Le 30 décembre dernier , je vous présentais quelques extraits d’un article de la « Libre Belgique » concernant la rénovation du PS. Et de ses difficultés. C’est qu’en effet, le PS entretient encore un rapport très étroit avec son électorat populaire dont il prétend représenter les intérêts. Il ne se positionne pas sur des valeurs qui s’adresseraient à toute la société.
Ce parti oscille entre une dialectique de type « lutte des classes » et un engagement social-libéral de type « blairiste » (ce que P.-H. Gendebien avait qualifié avec humour de « blairisme borain »).
Sans doute, la position des socialistes n’est-elle pas encore celle des néo-libéraux, mais ils se situent quand même objectivement dans une même perspective. Situation inconfortable entre ses liens liés aux intérêts de son électorat et son engagement en faveur de valeurs à la mode comme l’augmentation de la propriété et du capital au détriment de celles du travail.
Ceci expliquant probablement la distance qui s’est installée entre le PS et la FGTB.
Intéressant aussi de constater que la situation est différente en Flandre où le SP-A ayant moins de capacité historique et effective à encadrer la population défend davantage des valeurs morales que des intérêts particuliers.
En principe, une rénovation se situe au niveau des valeurs que l’on décline en thèmes balisés par l’éthique. Or, la rénovation du PS est plutôt d’ordre organisationnelle. On ne parle pas d’orientation politique, pas davantage d’identité wallonne, d’idées politiques. Quelle différence avec ce qui s’est passé en France, par exemple.
Non, ici, et les affaires (rénovation des sanitaires du cabinet Arena, confusion des pouvoirs chez Anne-Marie Lizin, affaires des logements sociaux, utilisation partisane du budget du Parlement de la Communauté française, etc…) n’ont rien arrangé, pas de réflexion sur le fond mais bien sur la forme : comment se comporter en politique, quelle éthique afficher, etc … Bref, une rénovation de façade.
C’est que le PS, aux affaires depuis près de vingt ans, occupe de nombreux postes et fonctions. Que tous les cadres du parti sont impliqués dans la gestion des différents niveaux de l’Etat. Et que si le PS se retrouve un jour dans l’opposition, ces mêmes cadres retrouveront une position de contrôle au sein des administrations qu’ils ont colonisées dans le cadre de la politique de lotissement partisan à la proportionnelle des administrations publiques et des Conseils d’administration de certaines sociétés privées.
C’est aussi que le PS contrôle les choix de nombreux électeurs par le biais du « M’fisme », cette dialectique qui lui sert de doctrine. Le « M’fisme », n’appartient pas au seul PS, tous les partis traditionnels belges l’utilisent, mais aucun ne l’a poussé aussi loin. Le « M’fisme » pour ceux qui l’ignoreraient, c’est une forme de violence politique dissimulée sous un populisme patelin qu’on peut découvrir un peu partout sous forme de menace à l’emploi, au logement. Une coercition discrète mais terriblement efficace. Un exemple ? « M'fi, si tu vôt’ pour nous aut’ et qu’on pass’ aux élections, ou bien encor’, si tu viens sur not’ liss’, ta fille sera nommée institutriss’ ».
C’est aussi que Guy Spitaels avait raison de dire que le parti socialiste est d’abord un parti conservateur avant d’être un parti réformiste. Qu’il l’ait dit à propos de la volonté de conserver le système de sécurité sociale ne change rien à la justesse de l’observation. Les vingt dernières années ont montré que même sur ce terrain, le PS évolue vers une marchandisation des revenus du travail, que se soit en matière des soins de santé ou de pension de retraite où il a ouvert la porte aux pensions complémentaires au détriment de la pension légale qui ne représente plus que 31 % du salaire moyen.
C’est aussi qu’il n’y a pas de débat à l’intérieur du PS. Di Rupo utilise volontiers et fort habilement un discours de gauche tout en menant une politique néolibérale poussant à la vente au privé et à bas prix des entreprises et services publics appartenant à la collectivité et aux patrimoines constitués grâce aux subventions accordées par l’Etat. Expropriant de fait le Peuple et les générations futures pour, officiellement, équilibrer le budget de l’Etat. Officiellement, parce qu’en réalité, les raisons sont surtout idéologiques.
Se rendant compte de l’impossibilité du défi et de son isolement - il n’a pu trouver aucune personne de confiance ayant suffisamment d’envergure pour reprendre la fonction de Ministre président de la Région wallonne - il a poussé en avant quelques jeunes cadres qui lui sont dévoués. Mais sans légitimité démocratique, ils pèsent de peu de poids face à ceux qu’il appelle les « parvenus ».
Il semble pourtant bien avoir trouvé un moyen de faire évoluer les choses. C’est le recours à la Justice en favorisant la divulgation des abus. Ne pouvant faire de « révolution culturelle », ne pouvant imposer ses jeunes cadres, le renouvellement se fera donc au travers de procédures judiciaires, sortes de « procès staliniens » destinés à écarter toute une génération.
Si rénovation il y a, elle n’est donc pas idéologique, ni vraiment culturelle. Ethique ? C’est à voir.
Pas de réformes, pas de grand dessein pour la Wallonie, ni pour Bruxelles, donc.
Pour Edgard Morin, la politique doit rester une aventure. Le PS (avec la complicité des autres partis traditionnels) en a fait une bureaucratie. Crozier a bien montré qu'un tel système est incapable d'évoluer. Il ne se réforme que dans la douleur...