Le billet précédent consacré aux projets d’élargissement de la Région de Bruxelles au détriment d’autres) m’incite à aller plus loin dans la réflexion. Il y en a plein d’autres idées du même type qui circulent. Dans certains cas, ce sont des propos de type « il n’y a qu’à ». C’est le cas par exemple et pour parler d’autre chose, de la circonscription fédérale unique, mais pas seulement. Les exemples abondent.
Au rebours de ces idées faciles selon lesquelles il suffit de mettre les gens ensemble pour qu’ils fraternisent, la promiscuité généralement les divise.
Vous êtes devenus très amis avec vos voisins ? Partez en vacances ensemble et voilà souvent le meilleur moyen de vous fâcher pour la vie. ..
L’ECU marchait bien, on a voulu faire l’Euro pour rapprocher encore plus les peuples d’Europe : on les divise. Pensons simplement au clivage qui apparaît au sein de l’Europe et qui est profondément malsain. Avec pour preuve le succès scabreux de l’expression « PIIGS » qui désigne, on le sait, les pays les plus en difficulté de la zone euro : Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne (Spain). Trois pays méditerranéens, quatre latins, quatre pays catholiques – et un orthodoxe, ce qui, dans l’esprit de ceux qui se complaisent dans cette expression, ne vaut guère mieux. Les Latins - et accessoirement les Irlandais, mais ce sont des Celtes…- sont désormais identifiés à des cochons !
C’est là un exemple de l’effet pervers de toutes les idées trop simples. Le communisme avait supprimé la propriété privée pour rendre les gens moins égoïstes, Alexandre Zinoviev nous a montré comment il les avait rendus au contraire plus égoïstes. On fait un tronc commun d’éducation pour une plus grande égalité entre les enfants, les inégalités s'aggravent ; on impose à tous les coureurs le même développement pour grimper le col, le peloton éclate.
L’euro, c’est pareil : on a créé une monnaie unique pour faire converger les économies et rapprocher les hommes. Les économies divergent comme jamais et les rapports entre les différents peuples s’aigrissent : le uns méprisent les autres, ils ne tarderont pas à se détester.
Inquiétant, non ?
Je romprai une dernière lance à propos d’une autre de ces idées. Si les Flamands ont voulu l’organisation de la Belgique en Communautés – et ils ont raison de leur point de vue, je me suis déjà expliqué là-dessus – l’idée de maintenir le même principe au lieu d’abandonner la revendication essentielle du Mouvement wallon d’aller vers plus de régionalisation en liant de plus en plus le sort de la Région bilingue de Bruxelles à la Région wallonne est une stratégie pénalisante. Pour nous.
Un exemple récent ? On en a peu parlé, mais… Les résultats du décret « Robin des Bois »… (Merci à Yannick pour son analyse)
Les écoles bruxelloises représentent 20% des écoles de la Communauté Française (pour le secondaire), soit la proportion démographique normale. Mais ces mêmes écoles représentent 25% de celles qui vont bénéficier d'une aide... Ce qui veut dire que 23% seulement des écoles wallonnes recevront de l'aide, contre 57% des écoles bruxelloises ! A l'inverse, Il n’y aura que 23% des écoles bruxelloises vont participer à l'effort, contre 34% des écoles wallonnes. Or, je ne suis pas certain que l’enseignement en Wallonie soit dans une posture si favorable qu’il faille surtout favoriser Bruxelles. Je n’ai pas entendu les enseignants ou directeurs d’école wallons à ce sujet.
Au Rassemblement wallon où nous plaidons pour la suppression de la Communauté française (ou la fédération Wallonie-Bruxelles qui peut se révéler une idée simple encore pire dans ses conséquences) et l’autonomisation des quatre régions sur base territoriale, si nous sommes dans ce cadre pour une solidarité négociée, il faut aussi que les comptes soient équilibrés au final.
Si Magnette trouve maintenant des choses intéressantes dans le principe nationaliste après en avoir pourfendu l’idée pendant des années et que, quasi au même moment, Di Rupo « estime - maintenant - qu’en Flandre, on se sent d’abord flamand avant d’être belge et pense que « nous avons intérêt à renforcer les identités bruxelloises et wallonnes avec des projets concrets tel que le plan Marshall qui a donné des résultats percutants. Il faut plus de fierté d’être ce que nous sommes » c’est parce qu’ils sentent très bien que le vent tourne. Ils font du « développement durable », celui où on commence on commence par recycler les bonnes idées. Et voilà, et c’est logique, qu’arrivent sur la scène politique les « politiciens durables »… La question pour nous Wallons, c’est : est-ce soutenable ? La réponse est évidemment non.
Si le principe de la nation a été décrié suite à quelques dérives masquées derrière ce mot, la nation est à la base de la création de l'état stable. En fait, et c'est vrai, il peut y avoir nation - c'est-à-dire existence d'une conscience morale collective au sein d'une agrégation d'individus - sans qu'il y ait nécessairement état (Tamouls, Tchétchènes, Flandriens, Palestiniens, Basques, Écossais); mais l'inverse est très instable. Les États construits sur plusieurs nations ont tendance à se défaire (URSS, Yougoslavie, Tchécoslovaquie et Belgique), parfois dans le sang et la fureur...
Quelques billets anciens…
http://www.claude-thayse.net/article-faut-il-avoir-peur-du-nationalisme-wallon-57413130.html
www.claude-thayse.net/article-l-identite-ou-rien-de-bon--42136374.html
www.claude-thayse.net/article-32841376.html
http://www.claude-thayse.net/article-trente-ans-et-un-basculement-57216297.html
http://www.claude-thayse.net/article-flandre-et-wallonie-derriere-les-mirages--41693006.html
http://www.claude-thayse.net/article-29614505.html
MàJ. Dans le cadre de la réfutation des idées simples :