Dans la dernière édition du " Courrier hebdomadaire" du Crisp " Sur le thème du "financement et la comptabilité des partis politiques francophones", par Marie Göransson et Jean Faniel, ces dernier s'interrogent : "Il peut paraître légitime de financer les partis en fonction de leur popularité", mais "les partis les plus importants ont-ils besoin de moyens importants, alors qu'ils bénéficient déjà d'une forte visibilité ? Ne serait-il pas logique, au contraire, de veiller à assurer un financement significatif des partis de taille moyenne ou faible, de manière à garantir un certain degré d'ouverture à la lutte électorale ?"
Il s'agit évidemment de se donner bonne conscience face à un système destiné à assurer une rente de situation aux structures politiques en place.
Cette législation a été adoptée en 1989 et avait comme objectif de supprimer "les petits partis qui nous empestent" disait Louis Michel, tout ça sous prétexte de transparence et d'équilibre. Ce n'est qu'un des deux dispositifs pour y arriver, l'autre étant le seuil électoral.
Le résultat en a été l'instauration d'un un système politique de "parti unique" avec financement des différentes tendances (MR, PS, CDH, ECOLO, FN) dont les messages (et surtout l'action) ne diffèrent plus vraiment que par la couleur des affiches…
Du financement
Certes, en matière de financement, il y a eu des abus dans le passé. Le financement de campagnes par certaines entreprises privées ou publiques (!) a défrayé la chronique quand ça a été rendu public. Mais étais-ce des abus ? C'était alors un système accepté par tous les partis.
Pour rappel, actuellement il y a trois sources de financement trois publiques et une plus privée :
a. Une dotation fédérale, dès qu'un parti compte 1 élu dans une assemblée (Chambre ou Sénat) : un forfait de 161 000 € auquel s'ajoute 1,38 € par vote valable.
b. Une dotation régionale au Parlement wallon aux partis comptant au moins 5 élus.
c. Un financement indirect où le contrôle est limité par la multiplication de système ou de règles :
Si : 1°Les assemblés parlementaires et les conseils provinciaux versent des subsides de fonctionnement aux groupes reconnus en leur sein. (12 000 € par élu à la Communauté française, 22 000 € à la Région wallonne),
2°les entités propres aux partis – souvent des ASBL - (services d'étude…) reçoivent des subsides pour leurs activités de recherche et d'éducation permanente.
3°Certains partis peuvent imposent à leurs élus la rétrocession d'une partie des traitements liés aux mandats (MR : 125 et 580 € par mois, CDH entre 350 et 600, PS 10 pc, Ecolo 30 et 45 pc, FN ?)
d. Un financement privé. Si les dons d'entreprises ou de personnes morales n'existent (en principe) plus, il reste bien entendu :
- les cotisations des membres.
- Les recettes de manifestations, les publications sont autorisées.
- Curiosité, les dons des citoyens sont limités à un don par an d'un montant relativement faible.
De la "franchise démocratique"
La loi électorale a introduit le principe de « seuil démocratique » de 5 % en dessous duquel un parti ne peut avoir d’élus (concrètement, ça veut dire qu’en se basant sur les résultats des élections précédentes, il y a entre 10 et 17 % des électeurs qui ne sont pas représentés). L’objectif annoncé était d’exclure les mouvements extrémistes. Pourquoi alors avoir attendu que le FN ait des élus dans trois assemblées et dépassé ce seuil dans de nombreux arrondissements pour la voter ? N’a-t’on pas instrumentalisé, d’une manière très démagogique, la menace du FN pour, en réalité, freiner l’apparition de partis nouveaux qui, eux, ne sont pas du tout extrémistes ?
Or, l’histoire de la Belgique a montré que ces partis émergents ont toujours contribué à éviter une trop grande connivence entre les partis traditionnels associés à l’exercice du pouvoir. (Si cete dispoisition avait existé antérieurement, ni le pS, ni le Rassemblement wallon, ni Ecolo n'auraipu percer. Or on ne peut pas dire que ces partis n'ont pas eu une influence sur notre société !)
On a le droit – le seul encore ? – de se poser des questions. D’autant plus, qu’au contraire des pays démocratiques voisins tel que la France, l’Allemagne, l’Italie... où des dispositions existent pour aider les partis émergents à se faire connaître et où les partis non représentés ont un accès aisé à la presse - surtout télévisuelle - pendant la campagne, ou encore en atteignant un certain seuil (variable en fonction des élections et des circonscriptions un remboursement des frais engagés., la Belgique n’a évidemment rien prévu de tout cela, bien au contraire.
Le jeu démocratique est donc bien faussé. La "sagesse publique " disant : "quoi qu'on fasse, ce sont toujours les mêmes !" se trouve (hélas !) vérifiée. Et quand on y ajoute le lotissement des administrations par les partis dominants qui y casent (et favorisent) leurs obligés, tout semble bien fait pour que les électeurs déçus, perdus, mécontents, n’aient plus d’autre choix que l’extrême droite. Un parti poubelle en quelque sorte.
Etait-ce volontaire dans le chef de ceux qui ont voté (et revoté) ces lois ?
Sachant que les vieux partis dits démocratiques ne la fréquenteront pas, ils sont assurés de se partager le pouvoir encore longtemps. La Belgique est devenue un Etat féodal avec ses baronnies et tous les types de relations qui s'y rapportent. (Népotisme, favoritisme partisan, passe-droits, privilèges etc…). Le Peuple a de moins en moins la possibilité de contrôler ses représentants (*).
Pourtant, des pistes peuvent être évoquées. Si elles ne sont pas parfaites, elles redonneraient quand même la possibilité au Peuple d'agir et de contrôler. En voici quelques-unes.
On l'aura compris, je suis partisan de la suppression "franchise démocratique" et du remboursement des frais électoraux pour les citoyens qui ont le courage de se présenter, mais avec des règles strictes de représentativité (un score seuil raisonnable de 1% par arrondissement par exemple).
Le vote majoritaire à deux tours. À tous les niveaux. Ce qui permettrait de désigner des majorités claires, stables, que les électeurs puissent juger à l’aune de leurs réalisations effectives. Et renvoyer s’ils ne sont pas satisfaits. Ça ferait aussi émerger de fortes personnalités vraiment capables de rassembler entre les deux tours. Eliminant ainsi les tendances au népotisme ou encore les apparatchiks dociles présentés « en ordre utile » sur les listes des partis traditionnels.
La suppression de la garantie automatique de retrouver son mandat après une fonction de ministre, et donc l'obligation de repasser devant les électeurs.
L’élection directe du Ministre président de la région wallonne. Pour lui donner une vraie légitimité face aux présidents de partis.
Ce système aurait aussi pour résultat de limiter la durée d'existence des partis politiques. En effet, si un parti n'est pas arrivé à faire passer son programme au bout de 20, 50 ou même… 100 ans (!) d’occupation quasi ininterrompue du pouvoir, c'est que c'est un parti "pouvoiriste gestionnaire" dont la vocation n'est plus de changer la société ou de la faire évoluer, mais d'occuper le pouvoir à son propre profit. Les modifications de sigles que nous avons connues ces dernières années n’étant que cosmétiques.
Mais je rêve sans doute.
Ça ne se fera pas en Belgie-que…
(*) Pour mémoire, quelques articles tirés de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789…
Article 6 - La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ces yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.
Article 14 - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
Article 15 - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration.