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6 juillet 2012 5 06 /07 /juillet /2012 06:55

J’ai lu avec intérêt les opinions de Jules Gheude et d’Alain Maskens publiées dans « La Libre Belgique » de ces 4 et 5 juillet. L’argumentation relève souvent davantage d’une préférence a priori que l’on cherche à justifier que de l’objectivité, par ailleurs illusoire sur l’appréhension du fait politique, tant celle-ci peut être subjective. Tout en sachant que dans des matières aussi complexes il subsistera très probablement inévitablement un degré d’incertitude par rapport à la pertinence des argumentations qui présideront aux choix, quels que soient les scenarios.

 

En l’occurrence, le seul principe logique essentiel à ne pas perdre de vue étant que tout qui prend parti pour un scenario déterminé concernant la Wallonie ou Bruxelles, doit le faire sur base de ce qu’il estime vraiment être le meilleur possible pour les Wallons ou les Bruxellois. C’est pourquoi il est évidemment primordial d’entamer au plus tôt un débat public sur les choix d’avenir possible pour ces deux Régions-Etats en devenir fort différentes l’une de l’autre. Or là, le champ est beaucoup plus large que des choix tranchés publiés ici où là pourraient le faire croire.

 

Il faut en particulier en finir avec l’illusion d’une « Belgique francophone » qui n’ose pas dire son nom puisqu’appelée « Fédération Wallonie-Bruxelles ». Sans rejoindre tout à fait Bert Kruismans - l’humoriste chouchou de la RTBF toujours en quête du « bon Flamand » - qui déclare cyniquement que Bruxelles est une ville « qui parle en français mais pense en flamand », tout montre que cette création politique est destinée à rester parfaitement artificielle et très instable.

 

Je ne partage pas le choix de termes guerriers par Jules Gheude qui parle de « dernière bataille » et de « coup décisif » comme s’il déniait à la Flandre le droit légitime des Peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme je reste confondu devant le fait que des partis et des organes de presse francophones ont pu taire aux citoyens la réalité politique et institutionnelle qui s’est imposée le 31 octobre 1962 lors du « clichage » de la frontière linguistique par 130 députés (dont 93 élus dans les arrondissement flamands) contre 56 autres (dont 45 élus d’arrondissements wallons). « Clichage » qui a été complété par l’adoption de la loi sur l’emploi des langues et la reconnaissance des quatre régions linguistiques le 2 août 1963 ainsi que par l’inscription dans la Constitution des Régions linguistiques le 24 décembre 1970. Constatons donc que depuis 1963, et à plusieurs reprises, ce choix politique de la frontière linguistique a plutôt été confirmé que remis en question malgré un échafaudage de délicats compromis. La Constitution (et personne ne remet ça en cause) précise que les limites des Régions ne peuvent être changées ou rectifiées que par une loi adoptée à la majorité des suffrages dans chaque groupe linguistique de chacune des Chambres… Ne rêvons plus ! BHV est scindé depuis 49 ans et les frontières sont définitives. Préparons plutôt l’avenir. Et à ceux qui estiment que la reconnaissance du caractère flamand serait une tragédie pour les francophones égarés (comme l‘écrivait déjà Jules Destrée en 1929) on peut rétorquer que la scission de l’Université de Louvain a apaisé les esprits dans la ville universitaire, que les francophones seront toujours libre d’être candidats et de voter pour des listes francophones. Encore que, pour les élections régionales de 2009, 58% des électeurs francophones ont apporté leurs suffrages à la liste francophone (UF) alors que 42 % des électeurs (toujours francophones) ont voté pour une liste flamande classique… Rien ne prouve que l’éclatement de la Belgique ne soit pas – à terme- une bonne chose. En particulier pour les Wallons.

 

On pourra objecter à mon opinion que celle-ci se préoccuperait peu du destin des francophones de Bruxelles ou des environs. Wallon, je n’aurai pas l’impudence de m’exprimer à leur place. C’est à ceux-ci à se choisir leur propre avenir. Depuis Renan, pour les tenants d’un humanisme français, la conception moderne de la nation dépasse largement le cadre ethnique ou tribal. Elle trouve plutôt sa source dans un ensemble complexe de liens qui fondent le sentiment d’une appartenance commune. Elle est ainsi à la fois extérieure aux individus, en même temps qu’elle est intériorisée et transmise d’une génération à l’autre.

Le fort sentiment d’appartenance et de différenciation par rapport aux autres régions qui est exprimé régulièrement à Bruxelles – et Alain Maskens a raison de le dire - montre qu’au-delà des difficultés liées au multiculturalisme local, il existe une identité forte, facteur d’autonomie bruxelloise. Laissons-la s'exprimer.

Cela n’a jamais empêché les Wallons d’exprimer une forte solidarité avec les Bruxellois dits francophones. Mais cette solidarité doit être réciproque et suppose, à Bruxelles, une même solidarité à l'égard de la Wallonie. Une solidarité concrétisée dans des engagements plus précis que ceux édictés sous les auspices de la seule institution actuelle de la Communauté française. Des accords directs bi-régionaux pourraient avantageusement remplacer le flou actuel. La « Belgique francophone » si elle est anti-flamande est également et surtout fort peu soucieuse de l'identité wallonne.

 

Pour la Wallonie, pour les Wallons, confrontés à court terme et inéluctablement à des choix imposés mais douloureux, il n’est plus temps de craindre l’avenir, mais de le préparer. C'est-à-dire, se donner les moyens de le comprendre avant qu’il ne devienne présent afin de l'affronter avec la dignité d’un peuple adulte et responsable. Il revient aux acteurs politiques et sociaux, mais aussi aux intellectuels, de considérer ce dernier comme tel. On sait (on pense) que le passage par un confédéralisme de dissociation qui se prépare n’est que l’antichambre du séparatisme. Dans un premier temps, la Flandre s’en accommodera tout en maintenant - pour dix ans ? - le lien solidaire avec les Wallons, qu’elle n’aura pourtant de cesse de vouloir rompre le plus tôt possible. La Flandre n’est pas encore tout à fait prête, il lui reste à parfaire ses préparatifs en utilisant au mieux la latitude que lui laissent le système de péréquation et la loi de financement des entités régionales. C’est là l’intérêt des Flamands.

Malgré cela, au-delà de ces réflexions, faut-il pour autant négliger un aspect essentiel : Jamais encore des raisons purement économiques n’ont été à la base de la création ou de la disparition d’un Etat. Et, en effet, on observe qu’une volonté politique forte n'est pas tenue de respecter des analyses économiques même objectives mais aussi parfois frileuses. L’exemple de la Slovaquie est là – certes dans un autre contexte – pour le montrer. Pourquoi les Wallons n’auraient-ils pas, comme d’autres, le droit de croire en eux ? Mais là aussi et pour cette raison, il y aura à arbitrer entre l’émotion et la raison. Comme l’écrivait Louis de Bonald dans ses « Considérations sur la Révolution française » : « Dans les crises politiques, le plus difficile pour un honnête homme n’est pas de faire son devoir, mais de le connaître ».

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