Participant à une réunion à Charleroi lundi soir, la conversation est venue tout naturellement sur les prises de position récentes en matière institutionnelles de « l’homme fort » de la Ville, Van Cau. Son re-re-nouvel engagement ultra-régionaliste fait sourire par comparaison à son attitude beaucoup moins radicale lorsqu’il présidait les destinées du gouvernement wallon, juste avant de s’en faire éjecter, balayé par la vague médiatique anti-parvenus (et uniquement médiatique – qui en parle encore et pour quels résultats ?) initiée par Di Rupo.
C’est qu’au-delà du folklore il y a autant d’indépendantistes sincères en Wallonie qu’en Bretagne ou en Ile de France. Autant dire aucuns. « Il n’y a pas de nation wallonne, pas de viabilité économique et financière wallonne, pas de vision d’Etat en Wallonie. Cette cause-là est entendue, et pour de bon » écrit à juste titre P.H. Gendebien dans son dernier livre « Belgique, le dernier quart d’heure ? » (*)
C’est aussi qu’il y a un effet pervers dans la promotion de cette cause. Paradoxalement pour un socialiste de premier plan. Petite démonstration…
Il y a près d’un an, Bernard Cassen, rédacteur en Chef du Monde Diplomatique (et fondateur d’ATTC) publiait une analyse pertinente dans la revue Pyramides (**): « Pour la Commission européenne, il y a un étage de trop qu’elle ambitionne de réduire, d’éliminer, celui des Etats. Il est vrai qu’elle se situe dans une logique ultra-libérale qui détruit les solidarités et les services publics, et cela donne la clef de sa politique en direction des Régions… Pour la Commission, de toute évidence, mieux vaut 350 Régions sous sa coupe, que d’avoir en face de soi des Etats dont la force est une source d’ennuis… (Merci à la France pour le referendum sur le projet de Constitution !) La logique de l’émiettement, de l’atomisation et de la balkanisation…, c’est pain bénit, et c’est exactement ce que demandent les multinationales »
Il est piquant de constater qu’un des leaders du socialisme (mais c’est peut-être ça la rénovation de ce parti) ne semble pas être conscients des risques de remise en cause d’une série d’acquis sociaux qui ont été obtenus dans le cadre des Etats. Qui dit régionalisme dit affaiblissement des Etats. Généralisé à l’Europe, le résultat serait qu’en face des pouvoirs financiers et des instances supranationales sous-tendues par une idéologie néo-libérale (Commission européenne, OMC… Bolkenstein !) on y trouverait, non plus quelques Etats nationaux qui, peuvent encore (parfois !) résister, mais une multitude de Régions. Et ces Régions seraient rapidement écrasées par un pouvoir supranational toujours plus néo-libéral. La dérégulation jouerait en plein, il n’y auarit plus de redistribution sociale, ni solidarités interrégionales.
L’ultra-régionalisme est en contradiction flagrante, dans ses résultats à terme, avec le message officiel du PS qui prétend être le grand (et seul !) défenseur des « petites gens », des services publics et de la sécurité sociale. Mais ça ne semble pas vraiment les gêner. Il est vrai que les Happart(s) et Van Cau (hérauts de l’Europe des Régions), là où ils sont « parvenus » - heu… je devrais peut-être essayer de trouver un autre terme…- ne doivent plus être vraiment sensibles aux préoccupations de ceux qui continuent à les élire que ne le sont les membres du dernier carré des Belgicains à la Di Rupo ou Flahaut... Pour paraphraser un vieux slogan de la gauche radicale, « ce n'est pas un parti, il n'est pas socialiste, mais il est belge », comme les autres partis traditionnels. Il est belge, c'est-à-dire rien disait récemment Amélie Nothomb.
Est-ce vraiment étonnant quand quelqu’un profondément engagé à gauche comme Robert Falony, ancjournaliste au Peuple, à la Wallonie et au Matin, écrit dans son dernier livre : «Le Parti socialiste – Un demi-siècle de bouleversements - De Max Buset à Elio Di Rupo. (***) » que « Le PS actuel, même « le plus à gauche », n’est plus réformiste du tout et que les socialistes n’ont plus d’alternative crédible au capitalisme » ? Au contraire serais-je tenté d’ajouter. Et il n’y a plus de rebelles au PS… non plus.
Tout autre est, en toute logique, la position des partis flamands qui sont à la fois ultra-régionalistes pour des raisons de choix de société (****), de croyances et d’homogénéité ethnique. Ce à quoi nous avons échappé jusqu’ici en Wallonie où le concept de vie en commun est hérité de celui républicain et français de la Nation, acquis en même temps que la Philosophie des Droits de l’Homme à la révolution française. Ce qui est irréversible !
(*) Ed. Labor, Quartier Libre, 2006 »
(**) Revue du Laboratoire de Recherches en Administration publique de l’ULB, n°9, 2005
(***) Ed.Luc Pire, 2006
(****) Relire à ce sujet l’analyse du groupe de la Warrande ou les propos des Leterme, Verhofstad et consort