La presse fait état des pistes qui sont suivies pour tenter de trouver au plus vite de trouver de quoi compenser à la fois les 23 milliards accordées aux banques et également le manque de rentrées fiscales dû à la crise due aux dérapages financiers bancaires. (Sans compter les 3 milliards de cadeaux donnés récemment aux multinationales et aux banques sous forme d'intérêts notionnels (*)).
Selon la Banque nationale, les différents gouvernements du pays devront trouver 7 milliards d'euros pour limiter le déficit à 4 % du PIB (**), marge maximum autorisée en temps de crise par l'Union européenne…
Alarmiste, le Bureau du Plan prévoit que le déficit des pouvoirs publics belges sera encore au-dessus de 6 % dans trois ans si nous ne faisons rien. Et la dette publique repasserait alors le seuil symbolique des 100 %. J’imagine mal nos gouvernants suivre d’autres pistes que « l’austérité ». C’est ce qu’à déjà annoncé il y a quelques semaines le ministre du Budget.
L’année 2009 est perdue et sachant qu’il y aura des élections fédérales en 2011, il faut s’attendre à des mesures brutales rapides et peu sociales qui doivent être prises dès maintenant pour avoir une chance d’être « oubliées » par les électeurs avant ces élections. Ce qui explique l'exigence de Van Rompuy de disposer d’un budget pour deux ans…
Comment l'État va-t-il continuer à payer les pensions et les allocations de chômage, à financer les services publics ?
Les pistes citées dans la presse font état de réductions de dépenses publiques. Particulièrement dans les budgets sociaux. On parle moins (à part un syndicat isolé, la CSC) d’un accroissement de la pression fiscale. Et pourtant, même si les gouvernements depuis 1999 n’ont pas hésité à brader les actifs (bâtiments, participations financières…) un Etat normal ne peut être considéré comme impécunieux (et donc en faillite, ce qui contraint les créanciers à négocier), puisqu’il a toujours le pouvoir absolu et exorbitant de lever l’impôt, sans limitation quantitative et temporelle, ce que tout débiteur « privé » et failli ne peut évidemment faire.
La question est de savoir qui va supporter la charge fiscale nouvelle. Nous vivons dans un des pays du monde où la fiscalité est déjà la plus lourde pour les revenus du travail. Et pourtant, le réalisme du gouvernement, c'est de nous taxer, travailleurs et allocataire sociaux. « Logique », le vieil adage veut qu’on aille chercher l’argent chez les plus pauvres, ils sont plus nombreux que les riches. A cet égard, on ne parle pas d’un impôt sur la fortune (ISF). Le jugeant peu intéressant et plutôt facteur d’évasion fiscale que de recettes. Quand on pense que - par exemple - Les fortunes colossales de Lippens (oui, celui de la de la déroute de Fortis) et Frère (par exemple) ne sont aujourd’hui soumises à aucun impôt (ou si peu) contrairement à vous et moi, je reste dubitatif devant ma feuille de paye.
Il n’y a plus guère (en dehors de WALLONS) que le PTB pour proposer une taxe sur les millionnaires, soit un impôt de 2 % sur la partie de la fortune excédant le million d’euros, ce qui rapporterait 6,8 milliards d’euros. Tiens, précisément, ou presque, ce qu’il faut trouver chaque année d’ici 2015… En échange de cette contribution éminemment civique, l’Etat pourrait les gratifier d’une breloque honorifique qu’ils n’ont pas encore ou d’une progression dans l’un ou l’autre ordre nobiliaire, deux choses inutiles pour le commun des mortels, dont ces gens sont particulièrement friands. Mais ne rêvons pas.
Ce qui tient la corde ces derniers jours, c’est de couper dans les dépenses pour les soins de santé. Les projets parlent de limiter la croissance du budget de la santé à 3 % par an au lieu de 4,5 %. Conséquences : médicaments plus chers ou arrêt de remboursement, frais d'hôpitaux en hausse, etc… C’est dans l’air du temps et en concordance avec la pensée économique anglo-saxonne dominée par des économistes qui n’hésitent pas à dire qu’on rembourse trop fort, trop bien, trop vite. Les mêmes qui étaient hier (et sont restés) les chantres de la dérégulation financière à l’origine de la crise que nous vivons et qui est loin d’être finie. Pensée économique qui inspire les programmes des partis de la droite (y compris les CD&V et VLD) dure nationaliste qui ont gagné les élections en Flandre.
Alors que le « Mouvement réformateur » se tenait immobile en embuscade (Reynders s’est fait très discret ces derniers temps) son vice-président bruxellois Maingain vient d’apporter son soutien à cette politique en affirmant à la RTB(f) que si on n’a pas utilisé ces dernières années les montants de croissance prévus du budget autorisé, et qu’il est donc tout à fait logique que de réduire ce budget.
Nous retrouvons donc une unanimité certaine en la matière. Mais qu’est-ce que ça veut dire finalement ? Pourquoi réagir ici ?
Un peu d’histoire…
Dans son éditorial du lundi 24 août au journal « Le Soir », Frédéric SOUMOIS, au départ de quelques exemples choisis parmi bien d’autres, a parfaitement mis le doigt sur les dangers de cette politique de contingentement des dépenses de santé. Je vous invite à le lire.
Cette politique, si elle est mise en place, pourrait aboutir aux mêmes résultats que ceux du NICE britannique (National Institute for Health and Clinical Excellence) du gouvernement Blair en 1999, qui interdit les traitements onéreux aux personnes dont l’espérance de vie ne semble pas optimale. Ainsi, si vous êtes vieux, obèse ou fumeur, vous n’êtes pas soigné à la même enseigne, voir plus soigné du tout
Le JT de la RTB(f) du 24 août annonçait ainsi qu’il est envisagé de supprimer le remboursement ou la couverture de spécialités médicales indispensables, voire vitales pour certains catégories de malades.
C’est que c’est dans l’air du temps, celui qui a été présenté comme le Messie lors de son élection, Barack OBAMA a ainsi appelé, dans sa réforme du système de santé, à l’établissement d’un « conseil indépendant de médecins et d’experts de la santé » qui déciderait de l’accès aux soins en fonction de critères coût-efficacité…
Inquiétant. Parce que ces mesures rappellent dans leurs résultats possible (leurs dérives !) ceux du tristement célèbre Tiergarten-4 (***) imposé en 1939 par Adolf Hitler et pour lequel les nazis furent jugés à Nuremberg…
Espérons qu’on n’ira pas jusque là, passant d’un système – qui a fait les preuves de son efficacité – ou tout citoyen avait le droit garanti d’être soigné à celui ne le plus l‘être… la porte ouverte à une sorte d'euthanasie à but économique…
Demain, nous fêterons le 220ème anniversaire de la « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ». Il est à craindre que certains, obnubilés par questions budgétaires et le risque que les dérapages des finances publiques font peser sur l’économie en oublient le rôle protecteur de l’Etat. Et oublient le sens de l’article premier de cette Déclaration, fondement de notre Droit et du fonctionnement de nos sociétés démocratiques : «Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.». Pour interpréter à leur manière – et en fonction de leurs intérêts propres (et électoraux à court terme) - la seconde partie en considérant que même la survie de certains citoyens ne relève pas de « l’utilité commune ».
Je n’ose pas garantir que les socialistes (tendance belgicaine), présents au sein de ce gouvernement, et étrangement silencieux pour le moment, n’avaliseront pas ces mesures, toute honte bue, le moment venu. Au nom de la raison d’Etat… Mais de quel Etat ? La fermeté idéologique sur le plan économique du nationalisme flamand s’appuyant sur les…accommodements ?) du socialisme « belge francophone » (les autres n’étant là que pour faire de la figuration) n’augure rien de bon. Pour accoler deux termes comme nationalisme et socialisme, le prix de la survie de la Belgique a décidément un goût amer.
En 1979, un hebdomadaire neutre, IMPACT, indiquait déjà dans un éditorial : « Le pouvoir politique a démissionné, mettant l’Etat à la merci des groupes de pression, consentant à l’anarchie, entretenant la société dans des habitudes détestable, nous ne vivons pas seulement la fin d’une époque ; nous vivons la fin d’un monde sans énergie, sans prévoyance ; la crise économique souligne dramatiquement une crise politique qui met en cause les structures et les mentalités, les modes de gouvernement et les réflexes populaires ; face à la faillite, l’effort de demain sera celui des curateurs. » Voilà qui reste d’une actualité brûlante.
Et encore, la situation s’est aggravée, les différents pouvoirs sont mal en point puisqu’il faut partout lancer des appels à « la bonne gouvernance ». Le pouvoir judiciaire est secoué par des doutes et peut-être des scandales, le Pouvoir législatif symbolise largement la faillite de l’Etat belge ; il ne contrôle plus, il discutaille, il ne légifère plus, il entérine. Le pouvoir exécutif n’est plus que l’exécutif des décisions des présidents de partis…
(*) Lorsqu’une société emprunte pour réaliser un investissement, elle peut considérer comme des frais les charges d’intérêts sur cet emprunt, ce qui réduit son revenu taxable. Par contre, elle ne pouvait rien déduire comme charges d’intérêts lorsque l’investissement était réalisé sur fonds propres puisqu’en réalité, elle ne supporte aucune charge. Grâce à la technique des « intérêts notionnels », l’entreprise qui dispose de fonds propres peut déduire de son bénéfice des « charges d’intérêts » même si elle ne les supporte pas réellement. L’intérêt ainsi déductible du bénéfice est calculé sur le taux des obligations linéaires (OLO) émises régulièrement par le Ministère des Finances et cela, chaque année.
Le mot notionnel signifie donc exactement « fictifs ». Evidemment, ce dernier mot aurait été trop… voyant (?) dans la bouche d’un ministre des Finances. Selon les estimations, le manque à gagner en recettes pour l’Etat atteindrait entre 2,4 e 3 milliards d’euros par an… (D’après Yves de Wasseige et Francis de Walque : « L’économie au service des gens » - Ed. Couleur livres - 2009)
(**)(Produit Intérieur Brut = l’ensemble des richesses produites en un an)
(***)http://www.ch-esquirol-limoges.fr/Publications/1_085_10.pdf (voir page 2)
francolatre 25/08/2009 16:24
Claude Thayse 25/08/2009 16:30
Myriam de Huy 25/08/2009 16:14
Claude Thayse 25/08/2009 16:25