Ces derniers jours, certains se montrent assez étonné que la Justice ait apparemment opéré une trêve dans les enquêtes sur les « affaires » liées aux activités politiques (Dumortier, Anselme, Close et maintenant le Bourgmestre et peut-être de nouveaux échevins à Charleroi) pour laisser se dérouler les élections. Parmi eux, les plus virulents sont ceux qui estiment facilement « que les politiques sont tous pourris ». (J'ai déjà eu l'occasion de dire indirectement ce que j'en pense en réponse à un commentaire antérieur.). Il faut raison garder. S’il semble qu’on ait attendu le 9 octobre pour que les « affaires » reviennent au premier plan de l’actualité, j’y vois deux raisons. La première, c’est que les Juges d’instruction poursuivent leurs devoirs à leur rythme. Le seconde, c’est qu’il n’y avait pas urgence et qu’il valait mieux – pour le bon déroulement et la sérénité des enquêtes – laisser passer cette période électorale dans la sérénité. Après tout, toute personne est et doit être considérée comme innocente jusqu’à preuve du contraire. Ce n’est pas aux Juges à perturber, à risquer d’influencer un débat public sur base de présomptions. Attitude responsable. Ce n’est pas parce que 18.000 personnes ont voté pour une personne qu’elle est au-dessus de tout soupçon ou de toute critique. Le Vlaams Blok a été condamné malgré le million d’électeurs, Van Rossem était un escroc, Féret aussi. Le succès électoral n’est pas un gage d’honnêteté ni le contraire.
Tout autres sont les accusations d’abus proférées ce dimanche et relayées dans la presse à l’égard des Juges d’instructions. C’est qu’ils sont fort seuls et qu’il faut les protéger et leur faire confiance. Ils agissent dans l’intérêt de la Justice et s’il est vrai qu’ils peuvent se tromper, des procédures existent. Rappelons-nous les sanctions à l’égard du Juge d’instruction dans l’affaire d’Outreau ou plus proche de nous « l’arrêt spaghetti » de dessaisissement du Juge Connerotte. Sans revenir sur la Loi qui a été revue à trois reprises, en 1973, 1990, 2005, à chaque fois pour réduire l'application de la détention préventive, il reste qu’il y a des choses à améliorer en matière de droit de la défense. Difficile équilibre. S’il est indispensable que le Juge d’instruction mène son enquête avec toute l’indépendance requise, il doit s’entourer de toutes les précautions possibles dans l’intérêt de la vérité judiciaire.
S’il peut paraître abusif de mettre en détention préventive des citoyens réputés innocents ou qui ne risquent pas de commettre des crimes de sang (pensons à des hommes d’affaire ou des politiques par exemple), il est par contre parfaitement justifié, à mon sens, de les empêcher de prendre contact avec l’extérieur, avec d’éventuels complices, pour faire disparaître des preuves. On est en droit de supposer que le Juge d’instruction ne recourt pas à ce type de procédé sur un caprice… Encore que l’isolement n’est pas total. Van Gompel a pu faire ainsi savoir qu’il démissionnait de ses fonctions…
Notons au passage qu’il est exceptionnel qu’un homme politique démissionne en Belgique. Surtout pour assumer des fautes commises par d’autres sous sa responsabilité.
Ce qui vient d'arriver à Jacques Van Gompel aura au moins rappelé au collège échevinal de Charleroi de ne plus prendre pour argent comptant les dossiers ficelés d'avance que lui fournit l'administration. Ce qui n’est pas une procédure exceptionnelle et semble bien généralisée. A titre d’exemple, j’ai « fonctionné » pendant une année entière dans un Cabinet ministériel. Les deux Ministères wallons nous envoyaient systématiquement, pour mise à l’ordre du jour du Conseil des Ministres, des dossiers, parfois très techniques, tout préparés. C’est là que le rôle des membres politiques et techniques du Cabinet devenait essentiel pour les analyser et les corriger éventuellement avant de les transmettre. Le politique doit rester le décideur final, mais en étant éclairé. C’est pour ça qu’en Belgique, les administrations étant politisées (dans le sens militants), les techniciens et politiques présents dans les Cabinets ministériels sont indispensables. (Mais uniquement eux, pas les autres dont le rôle est de servir de secrétariat social au Ministre et à son parti). Ce qui me permet de rappeler que les faits qui on amené aux inculpations qui défraient la chronique remontent parfois à quelques années. Et que la justice doit prendre le temps d’examiner les faits avec toute la sérénité nécessaire, en dehors de toute pression.
Particulièrement ici, où il n’y a pas de risque pour la sécurité des personnes. Le battage médiatique en mettant en avant des aspects émotionnels me paraît particulièrement malsain, une fois de plus.
Le Juge d’instruction – « L’homme le plus puissant de France » disait Napoléon – doit rester indépendant et doit garder des moyens utiles pour mener ses enquêtes à bonne fin. Ne soyons pas réducteurs sous le coup de l’émotion, rien n’est simple.
Mais c’est une opinion personnelle.