C’est, en effet dans la nuit du 4 août 1789, il y a 220 ans, que les députés de l'Assemblée nationale constituante, dans un bel élan d'unanimité, proclament l'abolition des droits féodaux.
À la faveur de cette grande séance parlementaire qui a vu disparaître d'un coup les distinctions de classe de même que les particularismes locaux, l'égalité de tous les citoyens devant la Loi devient la règle. Et aujourd’hui encore elle reste au cœur de tous les débats politiques et de société.
Ce qu’on sait moins ici, sauf à s’intéresser à l’Histoire de France, ce sont les origines de cette révolution dans la Révolution.
Après la prise de la Bastille et la réaction nobiliaire, de nombreuses rumeurs ont couru dans les campagnes à propos à propos de sanglantes bandes armées à la solde d’aristocrates.
Les paysans s’arment pour se défendre, mais aussi sous l’effet de ce qu’on a appelé « la Grande Peur » s’attaquent aux châteaux des seigneurs les plus détestés. Ils y brûlent les archives, et plus particulièrement les « terriers » fixant les droits et propriétés seigneuriales.
Ces émeutes inquiètent les bourgeois qui en appellent à la répression alors que certains nobles siégeant à Versailles et mieux au fait des réalités locales cherchent l’apaisement comme le montre l’attitude du Duc d’Aiguillon qui monte à la tribune pour dire : « Le peuple cherche à secouer enfin un joug qui depuis tant de siècles pèse sur sa têt, l'insurrection trouve son excuse dans les vexations dont il est la victime».
Dans la discussion qui suit, le vicomte de Noailles prend la parole et propose d'en finir avec les droits seigneuriaux, «restes odieux de la féodalité». Proposition déchaîne l'enthousiasme. Les nobles de l'Assemblée dont la plupart étaient de conviction libérale (au sens de l’époque… adeptes du progrès technique et de la philosophie des «Lumières») montent à tour de rôle à la tribune pour lui exprimer leur soutien. C’est ainsi qu’en une nuit, au milieu des applaudissements, sont abattus les justices seigneuriales, les banalités, les jurandes et les maîtrises, la vénalité des charges, les privilèges des provinces et des individus… Et puis…l’euphorie n’a qu’un temps, les députés se ressaisissent. Ils décident que seuls les droits féodaux pesant sur les personnes seront abolis sans indemnité d'aucune sorte. C'est ainsi que disparaissent à jamais certains archaïsmes comme la corvée obligatoire, de même que des injustices criantes comme la dîme ecclésiastique, uniquement payée par les pauvres.
Si l’objectif était de «faire tomber les armes des mains des paysans », cette fameuse nuit fut une fameuse avancée en matière d’égalité, entre les personnes certes, mais aussi entre les régions puisque les particularismes locaux disparaissent en même temps. Il n’y aura désormais plus qu’une seule loi pour tous ! Nos régions allaient également en bénéficier quelques temps plus tard. Ces principes ont ensuite été transportés dans les charriots de la Grande armée et distillés dans les esprits pour finir par faire tomber partout les anciens régimes et faire progresser la Démocratie.
Il restera à abolir « l'esclavage des Nègres» (suivant les termes de l’époque) ainsi que la reconnaissance à l’égalité de citoyens pour tous les juifs, les femmes etc.…) ce sera le combat de l’abbé Grégoire et de Condorcet entre-autres.
La révolte des paysans qui a abouti à cette splendide victoire de l'égalité a peut-être donné des idées à ceux qui ont rédigé l’article XXXV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1793 : « Quand le gouvernement viole les droits des peuples, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple le plus sacré des droit et le plus indispensable des devoirs »… à méditer !
220 ans plus tard, la vision néolibérale de la Commission européenne prône l'auto-détermination pour les régions ( Diviser pour régner !) et risque de déboucher finalement sur de nouvelles inégalités. Evolution inquiétante.