Le déferlement de sondages contradictoires sur le "sentiment des Belges" et d’enquêtes que nous subissons depuis quelques semaines frise le ridicule.
« Le Belge sort du tombeau ! » Ce vieux film de commande, colorisé et rematricé (remastérisé ?), est sur tous les écrans à grand renfort de publicité. Plus fort (et aussi couteux) que « La guerre des étoiles » ! Il est vrai que c'est bientôt l'ouverture du "Festival du film fantastique" de Bruxelles...
La grande force de l'être humain, c'est - entre autres – son aptitude remarquable à oublier. Cela permet de rebondir, de repartir vers un autre demain. Mais ce qui est bon pour l'individu n'est pas forcément salutaire pour une société, car frappée d'amnésie, elle est conduite à renouveler les mêmes errements. J’ai l’impression de relire les mêmes propos que ceux publiés dans les années ’60, ’70, ’80… ! Autant aller au bout des choses ; à quand la distribution gratuite (financée par nos impôts) de drapeaux rendus obligatoires par décrets (en Wallonie) ou ordonnances (à Bruxelles) ? A quand une grande « marche noire-jaune-rouge » sur un boulevard bruxellois réunissant 10 millions de personnes d’après les organisateurs, deux mille d’après la police et 50 (dont trente en loden vert ou tailleurs Chanel) d’après les observateurs étrangers ?
Dans un pays qui a renoncé à sa souveraineté politique et économique (souveraineté fictive et de façade depuis sa création par les puissances d’ancien régime, il est vrai, mais quand même, certains y ont cru) au profit d’une Europe dominée par les lobbys anglo-saxons, et où il n’y a jamais vraiment eu d’identité nationale, on relance une nouvelle fois une campagne de persuasion qui n’aura qu’un temps. Comme les précédentes. On peut, particulièrement en Belgique, se poser la question de ce qui fait un peuple à l'heure de la mondialisation, et surtout à l'heure où l'Europe ne sait plus où aller… Quelle Europe d’ailleurs ?
Les sondages montrent aussi qu’à part une valeur commune, la famille (mais qui aurait pu en douter ? Est-ce différent ailleurs dans le monde ?), il n'y a que des divergences. Comment dans ces conditions mettre en avant des vraies valeurs communes aussi bien dans la bataille économique et politique mondiale que dans celle des politiques locales ? A part en minimisant, en niant, ces divergences ?
Les choix de société sont différents. On le voit avec tout le débat actuel sur la scission de la Sécurité sociale, de la Justice, des politiques de chômage, de prise en charge du vieillissement, de l’éducation, de la sécurité routière, de l'intégration, de la sécurité, etc…
On l’a souvent vu par le passé, des Etats souverains (comme la Belgique) mais sans identité forte ou aux multiples identités finissent par se désagréger. (et je ne parle pas du communautarisme – linguistique, religieux, ethnique - qu’on a laissé s’installer sous couvert d’un multiculturalisme d’apparence généreux, mais qui n’est qu’un refus du débat et la porte ouverte à toutes les intolérances).
Ce qui facilite l'émergence d'une Nation, ce sont les us et les coutumes proches et la langue d'échange commune, ça n’a jamais été le cas en Belgique et c’est même de plus en plus le contraire. J’ai l’impression (mais ça mériterait discussion) que l'esprit d’une nation doit préexister à son statut juridique et donc que son absence est la négation du concept même de nation, statut, constitution, ou pas. De la France on dit que c'est l'Etat qui a créé la Nation, mais celle-ci préexistait évidemment.
Et dans une République c'est l'Etat qui représente le Peuple, Peuple qui est souverain. Si pour beaucoup dans le monde, la France, superficiellement, c’est la révolution française, la Déclaration des Droits de l'Homme et la devise « liberté, égalité, fraternité » - ce qui n’est déjà pas si mal - pour les Français, elle se défini en plus par son identité de Nation laïque et républicaine. Cette identité républicaine, ce contrat entre un peuple et son Etat, est une valeur humaniste, progressiste ...universelle et forte. Ce n’est pas un hasard si elle se réinvite aujourd’hui, à côté de la redécouverte du principe de souveraineté, dans la campagne pour l’élection présidentielle. A gauche, au centre, comme à droite.
Pour les républicains, la Nation est un lieu de solidarité. Et le nationalisme est une maladie de la Nation. Le 27 Janvier 2006 je citais Elisabeth Badinter qui, dans l'émission « A vous de juger », rappelait qu’être Français, c’est un choix assumé. Que c’est le choix de Valeurs. L’émission s’est terminée sur le constat que le débat qui allait s’ouvrir avec la campagne pour les élections présidentielles fera émerger celui (ou celle !) qui incarnera le mieux ces Valeurs.