« Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'opinion ». (Paul Valery)
Voilà des sujets dont je n’aurais pas parlé si la presse n’en avait fait écho avec enthousiasme… mais, décidément, certains ne savent plus à quel saint se vouer pour sauver ce qui ne peut plus l’être.
Il faut leur reconnaître de belles qualités d’imagination.
Revenons sur la journée d’hier, 1er septembre, jour traditionnel de rentrée dans les classes maternelles, ceci expliquant peut-être cela.
Le matin, tout d’abord, « Le Soir », grand quotidien de la capitale (*) titre à la une : « L'Europe veut un gouvernement belge, et vite ». Annonçant que la Commission européenne a perdu patience et va très prochainement lancer une mise en garde officielle à la Belgique : « Cette intervention dans les affaires politiques belges trouverait sa justification dans la détérioration de la croissance économique en zone euro, et en particulier en Allemagne, qui contraindra la Belgique à décider d'importantes réformes structurelles ». Pour faire bonne mesure, ils y ajoutent les déclarations de Mark Eyskens – réputé bon Flamand pour les « francophones » (lisez les belgicains aux abois) - qui précise « qu’en cas d'échec des négociations, ce serait l'abîme. La spirale diabolique pour la Belgique ».
Patatras ! Quelques heures plus tard la Commission européenne a jugé « infondées » les informations diffusées le matin même par le quotidien bruxellois réfutant toute "démarche spécifique" prévue au sujet de la Belgique…
Qu’à cela ne tienne, ce quotidien en rajoute une couche ce matin montrant qu’on passe du stade d’une l'information orientée (compréhensible s’il s’agit alors d’un journal d’opinion ce qui est tout à fait honorable à condition qu’il se présente comme tel), à la désinformation pure et simple, organisée et sans scrupules. D’ailleurs, « l’éditorialiste en chef » ne revient-elle pas ce matin sur le sujet jugeant « ridicules » le démenti pourtant formel de la Commission européenne au nom d’un prétendu « Devoir d’assistance à pays en danger ». Reprenant l’antienne éculée : « la Belgique, laboratoire du vivre ensemble est essentielle à la crédibilité du projet européen ». Or, quand on se penche sur les succès de ce « vivre ensemble », décidément, l’avenir de l’Europe semble bien sombre…
Ensuite, lors de la rentrée judiciaire, on apprend que Jean-François Leclercq, procureur général près la Cour de cassation, sortant du principe de séparation des pouvoirs a lancé « un avertissement » au monde politique belge. A ceux qui rêvent d'un démembrement de l'Etat belge (certains – toujours dans la presse – ont imaginé qu’il visait sans doute la N-VA ?), le procureur a tenu à souligner combien les conséquences sur le plan international peuvent être imprévisibles. Si je suis d’accord sur ce mot, je pourrais lui faire remarquer que la poursuite de l’existence de l’Etat belge aura aussi des conséquences imprévisibles.
Là où ça devient quasi comique, c’est quand le magistrat fait notamment référence au port autonome de Liège, « actuellement le premier port intérieur belge et le troisième port intérieur d'Europe (exact !), et à ses relations avec le port d'Anvers via le canal Albert. « L'espace maritime est traditionnellement pensé en termes de liberté, rarement en termes d'appropriation, pratiquement jamais en termes d'exclusion. Les peuples libres veulent avoir accès à la mer et il ne faut pas sous-estimer l'obsession maritime d'un Etat enclavé »… a-t-il prévenu. Cherchant pour illustrer son propos des situations particulières et clairement conflictuelles. La Bolivie où, jusqu'à un accord récent entre les présidents péruviens et boliviens, l'accès à la mer a fait figure de véritable cause nationale depuis la perte par la Bolivie de sa façade sur le Pacifique à la suite de la guerre de 1879-1883 et l’l'extrême étroitesse du littoral irakien a été une des raisons qui a poussé le régime de Saddam Hussein à annexer le Koweit en 1990 ! Bref pour lui : « Les peuples veulent avoir accès à la Mer et il ne faut pas sous-estimer l'obsession maritime d'un Etat enclavé ». Faisant fi de tous les autres nombreuses situations comme la Suisse, le Luxembourg, la Tchéquie, pour ne citer que ces pays qui – si je ne m’abuse - n'ont pas agressé leurs voisins pour autant. Tout cela est réglé par des conventions que ce juriste devrait connaître.
Il faudrait peut-être informer ce monsieur qu’en cas d’indépendance de la Flandre, la liberté de circulation des hommes et des biens serait garantie par l’Union Européenne. L’enclavement de la Wallonie – et donc ses accès à la mer est donc uniquement théorique : c’est bien le cas sur une carte, mais il n’y a en réalité aucune entrave à la liberté de mouvement. S'il est possible que l'intégration de la Flandre dans l’UE ne suive pas immédiatement l’indépendance durant cette période transitoire, le nouvel Etat n’aurait - théoriquement - pas à respecter ces libertés de circulation. Mais l’objectif prioritaire de la Flandre étant d’intégrer l’Union, de ce point de vue, couper ou simplement restreindre de quelque manière que ce soit l’accès à la mer serait une erreur tellement grossière que l’on peut douter qu’elle soit jamais commise. Bien au contraire puisqu’aujourd’hui comme hier, la Flandre met en priorité l’accent sur la réalisation de ses infrastructures et de ses équipements ferroviaires avec l’arrière pensée de contourner et de vassaliser la Wallonie (« Diabolo », « axe Cobra Anvers-Ruhr »...).
C’est ce jeu stratégique qui trame au niveau des voies navigables avec le raccordement à Anvers par Gand du canal Seine Rotterdam Nord-Europe mis à grand gabarit. Avec pour objectif de contourner la Wallonie. C’est qu’Anvers doit rester pour la Flandre le débouché « naturel » des produits finis wallons. Or, avec ses limitations (tirant d’eau insuffisant), ce ne sera bientôt plus possible.
Pour des raisons économiques, les bateaux doivent être de plus en plus gros, donc de plus en plus profonds. Seuls les ports français peuvent et pourront toujours le faire. Et les Flamands le savent.
La France termine sa liaison Seine-Nord. Liège et la dorsale par voie d'eau wallonne sont donc un enjeu de transport durable évident. Cette dorsale passant par Liège, Charleroi et Lille pour aboutir à Dunkerque viendra compléter celle venant de Barcelone et de Marseille. La connexion entre les deux flux se réalisant le long d'une ligne Charleroi Valenciennes rejoindra celui venant de Rotterdam. Les néerlandais ont compris qu'ils auront du mal à recevoir les immenses porte-conteneurs de l'avenir. Le port de Rotterdam, comme celui d'Anvers n'offre qu'un tirant d'eau de 13/14 m, alors que celui de Dunkerque offre 25m. Anvers, en plus est soumis à ensablement et manquent d'espace. Liège et Charleroi-Valenciennes deviennent donc 2 nœuds de convergence et d'éclatement des trafics. Une situation géostratégique formidable. Ce projet exige, pour sa finalisation, que la Wallonie et l’espace bruxellois fonctionnent de manière intégrée avec le Nord Pas de Calais.
Les intérêts sont convergents entre la France, la Wallonie, Bruxelles, et les Pays bas. Il ne faut pas oublier que la Manche est la première route maritime mondiale en termes de trafic de marchandise : c'est là qu'est le gisement de croissance et d'emplois. C'est par rapport à ce flux que doivent être imaginées les politiques économiques de relance dont la Wallonie a besoin.
La France développe actuellement le port de Dunkerque, idéalement situé en eaux profondes, relié à l'est par l'autoroute de Wallonie (qu'on met à trois bandes de bout en bout). Et de tout le continent, la France est le seul Etat qui a accès à la mer libre, avec la pointe de Bretagne et le golfe de Gascogne.
Les Français qui ont une vision géostratégique construisent actuellement le canal de liaison entre Paris et l'Escaut, seule raison de l'existence de Strépy-Thieu.
Dans une Europe où les flux économiques et humains se sont réorientés d’Ouest en Est (et vice-versa) depuis la chute du Mur, l'importance stratégique du carrefour wallon est indéniable… Il est donc de l’intérêt de l’axe Bruxelles-Anvers de garder la haute main sur les exportations et importations wallonnes.
Ceci dit, et fort heureusement, depuis des décennies, la Wallonie investit pour garder des accès à la mer quelles que soient les avatars institutionnels.
Trois voies sont privilégiées: Rotterdam par la Meuse, Anvers par le canal Albert, et Dunkerke par le canal du Centre. Le quatrième pôle, je le cite plus haut c’est la connexion du canal du Centre au Canal Seine - Escaut, qui donne un accès navigable de la Wallonie en général, et du Hainaut en particulier, à Paris, et permet de reprendre le traditionnel dialogue industriel entre le Hainaut et Paris dans des conditions intéressantes.
Bref, beaucoup de bruit pour rien.
Ces apprentis sorciers militants d’une cause perdue n’ont pas encore compris que le débat démocratique se nourrit de vérité et non de propagande. Et que cette dernière ne fait pas illusion très longtemps. Même Goebels a du s’en rendre compte.
(*)-« premier site d'informations en Belgique francophone » d’après la pub de la même gazette…
Nancy Bertrand 04/10/2011 10:47
Noix7 30/09/2011 11:49
Noix7 11/09/2011 11:20
Didier Rabosée 02/09/2011 18:50
Claude Thayse 04/09/2011 18:36