Le débat fait rage et de nombreux arguments sont utilisés en faveur ou en défaveur des décisions actuelles. Débat passionnel parce que deux logiques contradictoires s'y affrontent.
Prenons un peu de recul et sans me prononcer sur le fond, il faut rappeler quelques moments de notre histoire récente. En 2001 c'est lors du vote des accords du Lambermont et de la Saint-Polycarpe présentés comme une grande victoire par les négociateurs socialistes, libéraux (y compris le FDF) et le CDH qu'a été décidé le transfert de la tutelle des communes à facilité à la Région flamande sans que personne n'y trouve à redire. Or l'expérience précédente des Fourons avait bien montré quelle serait la politique du Gouvernement flamand en la matière.
Comme je l'écrivais précédemment, "Les Flamands ont demandé la régionalisation de la loi communale pour l'utiliser pour des questions communautaires, les Wallons pour rendre la démocratie communale plus démocratique..." On aurait tort de l'oublier.
Certes, ces accord ont amené des progrès importants en matière de dégraissement de l'Etat central par le transfert aux régions d'un certain nombre de compétences (loi communale, loi provinciale, agriculture, pêche en mer et le commerce extérieur) Accompagnant un certain refinancement de la Communauté française, ont également été régionalisés, la coopération au développement (pour les compétences régionales et communautaires), le contrôle des dépenses électorales lors de l'élection des Parlements et le financement additionnel des partis politiques.
Mais indépendamment de tout ça, ces décisions du Gouvernement flamand ne sont pas négatives pour tout le monde. A commencer par les candidats bourgmestres intéressés à qui la Flandre garantit ainsi une rente électorale pour longtemps. Soyons objectifs, leur non-nomination ne les empêchera de toute façon pas d'exercer leurs compétences comme l'ont fait les premiers socialistes wallons pendant une vingtaine d'année avant 1914 parce que le roi refusait de les nommer. A l'époque, les socialistes étaient républicains...
Ces décisions sont loin d'être négatives pour les Flamands qui s'en servent comme écran de fumée pour cacher le fait que sa richesse actuelle est bâtie sur du sable et que son avenir économique proche (2012-2015) étant loin d'être rose, elle doit continuer à s'accaparer un maximum de moyens pour faire face aux catastrophes annoncées.
Catastrophes qui sont à sa porte; pensons à l'effilochage de son tissu industriel basé sur des productions à haute valeur ajoutée comme le montage automobile et les milliers de PME qui en dépendent. Pensons au textile terriblement concurrencé. Pensons à la concurrence féroce entre Anvers et les ports hollandais ou ceux de la Manche… Pensons au déséquilibre démographique… La Flandre continue bel et bien à s'accaparer ce dont elle a besoin pour son développement. Pourquoi ne va-t-on régionaliser le rail que lorsque les grands travaux d'infrastructure seront terminés chez eux et qu'ils n'auront pas encore commencé chez nous ? Pourquoi croyez-vous que le dialogue communautaire n'évoque que les points qui sont favorables à la Flandre en matière de transfert de sécurité sociale et exclu ceux qui ne le sont pas comme les pensions et les mesures pour anticiper le vieillissement de la population ? Je pourrais continuer ainsi fort longtemps.
Et en échange, ces décisions sont également du pain bénit pour les politiciens wallons et bruxellois francophones (un peu long ça, disons "belgicains") qui cachent les vrais enjeux de ce débat communautaire. Ça leur évite de reconnaître que les problèmes communautaires sont en réalité des problèmes économiques, des problèmes de conquête territoriale, des problèmes d'acculturation (comment comprendre autrement l'emballement de certains pour l'introduction de la langue anglaise à Bruxelles ou pour les cours d'immersion dans l'enseignement fondamental ?). Fixer l'attention sur trois bourgmestres permet d'occulter les réalités, celles des habitants ("flamandophones" comme francophones) de ces communes certes, ceux des autres qui sont dans le même cas mais surtout l'agression économique et culturelle froide que nous, Wallons, subissons depuis 178 ans !
N'oublions jamais ces fortes paroles de Jule Destrée dans sa lettre au roi de 1912 :
" L'œuvre maudite se poursuit lentement, par degrés, sans brusque éclat, avec la patiente opiniâtreté qu'ils apportent en leurs conquêtes. On y distingue trois étapes: d'abord le flamand se glisse insidieusement, humblement, auprès du français. Il ne s'agit que d'une traduction; qui pourrait refuser ce service fraternel à nos frères? Puis, un jour, le flamand s'affirme en maître; il revendique la première place qu'il appelle l'égalité; le français n'est plus que toléré. Enfin, le français sans cesse anémié, diminué, proscrit (...) Tout traduire est leur rêve; puis la contrainte administrative nous imposera ce bilinguisme inutile et vexant. Jeux puérils, pourrait-on croire. Non pas. D'abord le ridicule ne tue pas en Belgique. On s'y habitue facilement. On rit, on plaisante, on s'indigne, mais la contradiction reste. Le flamand ne recule jamais. Il a la douce obstination têtue du fanatisme".
Sincèrement, qu'est-ce qui a changé depuis 1912 ?
A quand un vrai parti politique, unissant les Wallons qui aiment leur Wallonie, qui affiche clairement son objectif de séparation ? Voilà un bel objectif pour juin 2009.
Il faut oser se dire wallon. Le peuple wallon est un peuple ouvert. Affirmer une certaine identité, une certaine appartenance est plus que légitime. A condition qu’on ne tombe pas dans des radicalismes nationalistes "à la belge". L’identité et la culture sont deux choses différentes. L’identité wallonne, c’est la citoyenneté politique. Notre culture est française. "Utilisant le français depuis des siècles comme langue de culture, les Wallons ont profité de sa fortune prodigieuse, de son prestige incomparable, de son rayonnement immense dans le monde. Le français est devenu pour le wallon une « alma mater », une langue maternelle, au même titre que pour un Bourguignon, un Champenois ou un Normand. Car le français a pénétré tous les domaines de la pensée et du sentiment, dans la vie spirituelle comme dans la vie familière"... comme l'écrivait Félix Rousseau.
La séparation d'avec la Flandre doit être le premier objectif, ensuite nous discuterons entre-nous de nos choix d'avenir. Il n'est évidemment pas imaginable pour moi que ce choix devienne centrifuge par rapport à l’ensemble français.