La presse en a parlé, le Secrétaire d’Etat à la fiscalité environnementale, Bernard Clerfayt (MR tendance FDF), va suggérer une grande réforme fiscale environnementale devant répondre aux impératifs de la crise financière et à la lutte contre les changements climatiques.
Le prétexte est hautement louable. Opérer un transfert de la fiscalité du travail vers la fiscalité de l’énergie, à fiscalité constante et sans « régressivité » (c’est-à-dire, sans conséquence sociale) dans un pays qui taxe trop lourdement le travail en comparaison avec les pays voisins va, en principe dans le bon sens. En tous cas, si nous étions dans un pays normal, ce qui n’est pas le cas.
Cette politique pourrait se traduire, par exemple, par l’augmentation progressive des accises sur le diesel, le mazout de chauffage et le gaz naturel ou encore par l’adaptation ou la création de taxes (éventuellement en fonction du contenu en carbone) ou cotisations sur l’énergie. Si effectivement, il s’agit en fin de compte d’une opération blanche pour les revenus du travail, je ne peux qu’y souscrire.
Dans les termes, on ne peut, en effet, qu’adhérer aux objectifs :
- Renforcer la compétitivité de l’économie.
- Encourager les entreprises à embaucher des travailleurs peu qualifiés.
- Orienter les ménages et les entreprises vers des comportements moins consommateurs d’énergie.
- Donner un signal clair et fort que l’énergie à bas prix n’est pas compatible avec une politique climatique suffisamment ambitieuse.
Mais… dans les faits, « on » a surtout parlé d’une augmentation du prix des carburants…
Et dans la réalité, dans ce pays, les ministres étant avant tout les représentants de leur région, je ne peux qu’appeler les élus wallons à la plus grande vigilance parce que ces mesures pourraient fortement pénaliser la Wallonie, son économie et ses travailleurs.
En effet, on sait que Bruxelles (où est élu ce monsieur Clerfayt) pour des raisons de taille (c’est une ville moyenne) et de développement historique (par la concentration due à ses fonctions de capitale belge) a un réseau de transport en commun fort développé. Le recours à des moyens de transport individuels couteux, pour se rendre au travail, comme l’automobile n’y est plus vraiment nécessaire. Et de toute façon, les distances n’y sont pas énormes. C’est aussi la Région qui détient le record du nombre de travailleurs peu qualifiés parmi les demandeurs d’emploi. Cette politique répond parfaitement aux besoins de Bruxelles.
Pour la Flandre qui a modernisé (et continue à le faire) ses infrastructures en accaparant les moyens de l’Etat belge depuis la fin des années 30 (*) et disposant d’une répartition des bassins d’emplois assez homogène sur un territoire plus petit que la Wallonie, ça ne devrait pas poser trop de problèmes.
Bref, avec un réseau de transports en commun peu dense par rapport aux autres régions et à sa géographie, la Wallonie verra ses travailleurs (navetteurs) pénalisés, parce qu’obligés par la force des choses d’utiliser leur voiture, si nos élus (et les quelques ministres ayant une conscience wallonne… mais euh… qui ?) ne sont pas vigilants.
(*) Dans cette Belgique qui nous veut du bien et qui, aux dires de certains, aurait été dominée par les Wallons, imprévoyants et laxiste, il est intéressant de noter que ce n’est pas depuis la fin de la guerre que le mouvement flamand a fait main basse sur l’économie.
Si on ne commence à compter que depuis la création du V.E.V. (Vlaams Economish Verbond) en 1926, il faut observer que ses représentants (délégués) dans les gouvernements ont détenu la plupart des ministères à incidence économique entre 1929 et 1940 :
- Ministère des Affaires économiques : 75 % de la période ;
- Ministère des travaux publics : 75 % de la période
- Ministère des communications : 50 % de la période
- Ministère des Transports : 50 % de la période
- Ministères de l’Agriculture : 50 % de la période
Les agents économiques de la Flandre se sont ainsi donné la possibilité et les moyens d’infléchir les décisions du pouvoir central dans le sens du développement économique de leur seule région. Et ça ne s’est pas arrangé après la guerre, jusqu’à la mise en place progressive de la régionalisation. On se demande encore comment certains peuvent regretter l’Etat unitaire… Stupidité ou ignorance ?