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26 février 2007 1 26 /02 /février /2007 12:56
Deux dinosaures bruxellois du belgicanisme :  Serge Moureau et Antoinette Spaak, deux  « fédéralistes d'union pour sauver la Belgique du péril flamand »,  , parrainent un « Manifeste pour l'unité francophone », dans la même ligne que celui publié il y a 10 ans : « Choisir l'avenir ».
 
Une lecture rapide permet d'en tirer quelques citations, parfois non dépourvues d'intérêt. Et, d'y retrouver des analyses concordantes avec de nombreux billets publiés ici depuis deux ans. Sauf pour les conclusions que les auteurs en tirent.
 
Un message clair tout d'abord : « L'éclatement de la Belgique ou sa réduction à un modèle confédéral est à l'ordre du jour. (...) Les francophones doivent s'y préparer » « Ne pas prendre au sérieux ce plan d'action flamand serait aussi condescendant vis-à-vis des Flamands que dangereux vis-à-vis des Wallons et des Bruxellois »
 
Tout à fait d'accord ! Malheureusement, leurs propos sont immédiatement tempérés par ce qui suit et qui indique clairement leur choix : « 
Dans une semblable hypothèse, les Régions wallonne et bruxelloise doivent former une fédération solide, distincte de la Flandre, conservant entre les deux régions de culture française une homogénéité dans tous les domaines autres que les actuelles matières régionales. » On reste entre-nous !
 
« La revendication de la scission de l'arrondissement électoral et judiciaire de BHV se situe, en fait, sur une trajectoire qui dépasse son objet propre. Elle vise à faire place nette, géopolitiquement parlant, pour imposer la suite du programme flamand : aboutir à un confédéralisme inégalitaire qui ne conserve la Belgique que pour garder un contrôle flamand sur Bruxelles et sur un Etat-croupion bilingue ». Là non plus, rien de neuf.
 
Parlant du programme flamand, leur analyse est correcte. Destrée écrivait déjà la même chose dans sa « Lettre au roi » : « Il s'agit donc de « larguer la coûteuse Wallonie », d'arrimer solidement Bruxelles et de conserver tous les avantages artificiels que confère à la Flandre l'existence d'un semblant d'Etat bilingue qu'elle pourrait continuer à exploiter». Réalistes, ils poursuivent fort justement par : « A l'analyse, on se rend bien vite compte que le projet d'Etat confédéral est infiniment plus pervers et plus dangereux pour les Wallons et les Bruxellois que le projet séparatiste car il cumule pour eux tous les inconvénients : la perte de toute solidarité Nord-Sud conjuguée avec le maintien de leur sujétion à l'égard de la Flandre qui pourrait continuer à profiter à leur détriment de l'essentiel des ressources de la Belgique en tant qu'Etat. »
 
Réinventant Destrée, ils précisent que « Le concept même d'homogénéité culturelle à Bruxelles qui justifie tous les abus (expulsion de l'Université catholique de Louvain, imposition du flamand dans toute la vie sociale ; Y compris pour l'accès au logement ; Circulaire Peeters, etc...) procède donc, à la base, d'une extraordinaire manipulation intellectuelle imposée à l'époque aux francophones par une majorité flamande assistée de Wallons et de Bruxellois naïfs ou complices ». Bel aveu ! Surtout pour eux qui ont négociés ces accords au cours des 25 ou 30 dernières années. Mais bon, ne boudons pas notre plaisir !
 
"Tout le monde sait que la population flamande a vieilli, vieillit et continuera à vieillir plus rapidement que celle des deux autres régions. En 2030, selon les estimations de l'Institut National des Statistiques, les plus de 65 ans représenteront 43,7 % de la population flamande contre 38,5 % en Wallonie. Dès à présent, les responsables fédéraux (flamands) lancent des appels à la constitution de réserves en vue du paiement des pensions dans les décennies à venir. Et là, curieusement, personne ne parle de régionalisation". Tiens donc ! C'est la première fois que des responsables francophones sont aussi clairs !
 
Quand au miracle économique flamand, ils lui règlent son compte en confirmant « qu’il faut savoir que 10 % de la main d'œuvre flamande occupe des emplois bruxellois. Le déficit flamand d'emploi peut être évalué à 16 % environ, ce qui représente en fait le chômage structurel intrinsèque de la Flandre. » Quand j'écrivais que le taux de chômage flamand était sous-évalué par la colonisation d'emplois bruxellois (mais aussi wallons !) sous couvert de bilinguisme. Les auteurs du manifeste s'indignent même : « on ne peut passer sous silence la véritable razzia opérée par la Flandre, à la faveur du bilinguisme imposé ou rampant, dans l'emploi, tant au niveau fédéral qu'au niveau bruxellois ». « La suppression de l'Etat fédéral bilingue et du bilinguisme obligatoire à Bruxelles signifierait pour la Flandre l'obligation de recycler chez elle des dizaines de milliers de travailleurs ».
 
Mais pourquoi diable ont-ils mis tant de temps à le reconnaître et à le dire ? Est-ce parce qu'ils sentent bien que la fin est proche et qu'il y a un temps pour la vérité ?
 
Rassurant pour leurs électeurs, ils annoncent que « la Flandre est donc, sans conteste, la plus prochaine victime prévisible d'une récession économique majeure car les bases de sa prospérité, insuffisamment diversifiées, ne sont pas saines. Plus que d'autres, elle dépend de ses exportations. Elle sera donc la première victime des délocalisations et du développement industriel et commercial de l'Asie ».
 
Mais, tout ça n'est qu'un long préambule destiné à faire passer le gros morceau : L'Etat ( ?), la future « Confédération francophone ».
 
En matière d'introduction, ils rompent une lance en faveur de l'inévitable renégociation de la frontière linguistique. Ça ne mange pas de pain et il faut se ménager des points de négociations...
« Toute solution devra donc passer par l'organisation dans les communes limitrophes qui en exprimeront le souhait d'un referendum portant sur leur désir d'appartenance soit à la Flandre, soit à la Fédération Wallonie-Bruxelles ».
 
Ensuite, on entre dans le vif du sujet :
D'abord, on caresse les Wallons dans le sens du poil avec une définition élargie : « Il existe bien un peuple wallon dont l'existence tient à un certain nombre de valeurs professées en commun, presque toutes issues du siècle des lumières et des principes fondateurs de la révolution française de 1789. Le respect de l'autre, la primauté du droit des personnes sur celui du sol, la tolérance, la fraternité, le goût de la démocratie et de la liberté, mais aussi l'attachement à l'égalitarisme social, sont autant de caractéristiques de la société wallonne ». J'ai déjà écrit et je ne suis pas le seul à le penser, François Perin l'a fait avant moi, avec infiniment plus de talent dans son livre « Histoire d'une nation introuvable », s'il y a bien une identité wallonne (et encore, un Picard se sent-il Wallon au même sens qu'un liégeois ?), je doute fort qu’il y ait un peuple au sens de nation. Ou alors ce peuple fait partie d'un ensemble plus vaste correspondant aux caractéristiques données par les auteurs du manifeste : la République, française en l'occurrence.
 
Ensuite Bruxelles : « En tant qu'l compte soixante pour cent de wallons d'origine, près de 90 % de francophones, qu'il a une tradition immémoriale de résistance à l'oppression et un amour immodéré de la libre expression, le peuple bruxellois est un partenaire naturel du peuple wallon. Et comme il est aussi tolérant et ouvert, il accorde actuellement, sans douleur, à la minorité flamande de Bruxelles, les droits politiques et culturels les plus importants du monde entier ». C'est beau, non ? Comment ne pas y souscrire ?
 
Puis, la justification de leur proposition : « Certains prônent une république autonome de Wallonie, voire un rattachement de cette dernière, seule, à la France. Si cette solution-là, pour autant que la France y adhère, ce qui n'est nullement évident (Ha ? D'où tirent-ils ça ?) , permettrait indiscutablement un redéploiement économique de la Wallonie au sein d'un ensemble puissant et diversifié (Et c'est peu dire !), par contre l'isolement de la Wallonie et son découplage de Bruxelles marquerait une difficulté majeure tant sur le plan culturel que sur celui de l'économie. Isolés de ceux de Bruxelles, les indicateurs économiques wallons ne sont pas très favorables » (Ce raisonnement s'applique à toutes les régions du monde dans l'Hinterland économique d'une ville pôle de développement comme Lille, Luxembourg, Milan, Lyon, etc..)
Par ailleurs, suivant quelle logique étrange, la séparation administrative entre deux régions proches n'autoriserait-elle plus les échanges culturels, humains ou économiques ? A moins de réintroduire une sorte de protectionnisme moyenâgeux. or, que je sache, nous sommes dans un contexte européen de libre échange, et de libre circulation des hommes et des marchandises. Non ?
 
Curieusement, après ce jugement sans appel sur l'économie wallonne, ils trouvent à celle-ci des charmes non négligeables : « Le pôle de compétence dans le domaine de la biotechnologie, proche de Liège, représente aujourd'hui près de la moitié du chiffre d'affaires du secteur biotechnologique en Belgique. La technologie aéronautique, près de Charleroi, avec des entreprises comme la Sabca et la Sonaca, bénéficie d'une renommée mondiale. La Wallonie est également un acteur important dans le domaine de la fabrication d'armes avec la FN, à la pointe de la technologie. ». Ils soulignent, dans le registre positif, le développement économique sur le concept porteur du regroupement d'entreprises d'un même secteur : « A cet égard, la Wallonie devance la Flandre avec des clusters dans le domaine de l'aéronautique, la logistique, l'automobile, le bois, etc. »
 
Bref, la solution de la Confédération francophone permettrait à la Belgique de continuer en engrangeant le beurre et l'argent du beurre. Qu'attendons-nous ?
Optimistes, ils ajoutent que, « certainement, la future fédération axera sa politique dans le sens d'un desserrement des liens économiques avec la Flandre et un resserrement de ceux-ci avec ses voisins français et allemands, les liens pouvant également se concrétiser dans des accords de partenariat très étroits dans les domaines des relations extérieures et de la défense nationale. » « Le redéploiement de la partie sud du pays vers des horizons plus larges lui ouvre en réalité des perspectives prometteuses sur les plans culturel et économique. Les universités francophones sont en pointe dans les classements mondiaux ce qui ouvre aux futures générations des espérances réelles ».On dirait un copier-coller des analyses des réunionistes !
Pourquoi alors ne pas aller plus loin dans l'union, la fusion avec au moins un des voisins. Ce serait l'occasion de vérifier la pertinence de leur proposition par un referendum.
 
La première bonne nouvelle, malgré les précautions des auteurs, c'est qu'on devine, sans que ce ne soit clairement exprimé, une prise de conscience du caractère inéluctable de la scission de la Belgique à court terme.
 
La seconde bonne nouvelle, c'est qu'ils ont bien assimilé le caractère nocif d'une continuation, même virtuelle, de la Belgique puisqu'ils terminent en éliminant « l'hypothèse qualifiée d'un peu farfelue et même surréaliste qui, créerait seulement une sorte de coupole belge, symbolique et sans pouvoir, cogérée paritairement par les flamands et les francophones dont l'unique rôle serait d'identifier les deux Etats comme une sorte de « Commonwealth » réduit à un rôle de figuration internationale ».
 
Mais, fidèle à leur message, leur logique, leur choix, ils qualifient également « d'hypothèses tout simplement inenvisageables les autres cas de figure, comme une Wallonie indépendante et livrée à elle-même sans lien avec Bruxelles (Pourquoi sans liens avec Bruxelles ? Pourquoi toujours lier l'économique au politique ?) ou rattachée à la France sans également Bruxelles,flanquée d'une région bruxelloise internationalisée (sous forme de condominium ou de Washington D.C.) ou encore pire, d'une Flandre arrimant Bruxelles au prix de quelques vagues promesses ».
 
Certes, ce Manifeste a du mérite, il va (un peu) plus loin que beaucoup d'autres avant lui. Mais, comme texte engagé et politiquement orienté, il occulte quelques réalités, écartant d'un revers de la main les arguments et solutions qui ne vont pas dans le sens du projet de ses auteurs ! 
Faire une seule entité Wallonie-Bruxelles en cas de prise d'autonomie de la Flandre, c'est la Wallonie et c'est nier Bruxelles. En effet, une grande entité francophone reviendrait à jeter les Flamands de Bruxelles dans les bras de la Flandre, avec donc un risque de conflit permanent. Mais peut-être est-ce voulu ?

On peut se demander si la grande erreur du FDF et d'une partie des partis bruxellois n'est pas d'avoir voulu faire de Bruxelles une entité uniquement francophone. C'est le reour de la mythique Belgique francophone écrasant les Flamands comme le rêvait la bourgeoisie francophone de Bruxelles et de Flandre (les fameux "fransquillons") d'avant-guerre.

Ce manifeste n'a aucune chance d'aboutir et c'est heureux ainsi.
 
Pour une vraie unité des francophones, il ne faut pas s'arrêter en bon chemin ! De l'audace que diable ! Par la force des choses, la réunion de nos deux régions à la France serait plus profitable qu'une confédération entre Bruxelles et la Wallonie pseudo indépendante. Mais au prix de déchirements et de remises en question pour nos politiques...
De toute manière, ce manifeste rédigé à l'instigation de deux personnalités bruxelloises connues à le mérite de poser clairement le problème. Même pour les partis traditionnels, le débat n'est plus entre la survie d'une Belgique plus ou moins unitaire ou fédérale, mais entre un mini-Etat belgo-francophone (?) (Minibel ou Wallobrux ? les paris sont ouverts...) et ce qu'ils considèrent encore (provisoirement) comme une aventure : la réunion (amicale et sous une forme à négocier) de nos deux régions à la France ! 
 
Faites-vous votre propre opinion : téléchargez le texte du projet de Manifeste 
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commentaires

D
Je partage vos avis. Cette prise de conscience et cet argumentaire a le mérite de briller par les idées qu'il développe, c'est une petite révolution en Belgique (surtout venant d'un P. Moureau). Je suis curieux de connaître les réactions du reste de l'"establishment" politique<br /> Je pense aussi que cela démontre que les Bruxellois (je ne précise pas "francophones" parce qu'ils le sont tous ... hi hi hi) commencent à flairer le poisson ... et à court terme leur seul salut c'est de s'arrimer à la Wallonie.<br /> SI l'option réunioniste est si mauvaise à leurs yeux, c'est certainement parce qu'elle est invendable à Bruxelles (ce bastion des belgicains aveugles et souvent bornés) aujourd'hui
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