Nous en sommes loin en Wallonie. Les partis porteurs des revendications du Mouvement wallon sont devenus par la grâce du système, mais aussi par les erreurs de leurs dirigeants, un "mouvement pluriel" et pire encore, on pourrait presque parler de "particules élémentaires"… des miettes ?
Sans revenir sur les raisons qui nous ont amené là, il faut admirer et reconnaître la force du sentiment national au Québec. Cette force politique et culturelle, cette maturité politique, qui est venue appuyer la revendication de l'indépendantisme et soutenir le dynamisme de l'économie. Rien de tout ça chez nous.
Mais c'est bien ce qui s'est également passé en Flandre par contre. Même si je n'aime pas ce "sentiment national" là, qui est un modèle d'exclusion et d'égoïsme, une conception rancunière et haineuse du patriotisme. L'antithèse même des positions historiques de l'ensemble du Mouvement wallon en somme.
C'est un même sentiment d'appartenance (terminologie plus juste que je préfère utiliser) que celui des québécois, cette identité partagée, qui a permis au Jura de devenir un Canton suisse à part entière. Les sociologues et les psychologues reconnaissent que le sentiment d'appartenance pour un groupe quelconque ou un individu est une chance face à l'adversité.
Combien de temps faudra-t-il aux autres revendications autonomistes démocratiques de notre sphère européenne (Ecosse, Catalogne, Pays Basque) pour y arriver ?
Je n'ai pas cité la Wallonie. Et pourtant, parmi tous ces entités aspirant à plus de souveraineté, c'est bien une de celles qui a le plus vu changer son statut juridique et celui-ci s'approcher le plus de la réalité de la souveraineté. Mais au contraire des autres, sans aspirer pour autant à devenir une nation. Parce qu'il est clair que si nous avons une identité, celle-ci ne se traduit pas par une volonté de différenciation nationale.
Les Wallons ont tout essayé pour maintenir la Belgique vivante, mais cela n'a pas marché. Le grand risque, maintenant, c'est de prolonger cette attitude. N'étant pas "nationalistes", ne voulant pas s'enfermer dans une identité enfermante, il faut éviter, pour sauver un Etat qui nous a coûté fort cher, de céder aux sirènes des partis traditionnels (la sécurité de ce qu'on a et qu'on connaît bien) et du monde politique flamand (la carotte ou le bâton - Voir à ce propos l'article hilarant de Rik Torfs dans le Soir du 11/12/2008) qui veulent simplement aménager, accommoder, la "structure Belgie-que". C'est le principal risque me semble-t-il, à un tel point que – et ce n'était pas ainsi, il y a n'était-ce qu'il y a encore quelques années - d'éminents spécialistes (au CRISP par exemple), professent maintenant que l'architecture institutionnelle correspond de plus en plus à une confédération d'Etats indépendants… Si c'est bien le cas, quel intérêt avons-nous à continuer à rester ensembles ?
Identité enfermante ? Nous ne sommes plus au XIXème siècle. Les nations de cette époque étaient des structures fermées quasi autarciques. Pourquoi, nous Wallons, ne serions nous pas les premiers, à l'heure de la mondialisation, à inventer les Etats à géométrie variable ? Si "union fait la force" nous répétait-on en forme d'incantation, les identités compatibles, liguées et s'épaulant mutuellement sans se rejeter rendent collectivement plus forts. Qui croit encore sincèrement en un avenir pour la Belgique ? Et comme la force d'une identité dépend beaucoup de la force de la nation qui la porte…
Et pourtant, ce n’est pas assez d’essayer de convaincre que l’Etat belge étant mourant, il y a une solution valable de substitution (jusqu’au bout, nombre voudront croire qu'on pourrait "continuer" la Belgique sous une forme ou l'autre). Et c’est même contre-productif de nier, de fait, l’identité wallonne, en négligeant d’affirmer le maintien des institutions wallonnes, des ses réglementations et même du droit belge, engagement de maintien qui ne ferait nullement obstacle dans les fait et en Droit (le Droit administratif international s'écrivant en fonction des circonstances et de rapports de force…) à un rapprochement étroit avec la France.
Ouvrons les yeux, les Alsaciens, les Bretons et d'autres ne se revendiquent pas uniquement comme français, mais également comme Alsaciens, Bretons ou autres, cette dualité locale-nationale étant une richesse. Et reconnue comme telle.
Jusqu'il y a peu, et c’était logique, tant qu’il s’agissait de maintenir vivante une faible flamme, le discours rattachiste a fait largement l’impasse sur les conditions mêmes du rattachement de la Wallonie, et éventuellement de Bruxelles, à la France. Pour le peu qu’il en était dit, on en comprend que ce rattachement là prendrait la forme d’un cadre juridique et institutionnel d’accueil de la Wallonie dans l’ensemble français totalement ou largement banalisé. Absorbée, assimilée, la Région wallonne deviendrait une région française de droit commun (la 23ème), les provinces des départements, etc…
Selon ce discours qui, reconnaissons le, est plutôt un catéchisme, les Wallons devraient se présenteront "tout nus" devant Marianne, qui leur donnerait un costume standard à endosser, en tout point commun à celui que sont sensés porter les "Français de l'intérieur", lesquels seraient, politiquement et juridiquement, non distinguables, car uniquement reconnus en leur qualité de Français. Foutaise et contre vérité évidemment. (*)
Faire table rase de presque 170 ans de "cohabitation et d'histoire(s) belge(s)" et de presque 30 ans d’autonomie wallonne ne gardant que comme point essentiel la langue, c'est faire fi des piliers concrets de l'identité que sont l'histoire, le Droit et les institutions. On n’a pas besoin de croire à la "Nation wallonne" pour constater que les wallons peuvent qu'être difficilement (et ne sont pas) séduits par une telle vision.
En niant cette identité, opposant reconnaissance du fait régional et rattachement, on dessert superbement le projet rarttachiste et au-delà de celui-ci, la cause wallonne, notre Peuple et même les intérêts de la France. C'est être nuisible.
Il faut qu'au plus tôt se réveillent et se réunissent, en Wallonie, toutes les voix qui ne désespèrent pas d'une région et d'un Peuple qui ne sont pas aimés comme ils devraient l'être ! (Merci à J.F. pour m'avoir inspiré cette conclusion !)
(*) Conformément à sa Constitution, la République prévoit déjà des régimes de large autonomie outre-mer pour de nombreux territoires et la possibilité également de statuts spéciaux pour l’ensemble de ses Collectivités territoriales. Y compris en métropole !