La question sous-jacente à leur étude était : « Dans quelle mesure le découpage administratif et politique de la Belgique correspond-il à sa réalité économique et urbaine ? ». La réponse ne pouvait bien entendu qu’être négative, avec d’inévitables nuances.
Il est bien connu que l’activité économique se développe autour des grandes métropoles (*) qui cherchent à accroître leur rayonnement international, en s'appuyant sur leurs filières d'excellence dans l'industrie, la recherche, l'enseignement supérieur, etc… et que, pour la Wallonie, ces métropoles sont toutes situées en dehors de son territoire. Pour des raisons historiques d’hyper-centralisation politico-économique à Bruxelles et pour des raisons politico-volontaires de laisser-aller économique liées à cette centralisation bruxelloise et de favoritisme nationaliste de développement de la Flandre, l’axe Liège-Charleroi a été abandonné par l’Etat belge.
Les deux auteurs le constatent implicitement en mettant en avant la densité du maillage urbain entre les différentes villes en Flandre et sa pauvreté en Wallonie. Cette dernière n’étant pas maillée puisque reposant presque exclusivement sur le seul sillon Sambre et Meuse avec des liaisons passant obligatoirement par Bruxelles. Il suffisait de regarder une carte autoroutière ou ferroviaire pour s’en rendre compte…
Je suis d’accord avec eux quand ils disent que « les gouvernements wallons n’ont jamais élaboré un projet politique et économique clair, reposant sur des choix stratégiques précis qui résulteraient eux-mêmes d’une véritable analyse de la situation de la Wallonie au niveau international. La méconnaissance – voire le rejet chez certains -de l’économie de marché a empêché l’élaboration d’un programme de développement crédible et le choix d’outils efficaces, ce qu’a pourtant fait la Communauté flamande en dépit de divergences réelles parmi ses responsables. » Ou que : « Les (dirigeants !) Wallons doivent se débarrasser de nombreuses habitudes déplorables et mener des politiques proactives. Celles-ci doivent reposer sur une analyse serrée de la réalité et non sur des chimères (Ici je mettrais en premier la chimère de l’existence de la Belgique unie !), pour être ensuite évaluées selon des méthodes et procédures sérieuses. » Nous ne disons rien d’autre. Il suffit de voir ce qui a été fait dans les Région Nord-Pas-de Calais, Loraine ou Champagne-Ardenne toutes proches.
Certes, nous ne possédons plus de ville pouvant faire actuellement effet de métropole interne. Mais il y en a d’autres que Bruxelles et Luxembourg citées dans l’étude et aussi proches (Lille, Valenciennes ou encore Maëstricht). Sans compter que Si Liège ou les villes du Hainaut sont en difficulté, elles ont un potentiel urbain et scientifique certain propice à un redéveloppement.
Là où je ne les rejoins pas non plus; évidemment, c’est dans leur analyse restrictive des conséquences d’une évolution institutionnelle du pays. Certes, ils ont raison de dire qu’il y a peu de chance que la Flandre renonce rationnellement à Bruxelles, tout en ajoutant qu’elle pourrait économiquement le faire. (Ce qui rejoint les conclusions du Groupe de la Warande et de nombreux décideurs flamands). Ils ont également raison de mettre en avant les aspects catastrophiques d’un repli régionaliste wallon et l’absence d’une identité forte et militante. Mais je leur reproche de n’envisager qu’une seule possibilité à l’exclusion de toute autre : le partenariat entre Bruxelles et la Wallonie. Et même une sorte de fusion (des exécutifs en tous cas, avec, ils le sous-entendent, une absorption de communes du Brabant wallon par Bruxelles, rien de moins - On croirait lire le programme du FDF !) avec le départ des Institutions et administrations de Namur vers Bruxelles… Comme si il n’y avait de solutions possibles ou envisageables que dans le cadre belge !
Les deux auteurs espérant par là donner un « gain politique à Bruxelles (où –reconnaissent-ils – la majorité francophone ne survivrait pas dans un environnement flamand) et un gain économique à la Wallonie »… Malgré le fait que « les espaces découpés ne se laisseraient pas facilement faire » puisqu’ils ne correspondent pas à une réalité socio-économique, mais surtout culturelle profonde.
Conclusion, comme je l’ai déjà écrit, il ne faut pas confondre Hinterland (ou zone d’attraction économique) économique et découpage politique. Et faire coïncider les deux sans tenir compte de l’histoire, la culture, les différences d’environnement sociologiques, etc… Que se soit pour des raisons politiques ou économiques. On l’a vu avec l’éclatement des anciens pays du « bloc de l’Est » (Tchécoslovaquie, Yougoslavie) ou à contrario par la réunification allemande. Les peuples ne se laissent pas faire très longtemps. (177 ans de Belgique, c’est donc un record !)
(*) Lire à ce propos :Jean-Claude BURY - Conseil économique et social : Paris; Journaux officiels;2003;262 pages (Journal officiel de la République française, avis et rapports du Conseil économique et social)
« Le développement de quelques grandes métropoles de taille européenne représente un enjeu essentiel pour l'attractivité et la structuration de notre territoire. Pour inscrire la France dans cette dynamique mondiale de métropolisation, le Conseil économique et social propose cinq axes d'action : maîtriser l'urbanisation, assurer une bonne gouvernance métropolitaine, renouveler le partenariat avec les régions, privilégier la contractualisation avec l'Etat et permettre l'émergence de métropoles transfrontalières. »
didier 17/04/2007 08:42
Claude Thayse 18/04/2007 16:39