Le 6 août dernier, Paul Durieux répondait ceci à un commentaire sur le blog de l’AWF : « Le RWF a connu les résultats électoraux que vous connaissez. Je crains que vous ne connaissiez pas la situation interne de ce groupement politique. Quant au mouvement wallon, il n’existe plus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais une personne autrement qualifiée qui l’affirme : M. Paul Delforge, coordinateur du Centre d’Histoire de la Wallonie et du Mouvement wallon. La Belgique et ses médias de langue française ont réussi à "belgifier" complètement la société wallonne. Celle-ci est chloroformée et vit dans un état second où seul le noir-jaune-rouge est un refuge, refusant de constater que la Flandre ne veut promouvoir que le noir et le jaune.
Ce constat est terrible et le réveil ne pourra être que très douloureux ».
Indépendamment de la situation interne actuelle du RWF (sur laquelle je n’ai aucun avis, et que je ne connais pas) je ne peux que rejoindre le constat terrible concernant le Mouvement wallon.
Tout a été fait depuis le Congrès national de 1945 pour l’anéantir. C’est à partir de là que les « élites » belgo-flamandes (pléonasme qui peut se traduire par « francophones ») ont tout fait pour belgifier notre peuple. Et à part quelques sursauts en 60-61 et lors de l’aventure du Rassemblement wallon, ils semblent bien y avoir réussi… jusqu’ici.
Ils ont utilisé toutes la puissance des médias à commencer par la télévision qui soirée après soirée (à l’exception des quelques émissions d’Henri Mordant) ont distillé un dégoût de l’identité wallonne (traités de géviculteurs, paresseux, inconstants, frivoles, imprévoyants, etc...). Et ça, dans tous les domaines, il est bien connu qu’un sportif qui gagne ne peut être que belge, le même s’il perd est au mieux wallon, au pire désigné par son appartenance communale.
La discréditation de notre passé entretien cette détestation de soi qui sommeille désormais en chaque Wallon (en quoi, nous sommes bien proche de la culture française…°)
Ils ont menti sciemment et avec constance. Présentant systématiquement les choses sous un angle anti-wallon. Les plus anciens d’entre nous se souviendront des moqueries concernant les Wallons qui auraient dépensé tout leur argent à soutenir des « canards boiteux » alors qu’en réalité, à l’époque, tout était entre les mains des capitalistes bruxellois (la fameuse Société générale de Belgique en particulier) pour qui l’objectif a toujours été uniquement de gagner de l’argent et qui ont maintenu un appareil industriel situé en Wallonie sachant parfaitement qu’il était obsolète pour « permettre - à la Belgique - de gagner la bataille économique du charbon et de l’acier de l’après-guerre » tout en préparant l’avenir en détournant les fonds européens de reconversion au profit de la Flandre. L’argent n’a pas de patrie ! Quévit a parlé – à juste titre - d’un pillage de type colonial des richesses wallonnes. Et ce n’est pas fini, pensons à la filière bois, à l’eau, etc… Regardez ce que la Belgique a fait, en un petit siècle, d’une ville de très grande culture comme Liège pendant qu’ailleurs, Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille sont devenues des centres de développement et de référence.
Comment s’étonner que les Flamands reprennent à leur compte et si facilement les mensonges belgicains nous concernant ? Alors que la presse belge fait semblant de s’offusquer, elle qui a tant contribué à construire notre mauvaise réputation.
Ils ont fait disparaître la presse d’opinion régionale au profit de rédactions situées à Bruxelles quand ce n’est pas en Flandre.
Ils ont remplacé »l’Histoire de Belgique » (où de ci-delà apparaissaient encore par hasard des références à certaines fort anciennes de ce qui aurait pu notre histoire) par une vague « étude du milieu » asexuée et sans références. Ils ont compris qu’un Peuple privé d’histoire est destiné à disparaître. Avec comme conséquence immédiate qu’on fait de de nos jeunes des « citoyens du monde belgo-européen » avant d’en faire des Wallons aimant leur pays. Même encore aujourd’hui, les jeunes enseignants sont encore complètement imbibés de l’histoire revisitée par Pirenne et ignorent tout du passé glorieux, ancien comme récent, de la Wallonie. Alors, que deviendront leurs élèves ? Dans ce monde globalisé où les identités se dissolvent et la mémoire devient ultra-courte , la profondeur historique est une nécessité.
Plus grave, ceux qui se présentaient encore il y a peu comme les continuateurs de l’action wallonne ont nié leur identité. J’entends encore les dirigeants du RWF ou d’autres associations ou cercles d’études clamer qu’il n’y a pas de Wallons, pas de Wallonie, qu’une nation wallonne est impossible que nous sommes des « Français indifférenciés parce que curieusement sans attaches locales ». Ajoutant leurs outrances à celles des belges. Cette attitude a grandement contribué à leur faire perdre toute crédibilité. Y compris plus grave, à la crédibilité du rattachisme lui-même alors que celui-ci.
Qui dans les partis politiques osent encore simplement se dire et se présenter en régionalistes à l’heure d’aujourd’hui ? Ils sont vite mis à l’écart ou alors sont retraités…
Certes, des occasions ont été perdues, nous avons tous notre autocritique à faire. Mais au-delà, que faire Pour que cet hiver belgicain passe le plus rapidement possible ? Parce que, après tout, Léopold 1er, qui prêta le serment constitutionnel le 21 juillet 1831, partageait l'opinion des diplomates de son temps, lesquels estimaient que la nouvelle Belgique était une construction artificielle. En 1859, le roi allait même écrire à son chef de cabinet Jules Van Praet que : «La Belgique n'a pas de nationalité et, vu le caractère de ses habitants, ne pourra jamais en avoir. En fait, la Belgique n'a aucune raison politique d'exister.»
Il nous manque, à nous Wallons, cette fierté que l’on sent chez les Américains, les Chinois, les Britanniques, les Espagnols et qui est manifeste dans leur manière de vivre avec leur Histoire, leur héritage. Je n’ose plus dire la même chose de la France qui sacrifie la sienne au nom de la repentance et du politiquement correct.
Il est temps, en France, comme chez-nous de dire que notre héritage n’est pas honteux, qu’il est source de fierté, ce qui nous aidera à reprendre confiance en nous.
Il faut répondre au coup par coup aux trahisons de nos élites intellectuelles et politique.
Si un jour, les Wallons veulent encore exister ; dans la forme de nation qu’ils auront choisie, Il faut inverser notre rapport au passé pour y voir non une source de lamentations, mais une source de confiance. Réconcilier les Wallons avec leur histoire, Bref, faire naître - ou plutôt renaître - un roman national wallon. Qui, à part des intellectuels conscients de leurs devoirs envers leur Peuple peuvent le faire. Dire avec émerveillement, avec des mots simples, ce que nous devons aux siècles passés avec leur part d’ombre et de lumière et dont nous pouvons être fiers ?
À ceux qui - parmi nous – se plaisent encore à se définir comme héritiers du Mouvement wallon ou simplement qui aiment la Wallonie, pensons à cette strophe d’une fable bien oubliée dans le contexte mondial actuel :
« Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins.
« Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l’héritage
Que nous ont laissé nos parents.
Un trésor est caché dedans. »
« Le laboureur et ses enfants »
Jean de la Fontaine
Le Dernier Wallon 30/08/2014 11:49
Claude Thayse 01/09/2014 10:59