C’est un signe, il y a quelque chose qui bouge dans les esprits de nos politiciens de Wallonie. Après Les anciens maïeurs de Charleroi et de Namur l’année dernière, voici par exemple, le discours du Allocution du Depute-président du collège provincial de Namur, le Dr Dominique Notte à l’occasion de l’ouverture des « fêtes de Wallonie ».
(…)
J’ai lu un récemment, dans la revue de philosophie Agora, un texte dont le propos m’a interpellé. Le professeur WUNENBURGER disait quelque chose qui ressemblait à ceci « Le sens de la fête s’est perdu dans notre société moderne. Les fêtes religieuses et patriotiques ont peu à peu été écartées du calendrier, ou alors réduites à des jours fériés ou chômés dont les enfants ne connaissent plus le sens ».
Ayons la franchise de reconnaître que c’est hélas vrai !
Les noms des rues n’évoquent plus un caporal héroïque, une infirmière courageuse, un poète dont la langue est depuis longtemps oubliée. TREZIGNIES, Gabrielle PETIT, Nicolas BOSRET, hélas, ne font plus écho dans la mémoire que nous avons de notre patrie. Quelques historiens passionnés font colloque à MARIEMONT pour célébrer HUENS et sa série « Nos Gloires » mais cette succession d’images héroïques, de chromos comme on disait jadis qui magnifiaient Pierre L’ERMITE sur son âne, Guillaume de la Marck un sanglier sur le bouclier ou Jules DESTREE écrivant vindicatif « Sire, il n’y a pas de belges », ce panthéon politique de nos héros régionaux n’existe plus.
Pour 200.000 fêtards qui viennent prendre un ou plusieurs verres sur nos places et dans nos ruelles, Paulus évoquera au mieux un traiteur et Michaux un pâtissier de la place mais personne, je dis bien personne ne sera à penser que l’un fut l’inoubliable peintre du pays noir qui dessina notre coq wallon et que l’autre Michaux n’excellait pas dans les éclairs à la crème mais dans les fulgurances littéraires et qu’il fut l’un des plus grand poète, l’un des plus grands peintres du 20ème siècle, né un 29 mai 1899 sur notre Place de l’Ange.
Pour le professeur WUNENBURGER, la multiplication des festivals de toutes sortes a envahi l’ensemble de notre société et contribué à rééquilibrer la fiscalité de nos villes et nos villages, à transformer “la” fête en spectacles vides de sens donnés par des artistes d’ailleurs devant des badauds inactifs dont la participation se limite à la consommation des produits vendus sur place.
Mais ce débat a eu lieu déjà quand deux télévisions se disputaient la place. Ce débat-là aussi semble vieux ! Et pourtant il est acquis désormais que cette fête crée par François BOVESSE qui reposait sur l’évocation par la mémoire de faits passés ayant contribué à définir notre communauté d’appartenance, cette fête-là a disparu… elle n’a depuis longtemps ni chant, ni hymne, ni drapeau... il ne lui reste hélas que le boire et le manger.
Mais si nous ne commençons pas nos matchs de football par un « haka », si pas un adolescent wallon n’a un coq couleur de sang tatoué sur le bras, si nous ne couvrons pas les routes du tour de France avec nos drapeaux pour affirmer notre hégémonie dans le sport, si nous ne marchons pas le dimanche autour de territoires pour exiger un archaïque droit du sol, ce n’est pas parce que nous avons oublié notre terroir... c’est parce que nous l’avons partagé avec tous ceux qui descendaient dans les mines, ceux qui travaillaient nus devant les coulées d’acier, ceux qui pour devenir wallons se faisaient carriers... si nous n’avons pas de chant de ralliement, c’est parce que les italiens n’ont pas voulu imposer le leur aux espagnols qui ne comprenaient pas les polonais, c’est parce que le ralliement chez nous a toujours été fait d’accueil, de solidarité et d’hospitalité.
Il y a quelques jours un homme politique du nord du pays a déclaré que le match serait terminé après les élections régionales de 2014 et il a cru bon d’ajouter, comme si la menace n’était pas assez claire, que nous avions intérêt à nous mettre à table pour négocier parce que plus tard, ses exigences seraient pires.
Nous vivons, décidément, dans une drôle de famille où ce sont nos frères qui nous menacent !
L’histoire, en Afrique du Sud, en Amérique, en Inde a montré que l’ethnocentrisme, non seulement ne portait pas en lui les germes du bonheur des peuples mais que des leaders de conciliation GANDHI, MANDELA, OBAMA pouvaient fédérer dans la paix et parfois avec fermeté de grands, d’ambitieux projets de société, garants d’équité et d’épanouissement social.
Je veux aujourd’hui profiter de ces « fêtes de Wallonie » pour affirmer clairement que nous n’avons pas peur, que les rodomontades des faux historiens qui ont falsifié la réalité des tranchées de quatorze, ne nous effraient pas et que sans haine, sans armes, ni violence nous saurons, demain comme nos aînés, dépasser les difficultés passagères même structurelles pour reconstruire un avenir prospère.
André Renard, prophétique, avait annoncé en 1960 la fin de l’ère sidérurgique mais comment aurions-nous pu passer d’une ère industrielle à une ère informatique en une génération et faire par magie de nos métallos des informaticiens, de nos cités d’acier de Marcinelle à Chertal des business parks aux parkings proprets ?
Mais nous résorbons notre retard et dans l’aéronautique, dans la production pharmaceutique, dans les biotechnologies, dans les techniques de l’environnement, nous travaillons désormais au redéploiement de ce qui devient jour après jour notre nouveau tissu économique.
L’histoire a montré que les peuples qui s’ouvraient au monde allaient de l’avant parce qu’ils intégraient avec les populations migrantes des capacités d’adaptation et l’opportunité de débouchés nouveaux.
Que ceux qui ne veulent plus de nous dans leur « système économique » mesurent bien l’impact d’une Wallonie qui fera, demain, ses achats ailleurs là où on a une autre attitude à lui proposer que suffisance et mépris.
Les systèmes économiques sont, aujourd’hui, imbriqués de manière complexe et les équilibres sont fragiles et instables pour ceux qui ne s’entendent avec aucun de leurs voisins d’où qu’ils viennent.
Au cours des mois écoulés et durant la longue crise institutionnelle que nous avons connue, la France, notre Patrie historique a plusieurs fois répété par la voix de ses plus grands hommes politiques, de droite comme de gauche, qu’elle ne nous laisserait jamais tomber... et ce n’est pas par pure générosité mais parce que dans le calcul des forces qui compteront demain en Europe, deux millions et demi de travailleurs , c’est un impact économique qui compte.
Nos fêtes de Wallonie n’ont jamais été très patriotiques, dommage pour BOVESSE... et je parie un casier de Trappiste de Rochefort, que l’an prochain, ce ne sera pas encore avec « Le chant des Wallons » que la tête d’affiche de la Place Saint-Aubain finira son concert en apothéose, sous un feu d’artifice, mais notre identité wallonne ira grandissante, parce que c’est un fait établi : l’identité des corps humains se forge dans l’adversité.
Mais je sais aussi qu’une inclinaison naturelle nous pousse à l’interculturalité, à la négociation, au compromis et à la solidarité... nos cris ne seront jamais de haine... nous n’avons pas besoin de tambour dans nos marches Adeps que nous ne faisons d’ailleurs pas en godillots.
Nous sommes, nous avons toujours été de nature pacifiste. Comme nos amis québécois, nos révolutions à nous sont « tranquilles ». Ils nous serviront de modèles. Pourquoi d’ailleurs ne pas opter plutôt comme eux pour une « Fête du peuple wallon » plutôt que des fêtes de Wallonie qui font précisément prédominer le sol sur ses habitants.
Oui, nous créerons demain comme eux notre nouvelle identité sur la culture de nos designers, de nos chercheurs, dans les chansons de nos artistes mais jamais sur l’exclusion, jamais par la haine, jamais dans le refus de l’autre... c’est notre fierté à nous : celle d’une nation fondée sur la volonté, sur le désir, sur l’envie d’harmonie et de prospérité... une société qui revendique le bonheur pour chacun : vive la Wallonie, vive l’ensemble des peuples dont elle est le fruit qui la font aujourd’hui et la feront demain.
Nous retrouverons, alors, je n’en doute pas le goût de la fête, celle qu’on fait pour marquer une pause au cours d’un travail harassant et peut être alors qu’au-dessus du travail accompli, sans qu’un parlement l’aie imposé, un chant véritablement populaire s’imposera à tous qui sera le ciment de la fierté retrouvée.
La Province de Namur est fière d’œuvrer dans cet esprit auprès des autres niveaux de pouvoirs pour que notre fête soit la plus belle et que chacun y trouve sa place.
Nous sommes fiers d’être Wallons, heureux de nous retrouver pour partager ces Fêtes de Wallonie.
Bonnes fêtes à tous- Boune Fiesse di Wallonie à Torto !
Vive la Wallonie.
Vivent la Province de Namur et les Namurois
Intéressant, non ?
Présenté comme le père de la curieuse appellation « Fédération (culturelle, on oublie toujours de le dire) Wallonie-Bruxelles » (cet espèce de lifting morphologique de la Communauté française de Belgique), même Richard Miller le constate : « on n’a pas tranché entre vision communautariste et vision régionaliste, parce que la situation de notre pays est complexe. Nous allons essayer de trouver les meilleurs mécanismes possibles pour pouvoir travailler ensemble. Mais quand on dit déjà « travailler ensemble », cela montre bien qu’il y a des distinctions, des différences », explique-t-il.
En tous cas, pour trouver une date officielle de fête du Peuple wallon, un jour de fête nationale, n’ayons pas peur des mots, nous n’avons que le choix dans les grands moments de notre Histoire. J’en ai en son temps listé quelques-unes ici : http://www.claude-thayse.net/article-15575241.html
J’ai une préférence pour le 1er octobre 1795, date du décret de rattachement à la France. Car comme l’écrivait l’Historien H. Hasquin dans : « La Wallonie, son histoire » avant de devenir un pamphlétaire politique : « Cette période est décisive. Pour la première fois ont été amalgamées dans un même ensemble territorial des principautés de langue romane qui, jusque là, avaient connu des destins différents en raison des fragmentations de l’espace politique. Enfin, il convient de rappeler que ces vingt années (période française) ont laissé un héritage politique, juridique, institutionnel et culturel sans lequel il n’est pas possible de comprendre l’histoire contemporaine du pays et de ses entités constitutives ».
Mais bien entendu, il y a d’autres dates. Le choix sera (serait) toujours difficile et restera subjectif. Pour plus d’informations, on se référera à l’Histoire de Wallonie de Léopold Génicot (1973) ; aux deux tomes de l’Encyclopédie : « La Wallonie, le pays et les hommes » (dans toutes les bibliothèques publiques) (1975-1981) ; L’identité wallonne, aperçu historique, publié à l’occasion du 10ème anniversaire de la Région wallonne (1991) ; Le livre : « la Wallonie, son histoire » d’Hervé Hasquin, (1999), des publications et portail Internet de la Région wallonne ou de l’Institut Jules Destrée ; et plus récemment à « l’ Histoire de la Wallonie, de la préhistoire au XXIème siècle » sous la direction de B. Dumoulin et J.-L. Kupper (2004).