne de ce groupement politique. Quant au mouvement wallon, il n’existe plus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais une personne autrement qualifiée qui l’affirme : M. Paul Delforge, coordinateur du Centre d’Histoire de la Wallonie et du Mouvement wallon. La Belgique et ses médias de langue française ont réussi à "belgifier" complètement la société wallonne. Celle-ci est chloroformée et vit dans un état second où seul le noir-jaune-rouge est un refuge, refusant de constater que la Flandre ne veut promouvoir que le noir et le jaune.

Ce constat est terrible et le réveil ne pourra être que très douloureux ».

Indépendamment de la situation interne actuelle du RWF (sur laquelle je n’ai aucun avis, et que je ne connais pas)  je ne peux que rejoindre le constat terrible concernant le Mouvement wallon.

Tout a été fait depuis le Congrès national de 1945 pour l’anéantir. C’est à partir de là que les « élites » belgo-flamandes  (pléonasme qui peut se traduire par « francophones ») ont tout fait pour belgifier notre peuple. Et à part quelques sursauts en 60-61 et lors de l’aventure du Rassemblement wallon, ils semblent bien y avoir réussi… jusqu’ici.

Ils ont utilisé toutes la puissance des médias à commencer par la télévision qui soirée après soirée (à l’exception des quelques émissions d’Henri Mordant) ont distillé un dégoût de l’identité wallonne (traités de géviculteurs, paresseux, inconstants, frivoles, imprévoyants, etc...). Et ça, dans tous les domaines, il est bien connu qu’un sportif qui gagne ne peut être que  belge, le même s’il perd est au mieux wallon, au pire désigné par son appartenance communale.

La discréditation de notre passé entretien cette détestation de soi qui sommeille désormais en chaque Wallon (en quoi, nous sommes bien proche de la culture française…°)

Ils ont menti sciemment et avec constance. Présentant systématiquement les choses sous un angle anti-wallon. Les plus anciens d’entre nous se souviendront des moqueries concernant les Wallons qui auraient dépensé tout leur argent à soutenir des « canards boiteux » alors qu’en réalité, à l’époque, tout était entre les mains des capitalistes bruxellois (la fameuse Société générale de Belgique en particulier) pour qui l’objectif a toujours été uniquement de gagner de l’argent et qui ont maintenu un appareil industriel situé en Wallonie sachant parfaitement qu’il était obsolète pour « permettre - à la Belgique - de gagner la bataille économique du charbon et de l’acier de l’après-guerre » tout en préparant l’avenir en détournant les fonds européens de reconversion au profit de la Flandre. L’argent n’a pas de patrie ! Quévit a parlé – à juste titre - d’un pillage de type colonial des richesses wallonnes. Et ce n’est pas fini, pensons à la filière bois, à l’eau, etc…  Regardez ce que la Belgique a fait, en un petit siècle, d’une ville de très grande culture comme Liège pendant qu’ailleurs, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille sont devenues des centres de développement et de référence.

Comment s’étonner que les Flamands reprennent à leur compte et si facilement les mensonges belgicains nous concernant ? Alors que la presse belge fait semblant de s’offusquer, elle qui a tant contribué à construire notre mauvaise réputation.

Ils ont fait disparaître la presse d’opinion régionale au profit de rédactions situées à Bruxelles quand ce n’est pas en Flandre.

Ils ont remplacé »l’Histoire de Belgique » (où de ci-delà apparaissaient encore par hasard des références à certaines fort anciennes de ce qui aurait pu notre histoire) par une vague « étude du milieu » asexuée et sans références. Ils ont compris qu’un Peuple privé d’histoire est destiné à disparaître.  Avec comme conséquence immédiate qu’on fait de de nos jeunes des « citoyens du monde belgo-européen » avant d’en faire des Wallons aimant leur pays. Même encore aujourd’hui, les jeunes enseignants sont encore complètement imbibés de l’histoire revisitée par Pirenne et ignorent tout du passé glorieux, ancien comme récent,  de la Wallonie. Alors, que deviendront leurs élèves ? Dans ce monde globalisé où les identités se dissolvent et la mémoire devient ultra-courte , la profondeur historique est une nécessité.

Plus grave, ceux qui se présentaient encore il y a peu comme les continuateurs de l’action wallonne ont nié leur identité. J’entends encore les dirigeants du RWF ou d’autres associations ou cercles d’études  clamer qu’il n’y a pas de Wallons, pas de Wallonie, qu’une nation wallonne est impossible que nous sommes des « Français indifférenciés parce que curieusement sans attaches locales ». Ajoutant leurs outrances à celles des belges. Cette attitude a grandement contribué à leur faire perdre toute crédibilité. Y compris plus grave, à la crédibilité du rattachisme lui-même alors que celui-ci.

Qui dans les partis politiques osent encore simplement se dire et se présenter en régionalistes à l’heure d’aujourd’hui ? Ils sont vite mis à l’écart ou alors sont retraités…

Certes, des occasions ont été perdues, nous avons tous notre autocritique à faire. Mais au-delà, que faire Pour que cet hiver belgicain passe le plus rapidement possible ? Parce que, après tout, Léopold 1er, qui prêta le serment constitutionnel le 21 juillet 1831, partageait l'opinion des diplomates de son temps, lesquels estimaient que la nouvelle Belgique était une construction artificielle. En 1859, le roi allait même écrire à son chef de cabinet Jules Van Praet que : «La Belgique n'a pas de nationalité et, vu le caractère de ses habitants, ne pourra jamais en avoir. En fait, la Belgique n'a aucune raison politique d'exister.»

Il nous manque, à nous Wallons, cette fierté que l’on sent chez les Américains, les Chinois, les Britanniques, les Espagnols et qui est manifeste dans leur manière de vivre avec leur Histoire, leur héritage. Je n’ose plus dire la même chose de la France qui sacrifie la sienne au nom de la repentance et du politiquement correct.

Il est temps, en France, comme chez-nous de dire que notre héritage n’est pas honteux, qu’il est source de fierté, ce qui nous aidera à reprendre confiance en nous.

Il faut répondre au coup par coup aux trahisons de nos élites intellectuelles et politique.

Si un jour, les Wallons veulent encore exister ; dans la forme de nation qu’ils auront choisie, Il faut inverser notre rapport au passé pour y voir non une source de lamentations, mais une source de confiance. Réconcilier les Wallons avec leur histoire, Bref, faire naître -  ou plutôt renaître - un roman national wallon. Qui, à part des intellectuels conscients de leurs devoirs envers leur Peuple peuvent le faire. Dire avec émerveillement, avec des mots simples, ce que nous devons aux siècles passés avec leur part d’ombre et de lumière et dont nous pouvons être fiers ?

À ceux qui - parmi nous – se plaisent encore à se définir comme héritiers du Mouvement wallon ou simplement qui aiment la Wallonie, pensons à cette strophe d’une fable bien oubliée dans le contexte mondial actuel :

« Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.

« Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans. »

« Le laboureur et ses enfants »
Jean de la Fontaine

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 16:53

J'ai, à plusieurs reprises, mis en doute le bien-fondé de cette société multiculturelle qu'on nous vend depuis des années. Je vous recommande la lecture de cet entretien entre Alain Finkielkraut  et un journaliste de "La Libre"... : « La société multiculturelle porte en elle une extrême violence »

 http://www.lalibre.be/debats/opinions/la-societe-multiculturelle-porte-en-elle-une-extreme-violence-52a2a8013570f96638c79586

Extraits :

Pourquoi le débat suscité en France autour de votre dernier livre, "L’identité malheureuse" (*), est-il si vif ?

Parce que la France a peur de son ombre. Elle ne s’est jamais vraiment remise de l’épisode de la collaboration, et s’attache à prévenir le retour de ses vieux démons, ayant beaucoup de mal à penser ce que notre situation a d’inédit. L’intelligentsia progressiste ne croit plus au progrès mais à l’éternel retour, convaincue que le ventre est toujours grand ouvert, d’où a surgi la bête immonde. Elle pense sincèrement que les musulmans aujourd’hui tiennent le rôle des juifs dans les années 1930. Elle pense aussi que l’inquiétude identitaire relève de la peur de l’étranger et que, dans un contexte de crise économique, on cherche un bouc émissaire. Ce seraient donc les immigrés qui font les frais de cette régression. Je ne sous-estime pas cette menace, mais je pense que nous vivons une situation inédite, non une réédition. Il n’y avait pas, dans les années trente, de territoires perdus de la République; pas de quartiers sensibles où les pompiers étaient accueillis à coups de pierres, les pharmaciens obligés de fermer boutique, les médecins contraints de déménager pour leur sécurité, et les professeurs victimes d’agressions, lorsque l’injure "sale Français" rejoint le "sale juif" d’autrefois.

Le vivre ensemble, dites-vous, est en crise. A quoi est-ce imputable ?

La crise actuelle de l’intégration n’est pas imputable au nationalisme français. On me reproche essentiellement de dire cela. On dit que je contribue à la lepénisation des esprits parce que je me refuse à ramener la réalité que nous vivons au schéma classique du fascisme et de l’antifascisme. La France est le théâtre de deux crises conjointes : une crise de l’intégration et celle de la transmission. Ce pays semble se démettre de son héritage au moment où toute une partie de la population refuse de le faire sien. Je crois d’ailleurs que ce problème, s’il est très aigu en France, ne lui est pas propre. L’Europe est devenue un continent d’immigration malgré elle, et elle hésite entre le modèle assimilateur et le modèle multiculturel. Si l’on en croit les instructions de la Commission européenne, elle a choisi le second modèle; or, celui-ci ne fonctionne pas mieux que le premier. La tension est à son comble dans tous les pays européens.

Vous doutez profondément de l’entrée dans une ère post-nationale.

C’est dans les nations, dans le cadre national qu’a pu, en Europe, s’épanouir la démocratie. Une démocratie post-nationale est-elle donc possible ? J’en doute en effet. Même avec son Parlement, l’Union européenne ne peut être une démocratie, mais bien en revanche une bureaucratie. Dans une société multiculturelle, chacun risque de se déterminer en fonction de son identité régionale ou religieuse. C’en sera fait, dès lors, de la communauté des citoyens. Je pense donc que nous avons tout à perdre à sortir de la nation.

Quelle identité l’Europe doit-elle par conséquent affirmer ?

Il faudrait que l’Europe ait le courage d’affirmer une identité. Pour s’extraire une fois pour toutes des ornières de sa belliqueuse histoire, elle voudrait se constituer autour de valeurs universelles. Ainsi oublie-t-elle qu’elle est une civilisation particulière, qui doit transmettre l’essentiel aux générations futures. J’invite l’Europe à revenir sur terre et à accepter son identité. Elle a beaucoup de mal à le faire, notamment lorsque se pose la question de l’entrée de la Turquie dans l’Union. L’Europe, face à la Turquie, ne veut pas assumer sa différence. Peu importe la spécificité de l’histoire, la cohérence de l’héritage commun aux nations qui la constituent, seul compte à ses yeux le respect des droits de l’homme. Mais raisonner ainsi, c’est dire que n’importe quel pays démocratique a vocation à devenir européen, quelle que soit son histoire ou sa situation géographique. Pourquoi pas le Japon ?

Il faut donc se méfier du multiculturalisme ?

D’abord, il faudrait rendre justice à l’assimilation. Assimiler, ce n’est pas éliminer la différence, ni soumettre tous les individus à un modèle unique. Je ne me suis personnellement pas assimilé à la culture française, il m’a été donné par l’école de m’y assimiler et de m’enrichir de cet héritage. Aujourd’hui, on voudrait remplacer cette assimilation non plus seulement par l’intégration, mais par l’inclusion - un nouveau concept qui circule dans les ministères. Autrement dit, il n’y a plus de dissymétrie entre la culture d’origine et la culture des nouveaux arrivants; tout est mis à égalité. Je pense que ce n’est plus vivable. Une nation n’est pas un aéroport ou une salle des pas perdus, et il est normal que ceux qui y vivent depuis longtemps puissent continuer de se sentir chez eux. Il est légitime aussi que le mode de vie majoritaire s’impose aux nouveaux arrivants, il en va de la survie même de la civilisation française. La coexistence des cultures n’est harmonieuse que dans les magasins : toutes les cuisines, toutes les musiques peuvent cohabiter. Dans la vie, c’est autre chose. Les modes d’existence entrent en collision. Cette société multiculturelle risque d’être beaucoup plus violente que la nation qu’elle vise à remplacer.

Comment tenir ce discours sans être traité de réactionnaire ou de fasciste ?

 

Il me semble que c’est une folie de vouloir criminaliser l’appartenance à un peuple ou à une nation. Cette folie fait le jeu, en France, du Front national. L’inquiétude identitaire doit être prise en compte par les partis républicains, la gauche notamment parce qu’elle touche le peuple. Si celle-ci veut continuer à être hospitalière, elle doit concevoir l’hospitalité comme le fait de donner ce qu’on a et non selon la doctrine en vogue, celle de l’effacement ou de l’oblation de soi afin de permettre à l’Autre d’être pleinement ce qu’il est.

(*) (Stock), 228 pages, 19,50 €.

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11 décembre 2012 2 11 /12 /décembre /2012 22:05

 

Lu sur TOUDI cet avis de José Fontaine :

 

"On s'étonne ici que nous puissions parfois nous sentir plus proches de certains Flamands que de la RTBF et de Maingain.

 

Pourtant, celui-ci propose une Brabant bilingue qui serait la même chose que l'ancienne province, avec trois millions d'habitants, ce qui pose quand même des problèmes car ce serait imposer un bilinguisme sans fondement à 300.000 Brabançons wallons (je veux dire dans les administrations, les communes etc, ce qui coûte cher).

 

Or cette démarche coûteuse, la finalité n'en est que l'agrandissement de Bruxelles au détriment de la Flandre qui y perdrait sans doute sa langue: en effet, dans un cadre belge, elle devient minoritaire et comme le bilinguisme débouche sur la francisation (déjà bien avancée dans le Brabant flamand), cette proposition est une proposition qui consiste à dire aux Flamands que l'on va détruire ce pour quoi ils se battent depuis 150 ans. On ne peut pas dire que cet homme cherche les solutions les plus adéquates à l'entente.

 

En outre la Wallonie perdrait sa région la plus riche.

 

Il est possible que pour certains Bruxellois, se vivant comme des non nationalistes, que la Wallonie perde une partie de son territoire est sans importance. Pourtant, à ce que je sache - et personne ne les a contestés et nous les avons approuvés en mai à cet égard - les Bruxellois cherchent aussi à demeurer eux-mêmes, à ne pas être considérés sous le seul angle francophone. Ils devraient donc partager notre perplexité devant des propositions du type de celles de Maingain.

 

Mais celui-ci va encore plus loin: en cas de disparition de la Belgique, Bruxelles et la Wallonie doivent faire un seul pays, fusionner sur tous les plans. On se demande ce que cela peut bien vouloir dire. Xavier Mabille a souvent insisté sur le fait qu'un Etat moderne ne doit pas se donner une seule capitale et c'est ce que les Wallons ont fait en partageant la fonction capitale entre Namur, Liège, Charleroi et Mons.

 

Si Bruxelles rentre dans la danse il va partager quoi avec qui? Avec personne. Le raisonnement de Maingain comme celui de Rudy Aernoudt c'est que Bruxelles est encore plus importante que la Belgique, qu'il faut donc tout miser sur Bruxelles: une telle union - une métropole urbaine a divers atouts que n'a pas un pays même plus étendu et plus peuplé sans grande ville qui puisse équilibrer - consisterait en une absorption de la Wallonie par Bruxelles.

 

En 1965, je me souviens avoir entendu Théo Lefèvre, ancien premier ministre, vanter lui aussi les mérites de Bruxelles, dans une perspective belge. Dès cette époque, je me suis posé la question de savoir si l'on ne vouait pas ainsi la Wallonie à devenir la banlieue de la capitale de l'Europe.

 

Il me semble légitime d'avoir comme ambition pour la Wallonie autre chose que cela. Le projet de Maingain y conduit évidemment. Si dans le cadre belge tout est déjà tendu à concentrer à peu près tout à Bruxelles, sur un territoire plus restreint, la tentation sera encore plus grande et les résultats plus néfastes: on aurait ainsi une ville boursouflée, à la manière de ces essences d'ombres (les forêts de hêtres), qui ne laissent rien subsister en dehors d'elles-mêmes. La Wallonie disparaîtrait évidemment comme pays, même probablement, à termes, les grandes villes.

 

Nous avons eu ici le fantasme explicite de Bruxelles-francophone n'imaginant pour la télé wallonne que dans la conversation avec les vaches en wallon. Nous avons ici le fantasme d'un Bruxellois qui, un grand sourire aux lèvres, nous annoncent que notre avenir c'est d'être bouffés par la capitale de l'Europe.

 

Il ne faut pas quand même oublier que la politique c'est viser à l'entente, à travers des compromis. Bart de Wever est ce qu'il est mais il ne propose pas l'annexion de la Wallonie par la Flandre et ne dit rien non plus de tel pour Bruxelles.

 

Maingain est le plus dangereux des nationalistes, car, dans la difficile entente entre les trois composantes belges, il préconise au fond que celle à laquelle il appartient détruise la Flandre et bouffe la Wallonie.

 

Qui a des fantasmes? Et en l'occurrence les fantasmes les plus troublants: ceux de la toute-puissance.

 

Maingain = "Je tiens à vous dire que vous ne serez jamais aussi heureux que lorsque je vous aurai tous mangés".

 

Le danger pour la Wallonie est que beaucoup de gens - y compris en Wallonie - sont prêts à adhérer au projet de se faire bouffer et à renoncer non seulement à la liberté mais à l'être même.

 

Il faut espérer en une révolte des forces du cœur et de l'esprit.

 

Elle ne viendra pas de la RTBF où ces propos ne feront pas scandale alors qu'ils sont plus dangereux qu'un dérapage sur les mille collines.

Oui à la Flandre, la Wallonie et Bruxelles, non aux totalitaires qui n'acceptent pas la diversité."

 

 

 

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21 octobre 2012 7 21 /10 /octobre /2012 20:26

 

« Je veux les peuples grands, je veux les hommes libres. »

Victor Hugo

 

 

 

Il est toujours bon de prendre un peu de recul quand c’est possible. Voilà pourquoi je ne me suis pas pressé de réagir à chaud quelques heures après le scrutin. Ce recul permet de mieux juger et d’analyser plus sereinement les résultats.

 

La première leçon, c’est évidemment la progression de la N-VA en Flandre. Elle est spectaculaire. Ce parti est parvenu en quelques années à s’implanter dans le paysage politique. Ce n’est pas étonnant.

Je lis pourtant qu’il serait en recul, que son score est inférieur à celui que lui auraient prédit les sondages. Il n’en est bien évidemment rien et ceux qui prennent leurs rêves pour des réalités  se mettent le doigt dans l’œil jusqu’à… l’omoplate.  

Pourquoi ? Simplement parce qu’il est très difficile d’évaluer les résultats de ces élections locales, communales et provinciales.  D’aucun se basent sur les résultats provinciaux en pensant les exporter au niveau national sous prétexte que les circonscriptions électorales sont les mêmes que pour les scrutins fédéral et régional.

Que disent-ils ? La N-VA n’aurait obtenu que 28,6 % des voix, tout juste un peu mieux qu’en 2010 (27,8 %). Et alors ? C’est oublier que les deux élections locales étaient concomitantes.  Classiquement, on vote de la même manière dans les deux. C’est un principe connu. Or, il y a gros à parier que la grande majorité des électeurs vote d’abord au niveau communal pour une personnalité locale et dans un second temps,  pour cette même personne ou pour son parti au niveau provincial.

Les résultats par province agrègent donc les résultats communaux à quelques détails près liés à la présence ou l’absence de ces personnalités connues ou proches sur les listes.

La N-VA serait un parti d’extrême droite qui a récupéré les voix du Vlaams Belang ? Voire… Tout d’abord, les partis qui militent, de façon démocratique, pour l’indépendance ne sont pas pour autant des partis d’extrême droite. Bien au contraire, la N-VA a souvent mis en avant son objectif de réduire la puissance de nuisance du Vlaams Belang qui, lui professe ouvertement ce genre d’idées. Ce n’est pas parce que c’est un parti que propose des solutions dites « de droite » qu’il n’est pas démocratique. D’ailleurs, si on se base sur les résultats des dernières élections provinciales, il apparaît que les électeurs qui ont quitté le VB ont plutôt voté les autres partis démocratiques. Sur base des résultats de 2010 (Mais comme je l’ai expliqué plus haut, ce type de calcul est biaisé) : le CD&V qui décrochait 17,3 % en 2010 fait 21,5 % cette fois-ci. Le VLD passe de 13,6 % à 14,6 % des suffrages..

Enfin, même si comparaison n’est pas raison, faut-il rappeler que les militants qui ont fondé le Rassemblement wallon dans les années ’60 ont été qualifiés d’inciviques alors qu’ils étaient pour leur grande majorité issus de la… Résistance !

Enfin, dernier point. Les électeurs auraient voté pour la N-VA  sans vraiment savoir que ce parti est indépendantiste ou pour de toutes autres raisons… Ouais… C’est faire injure aux citoyens flamands, beaucoup mieux politisés que chez nous. Ils savent parfaitement pour qui ils ont voté. Si dans l’arrondissement d’Anvers il y aurait peut-être eu confusion et que les électeurs y auraient exprimé un vote « national », ce qui reste à démontrer, c’est qu’il y avait un double enjeu, à la fois « national » et local.

Non, ceux qui espèrent un ressac aux prochaines élections en seront pour leurs frais.

Le fait de se rependre en imprécations dans la presse dite francophone ne fera qu’accélérer les choses.

 

A part le fait que De Wever ne puisse perdre le contrôle de ses troupes.  Et effectivement, nul n’est à l’abri d’un dérapage qui sera monté en épingle pour discréditer tout le travail fait par ailleurs. Parce que n’en doutons pas, il devrait faire de l’excellent travail. La N-VA n’a-t-elle pas choisi ses cadres parmi des milliers de candidatures et d’adhésions ? Et parmi ces derniers, d’anciens poids lourds de la politique, des milieux économiques ou académiques ?

Par ailleurs, n’oublions pas que De Wever est historien, j’imagine difficilement qu’il ne tiendra pas compte des erreurs commises par d’autres avant lui.  Croyez-moi, jusqu’ici, il a fait un parcours parfait.  La mise en scène de son discours et de son déplacement jusqu’à l’Hôtel de ville ne devait rien au hasard et correspondait à l’image que le Peuple de Flandre attend de voir.

 

Il reste à répondre à ceux qui n’ont pas encore compris comment il en est arrivé là. C’est simple. Il est arrivé au bon moment et a su capitaliser sur le sentiment d’humiliation de la Flandre. Sentiment qui a culminé avec la manière dont les partis et médias francophones se sont moqués de Leterme après son succès électoral entre 2008 et 2010. Même si ce sentiment remonte à beaucoup plus loin, il était encore gérable jusqu’en 1962-63, quand après la fixation de la frontière linguistique, l’instauration de facilités au départ provisoire s’est révélée définitive dans l’esprit de quelques ultras francophones. Certes, les torts sont partagés, puisqu’on a accepté le redécoupage du pays sur base de communautés linguistiques aux frontières floues. Laissant ainsi la place à des conflits de territoire. Et ce n’est pas fini puisque la scission de l’arrondissement de Halle-Vilvoorde n’est que partielle.

 

L’arrivée d’échevins (Adjoints au Maire) appelés « de la flamandisation » dans certaines communes procède de la même logique. Ils correspondent à ca qui est attendu. Et pour être tout à fait honnête avec vous, j’aimerais bien qu’en Brabant wallon, nous ayons des échevins ayant dans leurs attributions le respect du caractère wallon des communes, du respect de la langue française et du maintien des traditions.

 

Deuxième leçon, en Région de Bruxelles-Capitale, ce fut un festival de mauvaise foi et d’humiliations dont même les politiciens pourtant friand ne sont pas prêts de se remettre. J’ai pu constater qu’une fois de plus, Bruxelles et les 18 villages de la Région ont été le centre du monde dans les médias. Pour ces derniers, à part quelques « stars », La Wallonie, on ne connaît pas ou alors, c’est si  peu important...

Inquiétante progression du parti « Islam ». Là où il se présente, il fait mieux que le FDF… Un communautarisme en chasserait-il un autre ?

 

Troisième leçon, en Wallonie justement.

On y a voté « gestion communale » logiquement. En faveur de ceux qui (à part les « stars des médias » dont certains étaient déjà  réputés élus d’avance) pouvaient rendre le meilleur service à leur communauté. Après ça, les jeux d’alliance ont fait la décision.

Epinglons quand même quelques résultats interpellant. Le piètre score de Demotte (il est vrai parachuté) à Tournai. Le recul d’Ecolo dans son fief historique à Namur. La quasi disparition d’élus d’extrême droite probablement parce que cette… euh… tendance se présentait en ordre dispersé sous une multitude de sigles (NEW, NWA et FNW et « Wallonie d’Abord »).

Une poussée du PTB+ d’extrême gauche extrêmement présent sur le terrain entre les campagnes électorales. Même si on peut deviner que ce fait va titiller le PS et qu’à la prochaine occasion, ce dernier abandonnera sa modération actuelle visant à maintenir Di Rupo le plus longtemps possible au poste de premier ministre. On assistera alors à une « regauchisation » du parti.

Le FDF qui a bénéficié d’un fort soutien médiatique obtient deux élus communaux en région liégeoise, l'un caché sous l’étiquette « Intérêts communaux » et un autre qui a bénéficié du vote de rejet, suite au mécontentement du à l’éviction de Michel Daerden à Ans, en l’absence de candidats d’extrême droite ou gauche. Ça ne devrait être qu’un feu de paille.

En Brabant wallon, ils passent deux élus à la province. Là aussi, profitant sans doute plus de l’absence de liste d’extrême droite et du manque de crédibilité du parti anti-politique « pirat » que de réelle adhésion puisque si on compte une importante population de bruxellois immigrés dans la province, il semble bien que ces derniers aient votés plutôt « gestion locale » que communautaire. Ce dont on peut se réjouir.

Si le RW fait de scores faibles, mais honorables en Hainaut, là où il s’était présenté préférentiellement, le RWF, lui, n’arrive pas à dépasser son résultat de 2006.  Décidément, le fondamentalisme rattachiste ne semble pas convaincre malgré des sondages prometteurs.

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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 06:55

J’ai lu avec intérêt les opinions de Jules Gheude et d’Alain Maskens publiées dans « La Libre Belgique » de ces 4 et 5 juillet. L’argumentation relève souvent davantage d’une préférence a priori que l’on cherche à justifier que de l’objectivité, par ailleurs illusoire sur l’appréhension du fait politique, tant celle-ci peut être subjective. Tout en sachant que dans des matières aussi complexes il subsistera très probablement inévitablement un degré d’incertitude par rapport à la pertinence des argumentations qui présideront aux choix, quels que soient les scenarios.

 

En l’occurrence, le seul principe logique essentiel à ne pas perdre de vue étant que tout qui prend parti pour un scenario déterminé concernant la Wallonie ou Bruxelles, doit le faire sur base de ce qu’il estime vraiment être le meilleur possible pour les Wallons ou les Bruxellois. C’est pourquoi il est évidemment primordial d’entamer au plus tôt un débat public sur les choix d’avenir possible pour ces deux Régions-Etats en devenir fort différentes l’une de l’autre. Or là, le champ est beaucoup plus large que des choix tranchés publiés ici où là pourraient le faire croire.

 

Il faut en particulier en finir avec l’illusion d’une « Belgique francophone » qui n’ose pas dire son nom puisqu’appelée « Fédération Wallonie-Bruxelles ». Sans rejoindre tout à fait Bert Kruismans - l’humoriste chouchou de la RTBF toujours en quête du « bon Flamand » - qui déclare cyniquement que Bruxelles est une ville « qui parle en français mais pense en flamand », tout montre que cette création politique est destinée à rester parfaitement artificielle et très instable.

 

Je ne partage pas le choix de termes guerriers par Jules Gheude qui parle de « dernière bataille » et de « coup décisif » comme s’il déniait à la Flandre le droit légitime des Peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme je reste confondu devant le fait que des partis et des organes de presse francophones ont pu taire aux citoyens la réalité politique et institutionnelle qui s’est imposée le 31 octobre 1962 lors du « clichage » de la frontière linguistique par 130 députés (dont 93 élus dans les arrondissement flamands) contre 56 autres (dont 45 élus d’arrondissements wallons). « Clichage » qui a été complété par l’adoption de la loi sur l’emploi des langues et la reconnaissance des quatre régions linguistiques le 2 août 1963 ainsi que par l’inscription dans la Constitution des Régions linguistiques le 24 décembre 1970. Constatons donc que depuis 1963, et à plusieurs reprises, ce choix politique de la frontière linguistique a plutôt été confirmé que remis en question malgré un échafaudage de délicats compromis. La Constitution (et personne ne remet ça en cause) précise que les limites des Régions ne peuvent être changées ou rectifiées que par une loi adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des Chambres… Ne rêvons plus ! BHV est scindé depuis 49 ans et les frontières sont définitives. Préparons plutôt l’avenir. Et à ceux qui estiment que la reconnaissance du caractère flamand serait une tragédie pour les francophones égarés (comme l‘écrivait déjà Jules Destrée en 1929) on peut rétorquer que la scission de l’Université de Louvain a apaisé les esprits dans la ville universitaire, que les francophones seront toujours libre d’être candidats et de voter pour des listes francophones. Encore que, pour les élections régionales de 2009, 58% des électeurs francophones ont apporté leurs suffrages à la liste francophone (UF) alors que 42 % des électeurs (toujours francophones) ont voté pour une liste flamande classique… Rien ne prouve que l’éclatement de la Belgique ne soit pas – à terme- une bonne chose. En particulier pour les Wallons.

 

On pourra objecter à mon opinion que celle-ci se préoccuperait peu du destin des francophones de Bruxelles ou des environs. Wallon, je n’aurai pas l’impudence de m’exprimer à leur place. C’est à ceux-ci à se choisir leur propre avenir. Depuis Renan, pour les tenants d’un humanisme français, la conception moderne de la nation dépasse largement le cadre ethnique ou tribal. Elle trouve plutôt sa source dans un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Elle est ainsi à la fois extérieure aux individus, en même temps qu’elle est intériorisée et transmise d’une génération à l’autre.

Le fort sentiment d’appartenance et de différenciation par rapport aux autres régions qui est exprimé régulièrement à Bruxelles – et Alain Maskens a raison de le dire - montre qu’au-delà des difficultés liées au multiculturalisme local, il existe une identité forte, facteur d’autonomie bruxelloise. Laissons-la s'exprimer.

Cela n’a jamais empêché les Wallons d’exprimer une forte solidarité avec les Bruxellois dits francophones. Mais cette solidarité doit être réciproque et suppose, à Bruxelles, une même solidarité à l'égard de la Wallonie. Une solidarité concrétisée dans des engagements plus précis que ceux édictés sous les auspices de la seule institution actuelle de la Communauté française. Des accords directs bi-régionaux pourraient avantageusement remplacer le flou actuel. La « Belgique francophone » si elle est anti-flamande est également et surtout fort peu soucieuse de l'identité wallonne.

 

Pour la Wallonie, pour les Wallons, confrontés à court terme et inéluctablement à des choix imposés mais douloureux, il n’est plus temps de craindre l’avenir, mais de le préparer. C'est-à-dire, se donner les moyens de le comprendre avant qu’il ne devienne présent afin de l'affronter avec la dignité d’un peuple adulte et responsable. Il revient aux acteurs politiques et sociaux, mais aussi aux intellectuels, de considérer ce dernier comme tel. On sait (on pense) que le passage par un confédéralisme de dissociation qui se prépare n’est que l’antichambre du séparatisme. Dans un premier temps, la Flandre s’en accommodera tout en maintenant - pour dix ans ? - le lien solidaire avec les Wallons, qu’elle n’aura pourtant de cesse de vouloir rompre le plus tôt possible. La Flandre n’est pas encore tout à fait prête, il lui reste à parfaire ses préparatifs en utilisant au mieux la latitude que lui laissent le système de péréquation et la loi de financement des entités régionales. C’est là l’intérêt des Flamands.

Malgré cela, au-delà de ces réflexions, faut-il pour autant négliger un aspect essentiel : Jamais encore des raisons purement économiques n’ont été à la base de la création ou de la disparition d’un Etat. Et, en effet, on observe qu’une volonté politique forte n'est pas tenue de respecter des analyses économiques même objectives mais aussi parfois frileuses. L’exemple de la Slovaquie est là – certes dans un autre contexte – pour le montrer. Pourquoi les Wallons n’auraient-ils pas, comme d’autres, le droit de croire en eux ? Mais là aussi et pour cette raison, il y aura à arbitrer entre l’émotion et la raison. Comme l’écrivait Louis de Bonald dans ses « Considérations sur la Révolution française » : « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître ».

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10 octobre 2011 1 10 /10 /octobre /2011 19:26

En attendant le rapport du formateur sur ce qu'on appelle une fois de plus (en fait la sixième !)  « la pacification de l'Etat » (sic !) première étape de l'éventuelle formation d'un gouvernement dont on peut déjà prévoir que les conséquences de la seconde étape (socio-économique) seront dramatiques pour notre niveau de vie, je vous suggère la lecture d'un article paru dans « Le Vif » : http://www.levif.be/info/actualite/dossiers/les-entretiens-du-vif/paul-jorion-sans-revolution-ce-sera-la-chute-de-l-empire-romain/article-1195115511426.htm

 

Disciple belge de Claude Lévi-Strauss, cet anthropologue « touche à tout » a toujours été considéré comme un vilain petit canard théorique mais avait prédit, avec une précision étonnante, la crise des subprimes.

 

Pour lui, qui estime - ce que je partage - que «l’économie est une chose trop sérieuse pour être attribuée aux seuls économistes», l’économie est le trou noir de la nature humaine, celui particulièrement impensé et dans lequel mijotent avant qu’elles ne débordent, toutes les irrationalités. «L’esprit n’est pas cartésien, la raison est caparaçonnée et dirigée par l’affect», affirme-t-il.

 

Un autre regard qui nous sort de la pensée unique. Voyez ce qu’il dit du sacro-saint PIB…

« (...) mesurer la dette en fonction du PIB, soit le potentiel économique d'un pays, c'est un artefact. Historiquement, en 1944, les pays qui avaient connu une économie de guerre n'avaient plus les moyens d'évaluer leurs rentrées fiscales. Les Etats ont alors décidé de ne plus mesurer leurs dépenses par rapport à leurs rentrées, mais par rapport à leur PIB. C'était provisoire. Cela aurait dû durer cinq ans tout au plus. Mais on a maintenu le système, par habitude, sans même plus savoir aujourd'hui pourquoi on l'a imaginé. Désormais, l'Allemagne va l'inscrire - c'est la fameuse règle d'or - dans sa Constitution et obliger les autres membres de l'Eurogroupe à la suivre. C'est du délire ! On ne peut mesurer ses dépenses que par rapport à ses rentrées, comme les ménages le font »

 

Plus que du bon sens. Il n’y a pas qu’en politique institutionnelle belge que l’ignorance de l’Histoire conduit à des catastrophes…

 

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16 août 2011 2 16 /08 /août /2011 10:23

Vous avez certainement – comme moi – lu dans la presse l’interview de François Perin en faveur d'une solution claire au problème belge, ainsi que les articles sur la publication de l’étude de Jules Gazon (ICI) sur les difficultés auxquelles serait confrontée une Wallonie indépendante.

 

Deux approches différentes, mais complémentaires. Elles partent toutes deux de l’opinion qu’il n’y a pas d’autre choix que la réunion de la Wallonie à la France. Vous connaissez mon opinion à ce sujet. Je voudrais simplement prendre ici un peu de recul.

 

Wallonie indépendante ou Wallonie française, seuls choix.  Mais choix par rapport à quoi ? Si une alternative correspond à une situation à laquelle il n'existe que deux solutions possibles. Ici, en l’occurrence l’indépendance wallonne ou le rattachement à la France, encore faut-il montrer en quoi la situation actuelle est problématique. D’autant plus que d’autres solutions sont prônées par d’aucuns et tiennent la corde dans les programmes des partis traditionnels.

 

Objectivement, il semble aujourd’hui très difficile d’imaginer une vision commune de la Belgique où les institutions seraient normalement là pour appuyer un projet de société, un « vivre-ensemble commun ». Pourtant, rappelant que depuis des années, les relations entre communauté et Régions se sont structurées, institutionnalisées, il ne faut pas écarter d’un revers de manche l’hypothèse d’une solution pacifique, certes difficile à concevoir ou compliquée à mettre en œuvre, mais pragmatique comme le confédéralisme.

 

L’autre hypothèse étant ce qu’il est convenu d’appeler « la Fédération Wallonie-Bruxelles »… Gommant même l’existence des Flamands de Bruxelles, complètement mis hors jeu dans ce débat, cette fédération porte en elle les germes de la rupture définitive du « pacte des Belges » laborieusement élaboré depuis les premières les lois linguistiques de 1873. Elle montre, en tous cas, que les partis francophones ont intégré et se préparent à la scission de l’Etat belge dont cette Fédération constituerait le résidu. A moins qu’il ne s’agisse que d’un exercice de musculation destiné à apparaître en position de force dans la crise de nationalités qui s’est ouverte depuis les élections du 13 juin 2010… ou, paradoxalement, en défendant leur programme, les partis flamands qui maintiennent leurs revendications de participer à la gestion de Bruxelles contribuent à la « non-évaporation » de la Belgique.

Certes, en termes de comptabilité nationale, se basant sur les statistiques en matière de PIB, cette « Belgique continuée » aurait un PIB équivalent à celui d’une « Flandre –Etat autonome ». Il a été ainsi calculé sur base des statistiques Eurostat 2007 que si on additionne les PIB wallons et bruxellois on obtient 114,8 milliards avec 42,2 % d’habitants contre 154,4 milliard et 57,8 % d’habitants pour la Flandre. Ce qui revient – un peu vite - à dire que le PIB de la Flandre est proportionnellement inférieur à celui de Bruxelles et de la Wallonie réunies...

Ces montants ramenés au PIB par habitant montrent qu’avec 26.330 €, la Fédération Wallonie-Bruxelles ferait même mieux que la Flandre (25.724 €).

Ces extrapolations négligent des aspects importants comme la répartition régionale la dette et ses intérêts en cas de scission. Pourtant largement utilisées par les politiciens, elles ne tiennent pas non plus suffisamment compte d’une réalité qui veut que le PIB régional est rapporté à la population de la région concernée et que, à cet égard, la différence entre le lieu de résidence et le lieu de travail est significative. Le PIB mesure bien les prestations économiques réalisées dans les limites d’une région ou d’un pays, indépendamment de la question de savoir si ces prestations ont été réalisées par des salariés vivant ou non dans cette région ou ce pays. De ce fait, l’emploi de l’indicateur «PIB par habitant» ne pose vraiment aucun problème si tous les salariés qui sont associés à la production de ce PIB ont aussi dans le même temps leur domicile dans cette région.

Dans des centres économiques une forte proportion de navetteurs peut conduire à un PIB régional très élevé par habitant, tandis que celui affiché dans les régions environnantes est relativement faible, bien que le revenu des ménages y soit très élevé. Il ne faut donc pas confondre le PIB régional par habitant avec le revenu régional.

Le flux de navetteurs à Bruxelles peut tout autant être porté au compte de l'attractivité des 19 communes que de la capacité de la Flandre et de la Wallonie de fournir la main d'œuvre nécessaire à l'activité économique à Bruxelles… (2)

Si on poursuit la logique d’affrontement, la guerre civile froide, qui oppose les Communautés et Régions, il reste alors à trouver un avenir en dehors de la Belgique. La stratégie de l’autre Belgique, ou Belgique continuée, étant vouée à l’échec par la stratégie géopolitique qu’elle sous-tend. Tant sociologiquement qu’économiquement, les sensibilités, les besoins sont différents entre les deux régions et que si nous voulons créer toutes les conditions du renouveau de la Wallonie, nous devons maîtriser toutes les fonctions sociales, à commencer par l’enseignement et la culture. Ce qui est difficilement conciliable avec la logique communautaire qui n’est qu’une abstraction « qui se met à faire de la politique ». Enfin, il est prévisible que d’importantes difficultés financières ne manqueront pas de surgir par le partage de la dette belge. La solidarité dont se targuent les promoteurs de ce projet s’étant évanouie avec le départ de la Flandre, ce sont les facteurs de division, jusqu’ici laissés de côté, qui risquent de faire surface. La construction de ce néo-nationalisme francophone tout aussi artificiel est simplement destinée à épauler le nationalisme belge face à une nation flamande en devenir.  Passons…

 

Revenons au problème de départ. Et de « non-dit ». Un choix par rapport à quoi ?

 

Et si on le disait clairement ? Celui de la poursuite d’une Belgique sous une forme ou une autre.

 

Dans le débat d’opinions, il manque une objectivation des deux branches de la vraie alternative : « rester dans l’Etat belge ou ne pas y rester ». C’est que attachés à nos opinions, nos croyances, nous avons tendance à oublier celles des autres. Le débat ne se passe pas uniquement entre rattachistes et indépendantistes. Le panel est beaucoup plus large. Aussi remarquable qu'elle soit, une étude à l’appui de l’une ou l’autre thèse n'est qu'un argument complémentaire d'un camp contre l'autre.

Mais quel est son véritable impact sur la majorité des Wallons ?

Qu'un pourcentage infime (même éclairé) de la population prouve à un autre pourcentage infime de celle-ci que sa solution n'est pas la bonne ne fera jamais basculer une majorité de pensée. Il faut cesser ces combats fratricides. L’intérêt des Wallons et de la Wallonie est en jeu.

 

Je pense qu'il serait utile - mais je n'ai pas les compétences en la matière - de compléter les études par d'autres montrant le coût pour les Wallons de leur maintien dans la structure belge. Que celle-ci reste inchangée ou évolue encore un peu dans la voie du confédéralisme. C’est bien par là qu’il faut commencer.

 

C'est de cela que nous avons besoin. Sous l’influence des médias à la solde des partis traditionnels, les Wallons restent englués dans leur loyauté fédérale et on ne leur démontre pas suffisamment qu'ils se trouvent en compétition avec les autres composantes de la Belgique. S'ils en sont là, c'est probablement parce qu'il ne leur est pas encore apparu que ce sont leurs intérêts, leur survie économique qui sont en jeu. Tant que cette démonstration ne sera pas popularisée en termes simples et crédibles, rien ne changera.

Qui leur montrera le prix de leur maintien dans cette structure ? Qui leur montrera que leurs intérêts vitaux sont en jeu ? C'est ce qu'on peut attendre d'experts et d'intellectuels indépendants. mais le feront-ils ?

 

Ceci dit, j'aime beaucoup cette phrase du texte de Jules Gazon qui résume clairement la position que défends parce qu'elle présente d'avantage de satisfaire à la fois les rattachistes rationnels et les partisans de l’indépendance : « L’alternative passe par une union de la Wallonie à la France, mais pas n’importe laquelle. Pas celle d’une simple association qui postulerait que la Wallonie s’unisse à la France sous une forme confédérale, sans que les Wallons ne soient citoyens français, donc sans bénéficier du lien solidaire avec la France notamment pour le financement de la sécurité sociale. (...) Et pourquoi pas, un mélange des deux dans une perspective qui allie le meilleur de la République française et de l’autonomie wallonne, en étant citoyens français dans la France solidaire ».

 

 

(1) oubliant que comme le disait Fernand Schreurs, Secrétaire général du Congrès national wallon de 1948 que : « Les Wallons ne sont pas de simples francophones. Un francophone est un homme qui s’exprime en français, sans plus, ajoutant : « Ce que les Wallons ont en plus, c‘est l’intégrité française »    . Propos prémonitoires ?

 

(2) Comme l'explique à de nombreuses reprises l'historien Pierre Lebrun (Essai sur la révolution industrielle en Belgique, Bruxelles, 1979, pp. 589 et suivantes), lors de la scission des Pays-Bas en 1830, la Belgique s'est créée comme un pays profondément déséquilibré avec en Wallonie la seule richesse valable du pays, L'État belge investissant les fruits de l'exploitation de la classe ouvrière en Wallonie dans sa capitale et à Anvers. Il n'est pas besoin non plus de longues démonstrations pour montrer que Bruxelles, dès l'indépendance belge, a été placée au centre du pays et que tout a été fait du point de vue des communications routières et ferroviaires pour que le pays converge vers ce centre. Cet aménagement du territoire conçu en fonction de Bruxelles a eu comme résultat que Bruxelles pouvait être considérée comme «le centre de l'agglomération belge».  C’est cette centralisation excessive du pays dont l’économiste Michel Quévit considère qu'elle est la grande cause du déclin wallon.

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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 17:28

Pour notre Wallonie, seuls comptent demain et les après demain (J.-J Merlot (1959))

 

Dans le cadre de la publication prochaine, en France, d’un livre sur l’histoire de la Wallonie, les auteurs m’ont demandé de me livrer à un petit exercice de prospective. Ce qui peut sembler paradoxal en posface d’un livre traitant du passé. Pourtant, j’imagine qu’en terminant la lecture de cet ouvrage, le lecteur aura compris que la construction de l’entité politique appelée « Wallonie » n’a pas ressemblé à un long fleuve tranquille et que son histoire est loin d’être terminée. Pays de marches appartenant naturellement au monde latin et français (1), mais écartelé par les turbulences politiques de l’Histoire, la consécration d’une identité politique, finalement assez récente à l’échelle des nations européennes, est le résultat d’une conviction forte portée par le Mouvement wallon depuis plus d’un siècle. Une des caractéristiques essentielle de cette identité qui en montre toute l’essence démocratique, c’est celle du respect de l’originalité des deux peuples et des trois régions (auxquels il faut maintenant et fort logiquement ajouter la région germanophone) qui ont composé jusqu’ici la Belgique. Un nationalisme d’exclusion n’a jamais existé en Wallonie. L’autre caractéristique, sans rien occulter, c’est la capacité de dépassement des clivages idéologiques qui a permis de forger ce projet d’entité politique originale. Finalement, l’expérience du fédéralisme, certes incomplet, inabouti et surtout hybride, aura permis de faire naître une société wallonne.

 

Certes, l’Histoire ne justifiera jamais le présent, mais permet de le comprendre. L’histoire du pays wallon ayant été occultée par le besoin de création, puis de consolidation d’un nationalisme belge, ce livre, par la démarche originale qui a guidé ses auteurs, viendra bien à point en complément de la déconstruction d’une certaine mythologie belge depuis Léopold Génicot (2) en 1973.

La pérennité de la Belgique étant, de fait, mise en question par la coexistence de plusieurs nationalités concurrentes sur un même territoire, si ce qu’écrivait Antoine Prost (3): « une société sans histoire est incapable de projet », la Wallonie a bel et bien une histoire. Il reste à définir - sans conception finaliste - un projet d’avenir comme espace politique sans sous-régionalisme et sans repli. Question difficile qui appelle une réponse plus complexe encore : « Notre combat est d’abord un combat contre nous-mêmes » écrivait François Perin en 1971 (4)…

Et, en effet, quels sont les choix d’avenir possibles pour la Wallonie et les Wallons ?

 

Constatons d’abord, que près de soixante-dix ans après le Congrès national wallon de Liège (5), le débat institutionnel est loin d’être terminé… Néanmoins, il est logique de se demander dans quelle mesure, la Wallonie sera partie prenante du « réveil des peuples européens » auquel nous assistons, de l’Ecosse à la Catalogne ou du Pays Basque à la Flandre ?

 

C’est que la Belgique, ainsi que les environnements économiques et politiques internationaux ont tellement changé depuis 1945 qu’un éventail de possibles restreint s’offre aux Wallons.

A l’extérieur, une Union Européenne économique dicte ses lois aux nations jadis souveraines. Des institutions financières dictent leurs conditions et imposent des plans d’austérité aux populations, à cause du spectre d’une faillite des banques et des pays. En interne, depuis « l’affaire royale », et alors que paradoxalement, la décentralisation est dépassée par la Loi, le régime belge s’est renforcé dans les esprits (wallons et bruxellois francophones…) grâce à la disparition de la presse d’opinion, l’omniprésence et le conformisme de la presse radiotélévisée (6) et enfin la concentration des médias à Bruxelles.

Surtout, le fédéralisme – et on peu discuter à perdre haleine de ses réussites et de ses échecs – est passé par là. Il aura été utile en termes de redressement de l’économie régionale, son bilan restera plus que mitigé en matière de « communautarisation » puisque cette politique aura abouti à polariser le débat ethnique sur base linguistique. Au point d’obérer les identités régionales dans ce qu’il est convenu d’appeler « la Fédération Wallonie-Bruxelles » oubliant que comme le disait Fernand Schreurs : « Les Wallons ne sont pas de simples francophones. Un francophone est un homme qui s’exprime en français, sans plus ». Ajoutant : « Ce que les Wallons ont en plus, c‘est l’intégrité française (7) ». Gommant même l’existence des Flamands de Bruxelles, complètement mis hors jeu dans ce débat…

Cette fédération porte en elle les germes de la rupture définitive du « pacte des Belges » laborieusement élaboré depuis les premières les lois linguistiques de 1873. Elle montre, en tous cas, que les partis francophones ont intégré et se préparent à la scission de l’Etat belge dont cette Fédération constituerait le résidu. A moins qu’il ne s’agisse que d’un exercice de musculation destiné à apparaître en position de force dans la crise de nationalités qui s’est ouverte depuis les élections du 13 juin 2010… ou, paradoxalement, en défendant leur programme, les partis flamands qui maintiennent leurs revendications de participer à la gestion de Bruxelles contribuent à la « non-évaporation » de la Belgique.

Alors qu’un nationalisme francophone tout aussi artificiel (8) est venu épauler le nationalisme belge face à une nation flamande en devenir, tous deux exacerbés, la Wallonie peut-elle envisager un avenir serein ?

Le fédéralisme a montré ses limites face à une Flandre qui appelle clairement à une alternative.

 

Alors ? Quel avenir et dans quel cadre ? Evaporation, métamorphose ou quoi d’autre ?

Paradoxalement, la crise politique semble replacer la Wallonie devant certains choix du Congrès national wallon de 1945. Réunion à la France, indépendance… ou confédéralisme ?

 

Le confédéralisme, dernière chance ?

Même si, en terme de prospective, il est aujourd’hui très difficile d’imaginer une vision commune de la Belgique du futur proche, où les institutions seraient normalement là pour appuyer un projet de société, un « vivre-ensemble commun. Rappelant que depuis des années, les relations entre communauté et Régions se sont structurées, institutionnalisées, il ne faut pas écarter d’un revers de manche l’hypothèse d’une solution pacifique, certes difficile à concevoir ou compliquée à mettre en œuvre, mais pragmatique comme le confédéralisme. La clé de la « paix des belges », en respectant les acquis des décennies précédentes, une réforme institutionnelle transparente, simple et cohérente aboutissant à une refondation du pays sur base de quatre Etats-Régions égaux en compétence et en droit, où chacun est partenaire de l'autre et non ennemi, permettrait de sortir des ressentiments, linguistiques ou ethniques. En objectivant des territoires politiques sur base d’espaces définis comme c’est le cas partout en Europe. Le territoire déterminant la citoyenneté, pas la langue. Evidemment, il faudra du courage pour changer de discours, mais ce serait en finir avec les combats symboliques. Qui peut croire en ce mois de juin 2011 que c’est encore vraiment possible ?

 

Si on poursuit la logique d’affrontement, la guerre civile froide, qui oppose les communautés et Régions, il reste à trouver un avenir en dehors de la Belgique. La stratégie de l’autre Belgique, ou Belgique continuée, étant vouée à l’échec par la stratégie géopolitique qu’elle sous-tend. Comment ne pas être sidéré par les propos de leaders politiques francophones annonçant que dans la « nouvelle Belgique », l’enseignement flamand à Bruxelles sera fusionné avec l’enseignement « francophone » ? Que les Flamands ne sont désormais plus des adversaires mais des ennemis politiques (9) ? Que s’ils veulent quitter la Belgique, ils devront rapatrier leurs institutions dans les trois mois… sans transformer Bruxelles et sa périphérie en un Sarajevo ?

Sans compter que, tant sociologiquement qu’économiquement, les sensibilités, les besoins sont différents entre les deux régions et que si nous voulons créer toutes les conditions du renouveau de la Wallonie, nous devons maîtriser toutes les fonctions sociales, à commencer par l’enseignement et la culture. Ce qui est difficilement conciliable avec la logique communautaire qui n’est qu’une abstraction « qui se met à faire de la politique » (10). Enfin, devant le lot de difficultés financières héritées de le partage de la dette belge, la solidarité dont se targuent les promoteurs de ce projet s’étant évanouie avec le départ de la Flandre, ce sont les facteurs de division, jusqu’ici laissés de côté, qui risquent de faire surface.

 

En dehors de la Belgique, en toute légitimité ?

L’énorme différence avec 1945, c’est que la Wallonie dispose maintenant d’un Parlement légitime, représentatif, élu séparément et directement. Jouissant ainsi de la pleine souveraineté et qui peut décider de se donner la capacité juridique de prendre les décisions institutionnelles engageant l’avenir du Peuple wallon. Cette affirmation politique ne pourrait qu’être reconnue internationalement.

 

Rationnellement, et en écartant les délires farfelus de type reconstruction des Etats bourguignons ou des anciens Pays Bas, le choix se limiterait à deux possibilités, une union (d’un type à définir) avec un pays voisin accueillant ou l’indépendance.

 

Un voisin accueillant ?

Excluons d’emblée deux hypothèses qui ont parfois été évoquées : le rattachement à la République fédérale d’Allemagne ou le rattachement au Grand Duché de Luxembourg. L’une comme l’autre ont été réfutées par les responsables politiques de ces deux pays. Tacitement pour la première, publiquement pour la seconde.

 

Historiquement, la construction de l’identité wallonne jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale a été indissociable de la relation que le Mouvement wallon a entretenue avec la France tant en matière de défense que d’économie. Depuis, certes, les choses ont évolué, mais avec curiosité, maladresse parfois, les médias français essayent d’expliquer ce que la plupart des Belges ne comprennent pas eux-mêmes. L’enjeu est de taille. Un Etat européen voisin, en partie francophone, en principe allié, réputé jusqu’ici politiquement stable si pas conservateur, économiquement évolué, risque de disparaître. Si pas complètement, en tous cas dans sa forme actuelle. Pour la France, les conséquences peuvent être aussi importantes que pour nous.

Cette hypothèse pose logiquement les questions du type de relations que nous pourrions avoir avec la France.

Quels pourraient être les statuts la Wallonie et Bruxelles dans cet Etat que l’on dit « centralisateur à un degré névrotique » ?

L’Histoire nous éclaire. En 1919, l’Alsace et la Lorraine ont réintégré la République, et gardé un certain nombre de dispositions de droit allemand qui étaient favorable et qui sont toujours d’actualité : droit sur la faillite personnelle (depuis élargi à tout le territoire), traitement des membres des clergés, dispositions particulières sur les langues locales (De vraies facilités en quelques sorte…). Pour le reste c’est le Droit français, plus favorable qui s’applique.

Depuis, la Loi de Décentralisation de 1982 a organisé un transfert de compétences de l’État à des institutions distinctes de lui : les collectivités territoriales, parmi lesquelles les régions. Celles-ci bénéficient ainsi d’un pouvoir politique, une certaine autonomie de décision et de leur propre budget (principe de libre administration). Sous la surveillance d’un représentant de l’État (l’autorité de tutelle) qui n’est pas un supérieur hiérarchique, mais vérifie simplement la légalité des actes émis par ces collectivités.

 

Toutes les régions n’ont pas le même statut. La Corse (on nous prédit souvent une vocation à devenir des « Corses du Nord »…) a acquis un statut spécial, avec une Assemblée détenant des pouvoirs plus élargis que les autres régions, dotée d’un exécutif doté aux larges responsabilités qui dirige l’action de la collectivité. Un mécanisme permet à l’Assemblée de Corse de mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif. Le conseil économique et social s’y est vu reconnaître une vocation culturelle. Actuellement, c’est le seul en France métropolitaine. Des compétences, qui feraient même rêver… la Flandre, ont ainsi été transférées à cette collectivité territoriale, dans des domaines très variés : éducation, communication, culture et environnement, aménagement du territoire, aides au développement économique, agriculture, tourisme, industrie, logement, transports, formation professionnelle, etc… Le conseil régional est aussi l'interlocuteur et le partenaire de l'État pour les programmes importants et de longue durée.

 

Certes, contrairement à nos décrets ou ordonnances, aucune de ces entités ne possède, jusqu’à présent, de compétence législative. Seul le Parlement vote les lois de la Nation; et seul le gouvernement conduit la politique de la République. Mais ça a le mérite de la clarté et d’éviter les conflits de compétences que nous connaissons.

 

La Constitution protège les droits personnels (11). Ce découpage administratif en régions et en collectivités d’outre-mer (anciens DOM-TOM) n'a pas été réalisé de manière purement arbitraire : il respecte, tant que faire se peut, les identités culturelles, témoins du passé, de l'histoire. La Bretagne, par exemple, a une identité très forte, liée aux péripéties de l'histoire…

Les statuts des régions leur sont adaptés. Il en va ainsi, pour l’exemple, de toute la palette des collectivités d’outre-mer, avec la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna - qui ont trois rois qui gouvernent et sont… rémunérés par l’Etat français (!) ou la Polynésie devenue complètement autonome et dont les liens avec la France se limitent pratiquement à recevoir le chèque de son budget de fonctionnement…

 

En France, ces particularismes ne posent pas, ou si peu, de problèmes ni de déséquilibres et personne n’y trouve à redire ou revendiquer.

Les Wallons auraient ainsi à leur disposition un large choix de possibilité respectant leurs sensibilités.

 

On pourrait craindre que faire entrer la Wallonie au sein de la République, c’est ouvrir la boîte de Pandore d’un fédéralisme centrifuge pour les régions des marches de France. Mais ce risque est-il vraiment si important ou ne serait-ce qu’un chiffon rouge ? Nul doute que le risque, négligeable pour qui est informé, a été évalué. Les marques d’intérêt « officieuses » affichées par les voltigeurs des médias proches du pouvoir ressemblaient plutôt à des signaux.

Les médias (et dirigeants) français sortiraient-ils du syndrome de Waterloo qui les a empêchés jusqu’ici de s’intéresser à ce qui se passe à un peu plus de 200 km de Paris ? Syndrome né de la volonté des despotes d’ancien régime de confiner le Peuple de France dans ses frontières d’avant 1789.

Concrètement, la Constitution française prévoit une procédure de referendum pour l’association de nouveaux territoires (12). Ensuite, les ressources et l'ingéniosité (la créativité) institutionnelle permettra d'accorder un statut qui satisfera les deux (ou trois, n'oublions pas Bruxelles !) partenaires. Association, absorption, association avec intégration progressive, etc... Beaucoup de choses sont possibles en conservant toute l'armature administrative et réglementaire qui conditionne notre quotidien (13).

 

Mais, la France accepterait-elle une « Wallonie sinistrée » ?

Les scénarii financiers catastrophes sur le séparatisme se basent sur une hypothèse des deux ou trois Etats distincts dans un cadre territorial d’une future ex-Belgique « isolée du reste du monde ». Cet exercice est limitant et orienté. Car enfin, soyons sérieux, la Wallonie, ce n’est quand même pas le tiers monde ! Nous avons surtout un problème de gouvernance et ne sommes « pauvres » qu’en comparaison avec la Flandre qui est-elle, relativement riche. Par rapport à un PIB européen moyen de 100, la Flandre se situe à 123 tandis que la Wallonie est à 90. La Flandre est précédée d'autres, comme le Bade-Wurtemberg, le Pays basque espagnol, la Lombardie, la Bavière, la Catalogne ou l'Irlande (14). Michel Quévit dans l’Echo du 31/08/2007 se demandait « si la stratégie actuelle de la Flandre ne consiste pas à récupérer les moyens financiers qui lui permettraient d’intégrer le peloton de tête européen » ? Ce qui expliquerait pourquoi la pression flamande porte surtout sur des compétences à incidence financière »…

Il faudrait aussi expliquer un jour, comment la Flandre en est arrivée là en détournant beaucoup de moyens à son profit depuis 1945…(15) Y compris, comme le fait encore remarquer Quévit grâce à la rigidité du principe de péréquation financière. Cette péréquation qui fait que dans d’autres pays démocratiques, les entités fédérées riches contribuent au développement des entités plus pauvres. La clé de répartition (60/40) bétonnée dans les lois de financement est anormalement rigide à la différence du modèle allemand par exemple, où les Länder contribuent au pot commun en fonction de leur croissance économique respective. Dans tout Etat, les régions riches contribuent ainsi au développement des régions moins riches au prorata de la richesse qu'elles créent. C'est le fondement même de la solidarité. Sauf en Belgique… Ce contingentement de la solidarité « à la belge » est une des causes peu citée et donc peu connue, mais essentielle du retard (qui est plutôt du «mal-développement») qu’on ne rattrape que lentement sur les autres régions européennes de vieilles industrialisations comparables.

Wallonie pauvre, vraiment ? Elio Di Rupo, alors ministre président de la Région wallonne, publiait ceci en 2006 : « A l’échelle de la France, le PIB de la Wallonie la placerait au 8ème rang des 22 régions françaises et au 3ème en matière d’exportations, juste derrière l’Ile-de-France et la région Rhône-Alpes. En termes d’emplois, les groupes français occupent la 1ère place avec 34.000 postes, soit 32 % des 100 premières entreprises industrielles en Wallonie. La France est, de très loin notre 1er client avec quasi 35 % du total des exportations wallonnes. Notre intégration est du point de vue économique est très avancée... On ne le dit pas assez »

On le voit, une telle opération présenterait des avantages aussi bien pour l’une que pour l’autre partie. L’adossement de la Wallonie à un Etat relativement puissant prémunirait évidemment la population contre la précarisation du niveau de vie consécutive à la dislocation des liens sociaux lors de la disparition de la Belgique. Mais, avec les équipements, les talents et la situation stratégique dont elle dispose, la Wallonie a tous les atouts pour être une des plus performantes régions d'Europe. L’atonie économique dont elle est en train de sortir n’est qu'un effet du contexte particratique belge dysfonctionnel.

Pour la République française, le sacrifice financier et budgétaire que l’adhésion de la Wallonie impliquerait serait compensé par le renforcement de sa position au sein de l’Union européenne et dans les enceintes internationales.

Mais cette hypothèse est - actuellement - probablement la moins réaliste politiquement pour la raison très simple que la plupart des dirigeants politiques wallons seraient très peu enclins à favoriser cette solution… qui remettrait en cause leurs pouvoirs. Sans oublier les craintes plus psychologiques ou sentimentales induites par près de deux siècle d’enseignement d’histoire de Belgique qui s’est caractérisée par un distanciement de ce qui est français.

 

Et si la Wallonie a les atouts pour être une des régions d'Europe les plus performantes, pourquoi pas l’indépendance ?

Il existe, en effet, à côté de celle de la France, une voie qui n’a pas été essayée et est rarement évoquée par les politiques or, « il n’est pas démontré qu’un peuple de nationalité française ne puisse atteindre à la plénitude de sa vie nationale sans faire partie de l’Etat français »(16) comme l’écrivait Arille Carlier en 1938.

Les arguments ci-dessus en faveur d’une intégration économique dans la République peuvent parfaitement venir en appui de cette autre voie d’avenir possible.

Une Wallonie disposant d’une situation géostratégique exceptionnelle et unique dans l’espace européen, sûre de son identité et maîtresse de ses moyens pourrait œuvrer à une coopération équilibrée avec les Régions et États voisins tout en s’intégrant aisément dans la communauté internationale.

On entend souvent dire que la Wallonie aurait des difficultés à s'en sortir seule. Les chiffres avancés pour le prouver sont pourtant contestables. Ils projettent une situation actuelle dans le futur sans jamais tenir compte, ni des variables nécessairement liées à une refonte du paysage institutionnel, ni que nous vivons dans un ensemble intégré, l’Union européenne. Il faut cesser de croire que c'est une région désastreusement incompétente. A titre de comparaison, en Allemagne, elle serait plus au moins au milieu du classement de Länder, et on a pu lire ci-dessus qu’il en irait de même en France.

Certes, si ce choix était fait, rien ne serait simple. Sans parler du modèle d'assistés dont on nous a affublés, le contexte international est dominé par les exigences des institutions financières et le poids de la dette publique belge qu’il faudrait assumer en partie pénaliserait la jeune nation. On en voit les ravages en Grèce. 

Faut-il pour autant négliger un aspect essentiel : jamais des raisons purement économique n’ont été à la base des la création ou de la disparition d’un Etat. Une volonté politique forte n'est pas tenue de respecter des analyses économiques parfois frileuses. Pourquoi les Wallons n’auraient-ils pas le droit de croire en eux ?

 

Pour la Wallonie, il n’est plus temps de craindre l’avenir, mais de le préparer. C'est-à-dire, se donner les moyens de le comprendre avant qu’il ne devienne présent pour l’affronter avec la dignité d’un peuple adulte et responsable.

 

 

(1)Félix Rousseau : « Sans aucune contrainte, de leur propre volonté, les Wallons sont entrés dans l’orbite de Paris, et, depuis sept siècles, avec une fidélité qui ne s’est jamais démentie, n’ont cessé de participer à la culture française ». Le problème culturel en Belgique, Rénovation, 1963

(2)Antoine Prost, Douze leçons sur l’histoire, Paris, 1996

(3 ) Léopold Génicot, Histoire de la Wallonie, Privat, Toulouse, 1973

(4)François Perin, Forces wallonnes, 1971

(5) 20 et 21 octobre 1945

(6)Pierre Bourdieu , Sur la télévision, Paris, Liber-Raison d’agir, 1996

(7)Fernand Schreurs, Secrétaire général du quatrième Congrès wallon, 1948

(8)Au parlement de la Communauté française, on a pu entendre que ce « glissement sémantique » répondrait aux préoccupations quotidiennes des citoyens… Une enquête publiée par « La Libre » en 2010 a démontré que 70 % des Bruxellois ne sont pas du tout séduits par une union quelconque avec la Wallonie…

(9) http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_ch-picque-la-n-va-peut-devenir-un-ennemi-politique?id=4911213

(10) René Swennen, Belgique requiem, Paris, Julliard 1980. « La région elle, est une réalité. Elle vit de la vie des hommes et des femmes qui la composent. Ses limites géographiques sont connues. Elle est formée de liens précis, tissés par l’histoire, la nature, l’économie, les intérêts, les mentalités. La Région est une chose concrète, tandis que la Communauté est une abstraction intellectuelle, donc une idée, et il n’y a rien de pire que les idées qui se mettent à faire de la politique ».

(11)La collectivité de Mayotte a obtenu obtenir le statut de départements d'Outre-mer en 2011. Un statut de collectivité d'outre-mer au plan constitutionnel, avec une organisation et une dénomination spécifique de « collectivité départementale » ayant été mis en place par la loi organique du 11 juillet 2001 afin de rattraper le différentiel législatif avec la métropole.

(12) Article 53, dernier alinéa, de la Constitution, « Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n'est valable sans le consentement des populations intéressées ».

(13)Voir les articles 72, 73, 74 et suivants de la Constitution française

(14)Pour des comparaisons plus fines, voir les publications « Eurostat » et plus particulièrement : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-HA-10-001-04/FR/KS-HA-10-001-04-FR.PDF

(15)Dans le Livre « Histoire de la Wallonie » (éditions PRIVAT 2008) les auteurs, KUPPER Jean-Louis et DEMOULIN Bruno, rappellent citant Michel Quévit dans son ouvrage « Les causes du déclin wallon », que le lent essoufflement de l’économie wallonne a commencé avant la seconde guerre mondiale. Masqué par les moindres destructions massives, les facteurs de déclin (démographie, obsolescence et vétusté du matériel, faiblesse des moyens de communication, désinvestissement de l’Etat belgo-flamand, absence de perspective globale, hyperspécialisation…) se sont combinés avec le désintéressement des groupes financiers « belges » qui ont préféré se lancer dans des entreprises nouvelles et une région flamande socialement plus attrayante. Cette dernière a alors bénéficié en plus d’un apport des investissements américains et du développement d’un « capitalisme intra-flamand ».

Les premières politiques européennes d’aide aux investissements n’ayant servi en Wallonie qu’à maintenir les prix belges à un niveau concurrentiel avec les pays voisins et ainsi à sauver l’emploi pendant qu’en Flandre elles ont contribué à la création de nouvelles entreprises. A titre personnel, je me souviens qu’on disait : «  le gouvernement fait des choix. Ainsi, toute la Flandre, et même les régions riches, est considérée comme en développement pour l’Europe alors que seule une faible partie de la Wallonie est dans le même cas ». Et comme c’était le gouvernement belge qui décidait de l’attribution de la manne européenne… Un exemple frappant : « la solution belge à la crise de la sidérurgie wallonne a été de construire Sidmar… à Gand en Flandre ! » De là à conclure que « Le mal wallon, c’est la Belgique »…

(16) Arille Carlier, « Qu’est-ce qu’une nation,? Qu’est ce qu’un Etat ? » La Wallonie nouvelle, 1938

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2 mai 2011 1 02 /05 /mai /2011 12:30

Les partisans du retour à une forme d’Etat belge unitaire rêvé, uniquement francophone (et impossible) ou pire, recomposé au départ d’un amalgame composé de Flamands minoritaires localement (Bruxellois et « périphériens ») de germanophones et Wallons continuent à tenir le haut du pavé médiatique. C’est pourtant entretenir par là le foyer des discordes. Entretenir des conflits - dits communautaires - heureusement froids jusqu’ici -basés sur l’incohérence entre territoire et langues. Langues qui sont le fondement des cultures. Cultures qui, elles-mêmes, si elles sont suffisamment fortes, étant par l’homogénéisation qu’elles apportent le vrai ciment des peuples et des nations.

 

Ce n’est pas qu'un problème belge. L’Union européenne, basée sur l’idée généreuse d’un projet qui aurait éliminé toute confrontation n’aboutit-elle pas actuellement à l’inverse. Les effets de la supranationalité ayant éliminé de fait toute émulation, de l’Union européenne, gouvernée par des équipes assez soustraites au contrôle démocratique et protégées par la complexité de ses rouages, on peut se demander si  elle n’est pas en train de reproduire les erreurs du modèle soviétique. La perte de compétitivité et la désindustrialisation rapide de la plus grande partie de l’Europe, des déséquilibres qui ne cessent de s’aggraver dans les échanges intra-européens, des finances publiques dégradées et impossibles à redresser, une austérité à « l’allemande » qui, si elle est appliquée, risque de plonger l’Europe dans la récession… a déjà pour conséquence de dresser les peuples d’Europe les uns contre les autres. Pensons au succès scabreux et malsain de l’expression « PIIGS » qui désigne, on le sait, les pays les plus en difficulté de la zone euro : Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne (Spain).

 

Au rebours des idées faciles selon lesquelles il suffit de mettre les gens ensemble pour qu’ils fraternisent, on peut observer que la promiscuité généralement les divise. Dans un cas comme dans l’autre, qui osera quitter le domaine de l’idéologie et dire que le roi est nu ? J’entends régulièrement regretter que l’on n’ait plus « d’hommes d’Etat », mais n’est ce pas logique quand « il n’y a plus d’Etat » ?

 

S’il n’est pas question de remettre en cause, ici, le principe européen, rien n’empêche d’en espérer une refonte radicale. L’Europe unit des Etats qui perdent leur souveraineté, non pas en fonction d’un but commun auquel ils auraient consentis, mais parce que la conjugaison de l’organisation européenne et de l’idéologie néolibérale (qui n’a rien à voir avec le libéralisme des Lumières), ne les ont fait échapper à la guerre et (partiellement) à la servitude étrangère, que pour les plonger dans la servitude à l’égard des « marchés » et dans la guerre commerciale. Dans ce contexte, le réveil de l’institution étatique redevient souhaitable. Et le retour des nationalismes, hormis certains excès, ne signifie nullement le retour aux vieux antagonismes nationaux. La dynamique du progrès sera mieux préservée si coexistent des entités nationales dont la diversité laissera libre cours à plus d’expériences. Tout en limitant chaque fois ce qu’elles auraient d’excessif, les leçons de l’Histoire ayant fortement marqué les esprits. L’émulation, la confrontation, ne se traduisant pas par guerre, étant la base de la dynamique même du progrès tant moral que matériel. (*)

 

Globalement, et tenant compte du contexte international, nous pourrions imaginer un modèle plus proche de la Renaissance que celui de Charlemagne. Libre-échange et circulation, recentrage sur les Etats cohérents, mais aussi rôle des régions ou des cités-états, ou d’ensembles moins rigides… Les identités régionales, non antagonistes des états auxquelles elles appartiennent, étant ici des vecteurs importants. Les arbres poussent haut et droit lorsqu’ils ont à se disputer l’air et la lumière. Tandis qu’un arbre isolé se rabougrit, car il n’a pas à lutter dans sa solitude. Ce qui a été le cas de la Wallonie endormie dans l’expérience belge.

 

Comme la Flandre, mais qui, elle, s’est créée sa légende de toute pièce, la Wallonie a intérêt à inscrire son avenir dans cette dynamique néo-nationale s’inspirant de ce qu’écrivait déjà Emmanuel Kant en 1795 dans « Zum ewigen Frieden » ? :

« L’idée du droit des gens suppose la séparation de beaucoup d’États voisins, indépendants les uns des autres, et bien qu’une condition de ce genre constitue déjà en soi un état de guerre (si toutefois une union confédérative ne prévient pas l’ouverture des hostilités), cette condition vaut mieux néanmoins, suivant l’idée rationnelle, que la fusion de ces États opérée par une puissance qui l’emportant sur toutes les autres, se transforme en une monarchie universelle ; les lois, en effet, à mesure que le gouvernement acquiert de l’extension, perdent toujours plus de leur force, et un despotisme sans âme, tombe après avoir extirpé les germes de bien, finalement dans l’anarchie. C’est pourtant le désir de tout État (ou de son souverain) de parvenir de cette manière à une paix durable, c’est-à-dire en gouvernant, si possible, toute la terre. La nature cependant veut qu’il en soit autrement. Elle utilise deux procédés pour empêcher la fusion des peuples et pour les séparer, à savoir, la diversité des langues et des religions. Cette diversité entraîne, il est vrai, avec elle, le penchant à des haines réciproques et des prétextes de guerre, mais conduit d’autre part, avec les progrès de la civilisation et le rapprochement graduel des hommes vers une harmonie de plus en plus grande dans les principes, et une entente dans un état de paix, qui n’est point produit et garanti comme le précédent despotisme (sur la tombe de la liberté) par l’affaiblissement de toutes les forces, mais au contraire, par leur équilibre et l’émulation la plus vive. »

 

Un texte qui reste d’une criante actualité.

 

(*) J'avais déjà répondu anticipativement à cet argument dans ce billet.

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28 avril 2011 4 28 /04 /avril /2011 12:04

Le billet précédent consacré aux  projets d’élargissement de la Région de Bruxelles au détriment d’autres) m’incite à aller plus loin dans la réflexion. Il y en a plein d’autres idées du même type qui circulent. Dans certains cas, ce sont des propos de type « il n’y a qu’à ». C’est le cas par exemple et pour parler d’autre chose, de la circonscription fédérale unique, mais pas seulement. Les exemples abondent.

 

Au rebours de ces idées faciles selon lesquelles il suffit de mettre les gens ensemble pour qu’ils fraternisent, la promiscuité généralement les divise.

Vous êtes devenus très amis avec vos voisins ? Partez en vacances ensemble et voilà souvent le meilleur moyen de vous  fâcher pour la vie. ..

L’ECU marchait bien, on a voulu faire l’Euro pour rapprocher encore plus les peuples d’Europe : on les divise. Pensons simplement au clivage qui apparaît au sein de l’Europe et qui est profondément  malsain. Avec  pour  preuve le succès scabreux de l’expression « PIIGS » qui désigne, on le sait,  les pays les plus en difficulté de la zone euro : Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne (Spain). Trois pays méditerranéens, quatre latins,  quatre pays catholiques –  et un orthodoxe, ce qui, dans l’esprit de ceux qui se complaisent dans cette expression,  ne vaut guère mieux. Les Latins  - et accessoirement les Irlandais, mais ce sont des Celtes…- sont désormais  identifiés à des cochons ! 

C’est là un exemple de l’effet  pervers de toutes les idées trop simples. Le communisme avait supprimé la propriété privée pour rendre les gens moins égoïstes, Alexandre Zinoviev nous a montré comment il les avait rendus au contraire plus égoïstes. On fait un tronc commun d’éducation pour une plus grande égalité entre les enfants, les inégalités s'aggravent ; on  impose à tous les coureurs le même développement pour grimper le col, le peloton éclate.

L’euro, c’est pareil : on a créé une monnaie unique pour  faire converger les économies et rapprocher les hommes. Les économies divergent comme jamais et les rapports entre les différents peuples s’aigrissent : le uns méprisent les autres, ils ne tarderont pas à se détester.

Inquiétant, non ?

 

Je romprai une dernière lance à propos d’une autre de ces idées. Si les Flamands ont voulu l’organisation de la Belgique en Communautés – et ils ont raison de leur point de vue, je me suis déjà expliqué là-dessus – l’idée de maintenir le même principe au lieu d’abandonner la revendication essentielle du Mouvement wallon d’aller vers plus de régionalisation  en liant de plus en plus le sort de la Région bilingue de Bruxelles à la Région wallonne est une stratégie pénalisante. Pour nous.

Un exemple récent ? On en a peu parlé, mais… Les résultats du décret « Robin des Bois »… (Merci à Yannick pour son analyse)

 

Les écoles bruxelloises représentent 20% des écoles de la Communauté Française (pour le secondaire), soit la proportion démographique normale. Mais ces mêmes écoles représentent 25% de celles qui vont bénéficier d'une aide... Ce qui veut dire que 23% seulement des écoles wallonnes recevront de l'aide, contre 57% des écoles bruxelloises ! A l'inverse, Il n’y aura que 23% des écoles bruxelloises vont participer à l'effort, contre 34% des écoles wallonnes. Or, je ne suis pas certain que l’enseignement en Wallonie soit dans une posture si favorable qu’il faille surtout favoriser Bruxelles. Je n’ai pas entendu les enseignants ou directeurs d’école wallons à ce sujet.

 

Au Rassemblement wallon où nous plaidons pour la suppression de la Communauté française (ou la fédération Wallonie-Bruxelles qui peut se révéler une idée simple encore pire dans ses conséquences) et l’autonomisation des quatre régions sur base territoriale,  si nous sommes dans ce cadre pour une solidarité négociée, il faut aussi que les comptes soient équilibrés au final.  

 

Si Magnette trouve maintenant des choses intéressantes dans le principe nationaliste après en avoir pourfendu l’idée pendant des années et que, quasi au même moment, Di Rupo « estime - maintenant - qu’en Flandre, on se sent d’abord flamand avant d’être belge et pense que « nous avons intérêt à renforcer les identités bruxelloises et wallonnes avec des projets concrets tel que le plan Marshall qui a donné des résultats percutants. Il faut plus de fierté d’être ce que nous sommes » c’est parce qu’ils sentent très bien que le vent tourne. Ils font du « développement durable », celui où on commence on commence par recycler les bonnes idées. Et voilà,  et c’est logique, qu’arrivent sur la scène politique les « politiciens durables »… La question pour nous Wallons, c’est : est-ce soutenable ? La réponse est évidemment non.

 

Si le principe de la nation a été décrié suite à quelques dérives masquées derrière ce mot, la nation est à la base de la création de l'état stable. En fait, et c'est vrai, il peut y avoir nation - c'est-à-dire existence d'une conscience morale collective au sein d'une agrégation d'individus  - sans qu'il y ait nécessairement état (Tamouls, Tchétchènes, Flandriens, Palestiniens, Basques, Écossais); mais l'inverse est très instable. Les États construits sur plusieurs nations ont tendance à se défaire (URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie et Belgique), parfois dans le sang et la fureur...

Quelques billets anciens…

http://www.claude-thayse.net/article-faut-il-avoir-peur-du-nationalisme-wallon-57413130.html

www.claude-thayse.net/article-l-identite-ou-rien-de-bon--42136374.html

www.claude-thayse.net/article-32841376.html

www.claude-thayse.net/article-un-debat-sur-l-identite-wallonne-mais-quelle- excellente-chose-45904219.html

http://www.claude-thayse.net/article-trente-ans-et-un-basculement-57216297.html

http://www.claude-thayse.net/article-flandre-et-wallonie-derriere-les-mirages--41693006.html

http://www.claude-thayse.net/article-29614505.html

 

MàJ. Dans le cadre de la réfutation des idées simples :

http://gaulliste-villepiniste.hautetfort.com/archive/2011/05/02/quand-regis-debray-rehabilite-les-frontieres.html

http://gaulliste-villepiniste.hautetfort.com/archive/2010/11/11/trois-raisons-pour-aimer-la-nation.html

 

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« Le courage. C'est de refuser la loi du mensonge triomphant, de chercher la vérité et de la dire »  (Jean Jaurès)
*
« (…) il n'existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent, et s'honorent d'être capables de penser demain autrement qu'aujourd'hui et ceux qui croient ou affirment de croire et obligent sous peine de mort leurs semblables a en faire autant. » (Marguerite Yourcenar)
*

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