Dans les états démocratiques, habituellement c'est à l'accusateur de prouver ce qu'il avance. Et est donc réputé innocent tout qui n’est pas déclaré coupable.
J’entendais le ministre Dupont présenter ce matin à la radio son projet de Loi de lutte contre les discriminations. Cette loi est destinée à remplacer et améliorer celle qui réprime le racisme et la xénophobie. Aussi louable que soit l’intention, je n’ai pu que ressentir un sentiment de malaise en l’entendant banaliser, sans état d’âme, un principe très inquiétant. Le retournement de la charge de la preuve.
Dans combien de domaines, demain, faudra-t-il prouver son innocence ?
Puisque cette loi est censée lutter contre les discriminations (et c’est très bien !), constatons que cette pratique de retournement de la charge de la preuve s’installe sournoisement et en se cachant derrière de bonnes intentions ou encore à la faveur de la pression populaire ou économique.
Elle est déjà d’application pour les chômeurs, par exemple. On pourrait dire que pour une certaine logique qu’il n’existe que des effets d’éviction du marché, temporaires ou permanents. Si un salarié ne trouve pas d’emploi, c’est de sa faute. Il est inemployable. Il n’a pas les qualifications, ne cherche pas vraiment d’emploi ou, plus vague, les compétences requises. La charge de la preuve qu’il se forme, qu’il fait tout ce qu’il peut pour trouver un emploi lui appartient. Il doit de plus démontrer qu’il possède les capacités nécessaires pour occuper le poste de travail. A contrario, maintenant, les patrons devront également démontrer des raisons objectives de refus d’embauche. Pareil pour les petits proriétaires (les autres ont des avocats pour régler le problème) qui devront justifier leur refus d'accepter un locataire potentiel...
Et ça s’étend à d’autres domaines, comme la liberté des parents qui, dès que le nouveau Décret Aréna sera d’application devront justifier le choix ou le non choix des écoles pour leurs enfants devant une « Commission ad hoc »…
Demain, tous coupables ? Où sont les garde-fous ? Difficile d'apporter la preuve de son innocence !
Sans compter que tout ça risque bien d'alimenter le vote pour l'extrême droite parce que beaucoup de nos concitoyens vont se sentir discriminés, à leur tour.
La lutte contre les inégalités, le racisme et les discriminations de toutes sortes est une bonne chose. Mais si au lieu de traiter des symptômes, on s’attaquait enfin aux causes ?
L’enfer est pavé de bonnes intentions... dit la sagesse populaire.
Un autre sujet d'inquiétude concerne les sanctions administratives qui remplacent de plus en plus les décisions de justice. La question qui se pose de savoir s'il est juridiquement admissible qu'un cortège de sanctions d'ascendance pénale (puisqu(en violation d'une règle de Droit) puisse ainsi se déguiser pour être prononcées non plus par un juge, mais par l'Administration (aveugle et sans état d'âme... Je ne peux que vous suggérer de relire Max Weber qui a étudié la bureaucratie). Sans recours ou presque ! Alors que les sanctions pénales sont prononcées à l'issue d'une instruction, puis d'un débat contradictoire, et, finalement, en fonction de l'intime conviction d'un juge, par essence (en principe) indépendant et impartial.
Or, elle sont de plus en plus nombreuses dans notre vie de tous les jours : Règlement de police régissant tous les aspects de notre vie en société, répression des "petites" incivilités (l'affichage dit sauvage...), règles administratives d'urbanisme...
Leur seul avantage (pas pour nous, simples citoyens) est qu'elles garantissent un résultat immédiat en renflouant utilement les caisses du Trésor public grâce aux fruits des amendes prononcées. Cette manière de procéder va, elle aussi à l'encontre d'un de nos principes démocratiques : celui selon lequel on ne peut à la fois être juge et partie...