… tout en restant prudente et subtilement « ultra-belgicaine ».
En résume, la RTBF a brusquement interrompu ses programmes hier soir en début de soirée pour annoncer que la Flandre faisait sécession, que le Parlement régional flamand venait de déclarer l’indépendance, laissant gros jean comme devant des francophones ahuris et un roi émigrant à l’étranger. Amusant…
S’est ensuivie une « émission spéciale » dans laquelle se sont enchaînés des décrochages « en direct » devant quelques bâtiments officiels et des reportages préparés.
Un débat belgo-flamand a terminé la soirée. Comme d’habitude, un double monologue. Agrémenté de quelques messages choisis de téléspectateurs clamant leur amour de la « Belgique immortelle »… à l’exclusion de tous les autres.
Le premier enseignement de cette affaire, c’est donc que l’histoire est tout à fait crédible, de façon somme toute assez surprenante, aux yeux de suffisamment de personnes pour provoquer un tollé d’envergure voire susciter des réactions émotionnelles passablement démesurées de la part de certains, au point que la RTB(f) a ajouté au bout de quelques minutes un bandeau rouge titrant : « Ceci est une fiction ». Pour beaucoup, l'hypothèse de la fin prochaine de la Belgie-que est passée de posssible à probable. Dur réveil !
Amusant aussi de constater que la principale indignation venait des crédules qui ont bien du constater qu’ils se sont fait berner de la plus grossière des façons. Il est vrai, à leur décharge, que c’était par la première chaîne de télévision officielle du régime. Mais, ni plus, ni moins, que lors d’autres dérives qui se produisent chaque jour à la RTB(f) comme ailleurs. Volontairement ou pas. La propagande et le bourrage de crâne (mais n’est ce pas lavage de cerveau ?) fonctionne ainsi en coulée continue.
La mission du service public, c’est d’élever les gens, de les faire réfléchir et de faire cela tout en touchant un peu plus qu’une élite intellectuelle qui ne regarde de toute façon plus beaucoup la télé. Tout en renforçant, avec beaucoup de subtilité, leurs croyances dans la pensée unique pourrais-je ajouter. Paradoxe difficile ! Le coup a bien réussi. Elle a testé l’intelligence de ses téléspectateurs et leur esprit critique tout en faisant preuve d’humour. L’indignation de ceux qu’elle a contribué à endormir pendant des années est à la mesure de cette réussite.
Le plus fort, c’est que cette action a fait un autre coup double : non seulement elle a imposé le débat sur une question politique qui est celle de l’avenir de la Belgique dans la population, mais elle a implicitement mis le doigt sur un autre problème politique encore plus problématique et dont, surtout il n’est quasiment jamais question, qui est celui du rôle politique des médias. Rôle que nous ne manquons pas de dénoncer régulièrement. Si tous ceux qui se sont laissés berner hier soir pouvaient prendre conscience du fait qu’on les abuse si facilement, pouvaient réaliser à quelle point leur passivité devant l’information est devenue dangereuse, et développer en conséquence quelques défenses critiques face au contenu médiatique... Or, c’est justement tout le reste du temps, quand elle ment par omission, quand elle manipule réellement l’opinion publique, ce qu’elle fait chaque jour, que la télévision est dangereuse. Avez-vous remarqué que l’option réunioniste, pourtant bien présente dans le sondage (cliquez-ici) (46 % des Wallons déclarant spontanément vouloir la réunion à la France en cas de sécession... même si l'échantillon est totalement non-représentatif suivant l'IPSOS) n’a même pas été évoquée ?
Dernier point. Dans l’émission, une question du sondage portait sur les responsabilités. Pour la majorité des répondants comme pour les politiques francophones présents sur le plateau, c’est la « faute des politiques flamands », le peuple, lui ne veut pas ça ! Foutaises ! Comment croire que des politiciens professionnels ne suivraient pas l’opinion de leurs électeurs ? En Flandre, comme ailleurs ?
Les réactions indignées des « dignitaires » des partis francophones traditionnels sont de la poudre aux yeux. De la comédie à destination de leurs électeurs qu’il faut surtout rassurer. Aller dans leur sens.
Soyons sérieux, cette émission est en préparation depuis 2 ans. Comment imaginer que des politiciens qui ont joué leur propre rôle dans cette fiction n’aient pas été au courant ? De même que leurs présidents de partis ?
Moi-même, j’ai rencontré le journaliste Philippe Dutilleul en début 2005 dans le cadre de la préparation du scénario. Nous aurions pu nous revoir si le Bureau de mon parti n’en avait décidé autrement. Il est vrai que les raisons de se méfier étaient grandes. Ceux qui ont réalisé cette émission sont aussi ceux qui réalisaient « Streap-Tease »…
Avons-nous raté là une occasion de faire parler de nos idées ? Aurions-nous du prendre le risque ? Je le pense, même si, comme je le décode, de toute façon, l’objectif était bel et bien de raviver le "patriotisme" de l’opinion francophone à quelques mois d’une négociation institutionnelle importante.
Le régime se défend !