Pour coller à l’actualité, j’aurais pu gloser sur la énième sortie, hier, du bruxello-nombriliste Maingain et son rêve « d’Etat Wallonie-Bruxelles ». Mais bon, il n’y a là rien de neuf et ce n’est qu’un message à l’usage de ses électeurs – ceux qui mettent des drapeaux aux fenêtres des immeuble bruxellois – inquiets, à juste titre en ce qui les concerne, de voir leur « ancienne Belgique » se déliter.
Il y a pour la Wallonie – et pour Bruxelles si elle le veut – une bien meilleure solution. Et certainement pas uniquement pour des raisons économiques comme certains le disent.
Je m’inquiète davantage des propos récents de Nicolas Sarkozy qui semble vouloir faire une « révolution cultuelle ».
Même si le Chef de l’Etat prétend « ne pas remettre gravement en cause le principe de laïcité », il a eu des propos inquiétants dans plusieurs discours.
- Au Vatican : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes » et « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur. »
- En Algérie : « je suis venu vous dire que la France se trouvera toujours à vos côtés lorsqu’il s’agira de combattre le terrorisme, l’extrémisme, l’intégrisme, l’islamophobie »... « Mais si nous voulons ensemble vaincre un jour l’islamophobie, l’antisémitisme, le racisme, le fanatisme, si nous voulons décourager le terrorisme, il ne faut pas que nous transigions non plus avec la justice. »
- En Arabie saoudite (pays où l’islam n’es pas très modéré) : « Je ne connais pas de pays dont l’héritage, dont la culture, dont la civilisation n’ait pas de racines religieuses ». Louant Dieu « qui n’asservit pas l’homme mais le libère », «Dieu, qui est le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des hommes », «Dieu,source d’espérance et de progrès ».
Ce que je comprends de sa « laïcité positive », c’est que, pour lui, la religion est davantage un atout qu’une tare et mérite à ce titre d’être encouragée… et qu’elle vide le concept de laïcité de son sens, puisque la définition de la laïcité est forcément négative et minimaliste. La société politique laïque repose sur la forme de la non-croyance, on se constitue comme citoyen indépendamment de ce qu’on est préalablement, aux plans religieux ou culturel. La société politique ne peut garantir la liberté d’expression que si elle est aveugle sur les croyances des citoyens et si elle s’abstient de se prononcer sur ce sujet. C’est ce que garantit d’ailleurs l’excellente loi de 1905. Ce qui est en jeu ici, c’est la reconnaissance des « communautarismes » comme partenaires ou pire, égaux du monde politique.
Des écarts choquants par rapport à ce qui a été l’attitude des Présidents précédents qui ont toujours mis un point d’honneur à ne pas à imposer leurs croyances privées à la République. La France – à l’inverse de la Belgique - ne mélange pas les religions, aussi respectables que soient leurs croyances, et le domaine public dans lequel elles n'ont pas à interférer. La France, ce n’est pas non plus l’Amérique de Georges W. Bush…
Choquant quand il explique que « le fait spirituel est la tendance naturelle de tous les hommes à rechercher une transcendance ». De quelle « tendance naturelle » parle-t-il ? Il nie ainsi la capacité des athées ou des agnostiques à se poser des questions existentielles. comme il dénie aussi ce droit aux milliards de gens, des animistes aux confucianistes et autres, qui ne croient pas non plus à une transcendance ! C’est une vision très étroite et assez insultante.
Des propos choquants à l’égard des enseignants et une remise en cause des Valeurs de l’Ecole publique républicaine, laïque et obligatoire qui a fait la France moderne.
Choquant également cet amalgame : l’antisémitisme et le racisme, le fanatisme et le terrorisme, qui restent pour tous les humanistes les maux les plus violents et les plus insupportables, qui sont mis sur le même plan que la « phobie » d’une religion. C’est tout le débat sur ce thème contre lequel nous nous élevons : le procès de Charlie Hebdo, l’inquisition et les poursuites contre les auteurs des caricatures de Mahomet, le délit de blasphème... On ne peut pas mettre l’antisémitisme et l’islamophobie sur un même plan. C’est presque du révisionnisme.
Mais, qu’est-ce qui lui a pris ? Les calculs électoraux et le racolage ne justifient pas de prendre des risques aussi important pour l’avenir d’une Nation.
Heureusement, la Démocratie française est saine et gageons que le Peuple saura actionner les leviers adéquats pour ramener le président à la raison, s'il lui prenait l'envie de dépasser les bornes.
C’était Victor Hugo qui écrivait dans « Histoire d’un crime » que : « L'Elysée fut dans Paris le coin inquiétant et noir. Dans ce lieu mauvais on était petit et redoutable. On était en famille, entre nains. On avait cette maxime : jouir. On vivait de la mort publique. Là on respirait de la honte, et l'on se nourrissait de ce qui tue les autres. C'est là que se construisait avec art, intention, industrie et volonté, l'amoindrissement de la France. » A méditer...
(M. à J.) Une réflexion complémentaire de Jean-Claude Monod dans "Le Monde" du 29 janvier