Les légendes ont la vie dure. Particulièrement celle qui veut que les Flamands ont été brimés aux débuts de la Belgique. Voici un petit inventaire historique sans prétention mais qui remet les choses en perspective…
Dès 1831, les députés flamands sont majoritaires. Et s’ils s’expriment en français, ils agissent en Flamands et au profit des Flamands.
En 1840, neuf lignes de chemin de fer sont en service. Il y en a sept en Flandre et deux en Wallonie. La même année, 100.000 signatures sont recueillies par un pétitionnement organisé par Jan Willems. En outre, la subversion orangiste ne cesse pas, l’or hollandais y contribue et, en 1841, un troisième complot échoue.
Au Congrès du Mouvement flamand de 1847, la flamandisation de la Flandre est mise au point. La ronde des exigences flamingantes va bientôt s’amorcer et se poursuivre en une folle farandole sans cesse plus astreignante.
Cela commence par une série de commémorations d’événements. Des statues sont édifiées au communiers flamands Breydel et Coninck, à Jacques Van Artevelde, à Jan Willems. Des manifestations sont organisées par une ligue basse-allemande à Anvers.
Dès 1871, l’armistice qui suit la défaite française de Metz mettant fin à la guerre franco-prussienne augmente l’appétit nationaliste flamand.
A partir du 1884, l’hégémonie flamande se manifeste par une série de ministères catholiques homogènes à domination nordiste accentuée dans tous les organismes publics. Le cabinet Jules Malou compte un seul ministre wallon sur sept. Un ministère Beernaerts est intégralement flamand. Et cela durera trente ans !
En 1887, la loi Correman impose la connaissance du flamand dans tous les emplois publics. Pendant des dizaines d’années, des milliers d’emplois sont confiés en Wallonie à des Flamands qui s’y installent avec leur famille.
En 1889, D. Claes exige une garde civique flamande, une gendarmerie flamande, la marine flamande, la diplomatie flamande.
En 1892, deux gouverneurs de province sur neuf sont wallons. A Mons, deux des trois procureurs du roi sont flamands !
De 1895 à 1902, 81 % du budget des travaux publics sont destinés à la Flandre.
En 1906, la loi Franck-Segers supprime la liberté du père de famille en Flandre. C’est l’extinction, par étouffement et à court terme, dans les villes mixtes du Nord, des fortes communautés wallonnes. Et sept députés wallons ont osé voter une telle loi, dont Michel Levie, de Charleroi, fondateur de la démocratie chrétienne de cette ville et de la coopérative «Les Ouvriers Réunis».
Tout ce qui gravite dans l’orbite de l’Etat est flamandisé, même en Wallonie.
De 1830 à 1906, la Flandre a reçu 412 millions de francs pour ses canaux, ses rivières, ses ports, tandis que la Wallonie en obtient 105.
Et le gouvernement attendra 1853 pour curer le lit de la Meuse alors que le développement économique du bassin mosan exige un réseau non entravé ! La Meuse n’est pas curée, ce qui provoque des inondations nombreuses, dont celle de 1850.
Le canal du Centre, commencé en 1882, n’est pas encore achevé en 1906 !
En 1909, sur 93,5 millions prévus au budget des Travaux Publics, la Wallonie en reçoit 10,3 !
Un slogan voit bientôt le jour : «Alles wat Waalsch is, valsch is !» («Tout ce qui est wallon est faux !»).
En septembre 1917, les activistes du «Raad van Vlaanderen», «Conseil de Flandre» mis en place avec la bénédiction de l’occupant allemand, entreprennent une vaste action de propagande : en sept mois, 789 réunions publiques sont organisées. En trois mois, 538.000 brochures sont distribuées et, pendant les neuf mois qui suivent, la distribution ne fait que s’intensifier pour atteindre 600.000 exemplaires par mois.
Après la Première Guerre mondiale, les Flamands seront 200.000 et parfois 300.000 à se rassembler à la Tour de l’Yser. Ils crient «Weg met België !» («A bas la Belgique !»).
Dès 1935, des centaines de milliers de poitrines nordiques crieront : «Los van Frankrijk !» («Larguez la France !»). Léopold III et le gouvernement les entendront : il sera mis fin aux accords militaires franco-belges, et la Belgique jouera la carte désastreuse de la neutralité.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, une fraction importante du Mouvement flamand choisira le camp nazi. La suite est mieux connue.
D’après Roger Molitor dans « Wallonie Libre » des 1er et 15 mai 1979.