Voilà une question à laquelle il est très difficile de donner une réponse très optimiste.
Une lecture attentive du Manifeste pour une Flandre indépendante en Europe du groupe flamand d’économistes et de chefs d’entreprises éminents regroupés dans le club « De Warrande » montre que, dans le cadre de cette indépendance flamande qui est en réalité une sorte de confédéralisme entre deux Etats, un dominant, la Flandre, une sorte de Bantoustan : la Wallonie, Bruxelles devient et un Condominium, une sorte de "Moresnet neutre". Co-géré par les deux autres et bien entendu restant limité aux 19 communes. C’est là une petite évolution interprétable – si on veut - dans le sens d’une certaine forme de reconnaissance par la Flandre. Faut-il s’en réjouir ?
Sans revenir sur l’histoire, il est trivial de reconnaître la constance du Mouvement flamand. Le dernier combat l’a montré. Loin d’être symbolique comme on l’a prétendu, la scission de BHV entre bel et bien dans la logique d’indépendance. La marche irrésistible de la Nation flamande suppose la fixation de frontières d'Etat : telle est en est le sens. La dissolution de la Yougoslavie a en effet consacré en Europe le principe selon lequel les limites administratives internes acquièrent, en cas de sécession, le caractère de frontières d'Etat protégées par le droit international. Les éventuels Etats européens sont liés par ce principe qui maintiendrait les communes à facilité dans la Flandre indépendante. Les effets d'une scission seraient irréversibles en Région bruxelloise.
Encore faudrait-il que ces limites administratives soient établies de manière univoque et définitive. Or, tant que la scission de BHV n'est pas consommée, ce n'est pas le cas. Ses limites chevauchent et contredisent celles des régions linguistiques et des Etats fédérés de Flandre et de Bruxelles. Elles sont une indication claire de l'opposition persistante d'une des parties à la limitation de Bruxelles aux 19 communes. C'est le seul atout qu'il serait stupide de galvauder dans le dernier quart d'heure. Il ne faut donc pas céder sur ce point et sacrifier le moyen et le long terme, en particulier la continuité territoriale entre la Wallonie et Bruxelles et leur avenir commun, à des satisfactions immédiates mais illusoires, comme le refinancement éventuel de la Région ou l'allégement partiel, hypothétique et transitoire des contraintes linguistiques.
Or, au printemps 2005, les négociations sur BHV ne furent pas loin d’aboutir dans un accord byzantin à cette scission partielle. Sacrifiant à terme, contre quelques concessions pour 6 communes, le reste de la périphérie. Heureusement l’intransigeance de Spirit a fait capoter ce qui a été qualifié de succès triomphal pour les francophones mais cachait une bien trop réelle défaite. Gageons que les partis flamands auront gardé en mémoire le souvenir des concessions que le PS et le FDF-MR avaient faites et qui serviront de point de départ de la négociation en 2007… au plus tard.
Un autre aspect des choses est la définition de l’espace naturel. Il me semble logique que cet espace soit un espace de langue française. Or, on s’en éloigne. Le Français fait de plus en plus place dans le monde officiel à un sabir flamando-anglais avec la complicité de beaux esprits francophones. Que dire de la qualification en « Bozar » du palais des Beaux-Arts ? Que dire du choix systématique de termes anglo-saxons pour nommer des associations ou des organismes, même culturels ? Doit-on rappeler l’obligation faite aux automobilistes de monter chaque matin sur le « ring » ou de l’habitude prise de payer en « cents » au lieu de « centimes » ? Il reste peu de temps aux Bruxellois pour se positionner clairement, pour placer leur langue et leur culture au dessus de leur intérêt matériel immédiat. L’acculturation est à nos portes !
Il faut enfin faire un sort à l’idée de faire de Bruxelles un « milieu naturel protégé », le district européen. Idée flamande conçue pour séparer les Bruxellois de la sphère française et les garder sous contrôle flamand, elle n’est que mépris pour ceux qu’on fait baver à l’idée d’en faire un paradis fiscal. Cette « réserve naturelle » subirait de surcroît une pesante tutelle anglo-saxonne.
Pour Bruxelles, comme pour la Wallonie, la reconnaissance ne se fera que dans son véritable espace naturel, la France. Pensez donc, par sa position stratégique, elle pourrait rapidement y devenir la deuxième métropole de la République !