"Un peuple qui n'enseigne plus son histoire est un peuple qui perd son identité"
François Mitterrand 1982
En ces journées de mémoire où, en France on commémore le 18 juin 1940 et l’Appel du Général de Gaulle, Le Belgie-que célèbre dans l’enthousiasme (politico-touristico-commercial) le bicentenaire d’une défaite que l’on dit une grande victoire pour l’Europe... (Il s'en est pourtant fallu pourtant de peu pour que l'issue des combats ne s'inverse ce 18 juin 1815, mais une victoire de Napoléon n'aurait pas changé grand-chose vu l'ampleur des troupes russes et autrichiennes prêtes à en découdre avec l'armée impériale.
Une victoire pour l’Europe ? Mais quelle Europe ? Celle d’ancien régime, une Europe des despotes, une Europe qui n’était absolument pas démocratique. Waterloo est une défaite pour la démocratie et les Droits de l’Homme en replaçant pour 100 ans les vieilles familles régnantes absolutistes sur les trônes. Ce qui a abouti aux terribles massacres de 1914-1918. Cette terrible guerre, ces quatre ans de boucherie, ces millions de morts. Tout ça pour ce qui n’a finalement jamais commencé que comme une dispute familiale entre cousins régnants.
Waterloo n’est ni une défaite française, ni celle de l’Empereur, c’est la victoire de l’obscurantisme d’ancien régime sur les idées généreuses de 1789. Heureusement, de l’An II à 1815, ces idées ont parcouru l’Europe dans les fourgons des troupes révolutionnaires et de la Grande Armée. Ces idées ont changé le monde.
Il aura fallu six coalitions pour tenter de les effacer.
(https://www.youtube.com/watch?v=b8zcRzsORX4&feature=player_embedded)
S’il y a donc un bicentenaire à fêter aujourd’hui à Mont Saint Jean, c’est celui du courage. Tout d’abord, celui de ces soldats anonymes qui sont morts pour nous. Même si la petite histoire (ou le mythe) retiendra celui d’un autre général français qui s’est exprimé (lui aussi) au milieu d’Anglais : comme l’a écrit Victor Hugo : « Dire ce mot, et mourir ensuite. Quoi de plus grand ! Car c’est mourir que de le vouloir, et ce n’est pas la faute de cet homme, si, mitraillé, il a survécu. (…) L’homme qui a gagné la bataille de Waterloo, c’est Cambronne. Foudroyer d’un tel mot le tonnerre qui vous tue, c’est vaincre. »
Plus sérieusement, pourquoi ne célèbre-t-on plus le souvenir du 8 mai 1945, date beaucoup plus importante pour l’Europe que ce funeste 18 juin 1815 ?
Je m’étonne aussi d’entendre et de lire dans « nos » médias officiels que la France (comme l’Allemagne d’ailleurs, ce qui honore cette dernière) a refusé d’envoyer autre chose qu’un ambassadeur (excusez-moi du peu…) aux « cérémonies » … Propos repris par le dernier descendant de Jérôme Bonaparte - un des principaux responsables de la défaite qui a fait massacrer ses troupes devant Hougoumont, refusant d’utiliser l’artillerie pour enfoncer les fortifications anglaises - qui essaye lamentablement de se dédouaner en regrettant publiquement l’absence du Président Hollande. Celui qui porte le titre de « Prince Napoléon » et qui est employé par… la City de Londres…
Personne ne semble comprendre qu’on ne célèbre pas une défaite comme celle-là en France !
Au contraire, ce matin – à la RTB (si peu « f), on diffusait une enquête sur la vision que les Français auraient sur l’Empereur… Et il est vrai, qu’en France même, une certaine frange du monde politique contaminée par le politiquement correct anglo-saxon participe à ce qu’il faut bien appeler le « France bashing », pour plaire aux nouveaux maîtres du monde.
Napoléon a été considéré - pour des raisons politiques - comme l’adversaire de la république. Quand les républicains ont repris le pouvoir après la restauration, ils n’ont plus voulu entendre parler de lui. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’il n’y a pas une rue qui porte son nom à Paris et qu’il n’y aqu’une seule statue qui lui est dédiée (dans la cour d’honneur des Invalides). Il existe une rue Bonaparte, mais rien rappelant Napoléon ! On trouve en revanche des rues nommées d’après des batailles : Austerlitz, etc. Ils ont gardé finalement tout ce qui était glorieux.
Ainsi, s’il est vrai que Napoléon a effectivement commis la faute de rétablir l'esclavage en 1802, il est devenu rétroactivement et surtout sans tenir compte du contexte historique de l'époque, « l'Homme qui a rétabli l'esclavage », coupable de crime contre l'Humanité.
Cet événement n'est pas replacé dans le contexte historique de cette époque où l'esclavage était malheureusement pratiqué à l'échelle mondiale et où un Africain sur quatre était l'esclave d'un autre Africain selon les travaux de Catherine Coquery-Vidrowitch.
Mais enfin et surtout il faut rappeler que Napoléon était très loin d'être convaincu de cette mesure et qu'il s'est opposé un temps au Conseil d'Etat. Il finit par céder aux pressions des puissants lobbies des armateurs nantais et bordelais sans oublier l'influence de Joséphine de Beauharnais, issue d'une grande famille de planteurs. La position de Napoléon se caractérise plus par le pragmatisme ( comme pour tout homme d’Etat) que par une inclination "idéologique" quelconque, son objectif majeur restait avant tout le continent européen. Il est vrai toutefois que cette faute indélébile précipite la perte de Saint-Domingue et met fin aux ambitions coloniales.
Mais alors… que dire de sa décision prise à son retour de l'île d'Elbe, de supprimer la traite négrière sans restriction, le 29 mars 1815 ? Cette loi prononçait la confiscation des navires pris faisant la traite et l'interdiction de leurs capitaines.
Or ça, personne n'en parle?
Enfin, ce qui est faux également, c’est de le comparer à Hitler ou Staline. Mais l’inverse est tout aussi inexact : le présenter comme le général désintéressé qui défendait les idéaux de la Révolution. C’était un personnage ambigu, mi-monarque, mi-général de la Révolution. En politique, c’était un centriste. Ne disait-il pas : « Ni talons rouges, ni bonnets rouges. » Les talons rouges, c’était une référence aux aristocrates qui en portaient ; les bonnets rouges, c’étaient les bonnets phrygiens, ceux des jacobins. Napoléon disait qu’il n’était ni de l’Ancien Régime, ni jacobin. Il était contre les révolutionnaires, les excès, les massacres. Et effectivement, il a toujours cherché une synthèse. Il a gardé l’égalité civile prévue dans le Code civil - tout le monde a les mêmes droits - mais en même temps, il a recréé une espèce d’aristocratie avec la Légion d’honneur, il a distribué des titres à ses généraux, à ses ministres. C’était un pragmatique. Un dictateur, certes, suivant nos critères actuels en tous cas, mais éclairé. Existait-il à l’époque un Etat démocratique dans cette Europe d’ancien régime ?
Faut-il rappeler qu’il n’y a jamais eu de camps de concentration sous Napoléon. Ce sont les Anglais qui feront ça les premiers ! (En Afrique du Sud lors de la guerre des Boers en 1900-1902)
On ne peut pas changer l'Histoire, l'Histoire, une fois écrite, ne s'efface pas. L'Histoire, on doit l'assumer. C'est autant glorieux qu'honteux. C'est l'Histoire ! La France, mais pas seulement, en particulier après les terribles événements de janvier, aurait bien besoin de pouvoir se rassembler autour de grandes figures tutélaires comme Napoléon. Il reste une leçon d'énergie, un symbole de ce courage politique dont ce pays a besoin aujourd'hui... Il symbolise l'imagination au pouvoir, la volonté, le rêve, l'inventivité, l'enthousiasme, l'accomplissement... Il éclaire à jamais ce qui constitue les valeurs de l'identité française : la méritocratie, les Lumières, l'ouverture, l'intégration réussie, l'autorité de l'Etat. Ceux qui constituent « le petit Peuple » ne s’y sont pas trompés, eux qui continuent à voir en lui, un des leurs qui les a fait rêver.
Après tout, ce petit Corse qui est arrivé à 10 ans sans parler un seul mot de français, suscite l'admiration du monde entier et devrait être une fierté pour tout Français ! N’est-il pas Le symbole de l’intégration réussie ? Que ne le dit-on pas ? Pourquoi mettre l’accent uniquement sur ses torts ou ses défauts ?
La question à poser, c’est : 200 ans après, à qui fait-il encore peur ? Et pourquoi leur fait-il encore peur ?
On ne peut pas changer l'Histoire, mais on ne devrait pas non-plus la falsifier, la détourner, la méconnaître volontairement ou non. C’est un crime.
Et ce qui est vrai pour la France l’est aussi pour nous, Wallons, le pseudo-nationalisme belge ne survit, n’existe, que grâce à l’ignorance de l’histoire (Et je suis gentil, c’est de falsification qu’il faudrait parler depuis Pirenne !). N’est-ce pas Monsieur le Premier Ministre Michel et compagnie ?
Et pour ceux qui imaginent encore que la Révolution et l’Empire n’ont laissé que de mauvais souvenirs chez nous, visitez donc la chapelle de Boneffe : http://napoleon-monuments.eu/Napoleon1er/Boneffe.htm
Faut-il rappeler qu’en 1815, la Belgique n’était déjà qu’un vague concept ? Et demain ?