J’ai bien aimé l’article d’Isabelle Philippon dans la dernière édition du « Vif » du 7 novembre.
Elle y dresse un portrait sans concessions de Jean-Marie Dedekker et à travers lui de la fascination des médias pour ce genre de personnage au faux « parler vrai ». Ce sont des batteurs d’estrades et donc, on aime à les inviter pour le spectacle sans se rendre compte qu’on s’en fait leur complice en leur offrant une tribune dont ils sortent toujours gagnants. S’adressant à ce qu’il y a de pire en nous.
A une époque où la « pipolisation » de la politique, par l’aristocratisme partisan ou le vedettariat, a exacerbé une incompréhension entre dirigeants et dirigés plus grande que dans d’autres pays, du fait de la complexité des institutions, il faut s’attendre à tout et à voir surgir des « sauveurs-simplificateurs », des démagogues, qui vont aggraver cet éloignement. C’est vrai, la Belgique est administrée plutôt que gouvernée par une demi-douzaine de gouvernements et parlements, tous compétents en presque tout. Prendre des décisions y est plus difficile qu’ailleurs. Et la particratie (partitocratie en français) est reine. La fonction de président de parti est en réalité plus importante que celle de ministre, voire de Premier ministre fédéral. Ces importantes personnalités contrôlent, de fait, tous les pouvoirs, tant au niveau fédéral qu’à celui des entités fédérées.
Conséquence, les partis pèsent plus que les gouvernements. Une logique féodale et de vassalisation où les dérives et autres pistons ou sinécures sont nombreux, même si ce nombre est exagéré dans les esprits du fait du manque de transparence du système. Le désamour d’avec la classe politique est en proportion de ce sentiment. Terreau fertile pour la croissance de l’extrême droite ou du populisme qui n’est qu’une droite extrême.
Et pourtant, s'il faut reconnaître un - faux - mérite au populisme, c'est celui de rendre le discours politique plus largement accessible. En simplifiant les enjeux, ceux-ci deviendraient lisibles et, de ce fait, susceptibles d’être débattus. À outrance. Or, la simplification est-elle vraiment compatible avec la nuance et la complexité ?
Chez nous, l’extrême droite venant de montrer son vrai visage - lamentablement, mais qui va s’en plaindre ? - il reste le populisme (ou la démagogie, mais il semble être devenu politiquement incorrect d'utiliser ce terme...). L'extrême droite ne devait ses succès que grâce à l'image tribunicienne-populiste du FN de Le Pen. Plus grave et aussi plus dangereux est le populisme d’exportation du sieur Aernoudt - ce fonctionnaire flamand sans emploi qui vient nous dire qu'il vaut mieux que les Wallons ne s'occupent pas eux-mêmes des choses sérieuses... - ou le populisme endogène dont heureusement une grosse part est noyée dans les appareils de partis. Qui oserait dire, en effet, que certains messages ne sont pas inspirés par l’obsession d’obtenir ou de garder un acquis électoral ?
Rappelons nous le fameux « Nous ne sommes demandeurs de rien »… Mais il y en a bien d’autres en pire... L'autophobie, la haine ou le mépris de soi, qui fait dire à certains que les wallons, incapables, seraient mieux dirigés par d'autres qu'eux-mêmes, quand ce n'est pas simplement par des... Flamands ! La candidature d'Aernoudt est indirectement une manière de nous faire la leçon et de nous inviter à nous conduire comme des colonisés...
Et alors ? Il faut dire la vérité, donner des contre-exemples et dénoncer ces gens de chez nous qui font encore mieux dans le mépris des nôtres que les pires des Flamands.
La gangrène du régime est telle qu’un résultat cumulé du Vlaams Belang et de la Lijst De Dekker inférieur à 50 % en Flandre sera considéré comme une grande victoire de la démocratie par les médias de langue française ! Est-ce une raison pour baisser les bras ?
Non, il faut dire et redire que voter pour l'extrême droite, la droite extrême ou les populistes, c'est se tromper de colère.
Revenons à l’article du Vif pour épingler quelques citations :
« Le populisme, c’est prendre des engagements que l’on sait impossibles à appliquer afin d’en tirer un bénéfice immédiat. »
« Le populisme, c’est aussi désigner des « coupables », en appeler au « bon sens populaire ».
« Le propre du populisme, c’est d’adapter son discours en fonction de sa cible ».
« Le populiste, lui, se présente en redresseur de torts, se montre partout et attire les caméras sur sa seule personne »