La crise que nous vivons - sans précédent depuis celle de 1929 - révèle évidemment la faillite d’un système économique et financier aux contrôles défaillants et à la seule finalité d’enrichir démesurément quelques acteurs sur le dos de tous les autres. Eminemment discutable... et instable par ses excès et à sa profonde injustice.
Pour sortir de la crise et enfin remettre l’économie de marché au service de l’Homme, il faut agir sur ses causes. Il serait en effet inutile et scandaleux de continuer à déverser des milliards d’aides publiques sur un système à bout de souffle pour lui permettre ensuite de recommencer les mêmes erreurs.
Tout le monde semble d’accord aujourd’hui, il faut, à tous les niveaux, à la fois moraliser, relancer et rééquilibrer notre économie.
Il n’y a pas de marché bénéfique sans confiance réelle. Le rôle de la puissance publique est de la garantir par un ensemble de règles. La dérégulation de ces 20 à 30 dernières années a permis au système, avec la complaisance des gouvernants. On ne peut pas simplement, ni sauver le système, ni chercher à désigner l’un ou l’autre coupable, cela reviendrait à accélérer dans une voiture sans freins.
Une nouvelle régulation des marchés doit être mise en œuvre au niveau européen et mondial. On en est loin. Le système européen est essentiellement dérégulateur. Sarkosy arrivera-t-il à obtenir une coopération européenne indispensable ? J’en doute.
Heureusement, les vieilles nations que cette même Europe veut détruire ont la capacité de réagir.
-le Parlement hollandais a voté le 9 septembre une loi taxant fortement les excès de rémunération des dirigeants d’entreprises ou de fonds d’investissement ;
-certains, en France, proposent de soumettre au droit commun les plus-values liées à l’exercice des stock-options comme des indemnités des départs, ce qui permettrait aussi de financer des dispositifs sociaux sans ponctionner les classes moyennes ;
-Enfin, il faudrait, par voie législative, contraindre les banques à déclarer les « créances pourries » qu’elles détiennent. Toute tricherie aurait un caractère pénal.
La leçon keynésienne de la crise de 1929 aurait du nous apprendre qu’il faut éviter la contagion de la crise financière à l’économie réelle. Le paradoxe est de voir l’Europe incapable de relancer son économie alors qu’elle est réellement moins exposée que les Etats-Unis sur le plan bancaire. Là aussi, faute d’une action coordonnée européenne, les gouvernements ont montré leur capacité d’agir très vite au niveau national.
Pourquoi le Conseil européen n-t-il pas déjà été réuni pour mettre en œuvre un plan de relance économique. C’est qu’aujourd’hui, le vrai danger est de voir les banques ne plus prêter aux particuliers et aux PME, au risque de les pousser à la faillite. Il est grand temps de proposer un plan de relance à plusieurs volets voici quelques pistes :
-un plan d’investissement de la Banque européenne d’investissement, notamment pour les infrastructures de transports permettant de lutter contre l’effet de serre ;
-la suspension officielle du pacte de stabilité et l’incitation pour les pays excédentaires de la zone à accroître leur déficit ;
-la soumission (enfin !) de la Banque Centrale européenne au pouvoir politique pour l’obliger à baisser ses taux pour permettre aux taux courts de redevenir inférieurs aux taux longs, un euro bon-marché grâce à une stratégie de change; l’application de montants compensatoires monétaires vis-à-vis de pays à monnaies sous-évaluées; la création d’un fond de garantie des prêts aux PME ; la relance des emplois aidés ; des prêts préférentiels aux particuliers qui rénovent leur habitation ; une réduction des charges sociales sur les nouveaux emplois; le renforcement de l’aide aux collectivités locales qui épargnent et qui investissent. Ily a beaucoup d’autres pistes.
Il faut, tout comme après la crise de 29 réinventer une économie de marché où existe un équilibre raisonnable et durable entre l’offre et la demande.
Les événements viennent de démontrer que « l’é-casino-conomie » où les cours boursiers atteignent des sommets grâce aux licenciements massifs, à la compression des salaires et à la création de valeur fictive au profit de quelques uns, n’est pas seulement injuste mais autodestructrice.
C’est là qu’est l’origine de la crise que nos dirigeants, trop contents de passer sous silence leur responsabilité première (mais depuis 20 ans et plus, nous sommes tous un peu responsables d’avoir, si pas oublié, du moins approuvé la pensée unique de dégraissement des responsabilité de l’Etat) dans la dérive du système, veulent faire oublier en mettant à l’index « les spéculateurs ». Le rôle du politique n’est plus de fermer les yeux sur un système fou en versant de temps à autre des sommes colossales pour le renflouer. Quand ce n’est pas une larme de crocodile sur les gigantesques dégâts sociaux, humains et environnementaux, qu’il cause. Tous les partis sont impliqués au même titre, même les partis de gauche qui crient maintenant plus fort que les autres (Voir ce que je publiais ici, « in tempore non suspecto », en janvier 2006… et qui m'avait vallu de recevoir une vollée de bois verts de certains qui n'hésitent maintenant plus à le reprendre à leur compte).
L’intérêt collectif et le service universel ont été bradés sous l’influence du libre échange ultime et sans limites prôné par la Commission européenne. Cette crise a du bon, voilà, je l’espère, un mythe définitivement démodé.
Je suis opposé à toute chasse aux sorcières. Plutôt que se focaliser, en toute bonne conscience, sur les erreurs du passé, il est désormais indispensable d’articuler efficacité économique et justice sociale. Conditions indispensables au développement valable, durable, matériel et moral, des sociétés. Nous avons donc besoin d’en revenir à des frontières politiques et économiques qui rejettent une mondialisation sauvage fondée sur une harmonisation sociale et environnementale par le bas, à une économie mondiale multipolaire organisée sur des zones régionales de libre échange, et coopérant entre elles.
Keynes que j’appelle un socialiste intelligent avait raison d’analyser que le capitalisme est en crise permanente. Sans récuser le principe d’une une économie libérale, il faut entreprendre de le dépasser par une transformation en profondeur en renforçant certaines réglementations, et en particulier celle de l'information. La crise actuelle ayant été provoquée par une grande asymétrie de cette dernière : toutes les parties n'étaient pas informées au même niveau. Irons-nous vers un nouveau Bretton-Woods ? Méfions-nous d'une approche qui voudrait d’abord régaler (les plus riches) pour éventuellement mieux réguler par après...
Mais d'ici là, il peut encore se passer beaucoup de choses. J'appréhende les prochains jours à la Bourse...
En complément, pour ceux qui veulent comprendre toute l'histoire des "subprimes", téléchargez ce petit document réalisé par l'excellente équipe du Blog "Rue 89".