« La sagesse est d'être fou lorsque les circonstances en valent la peine. » Jean Cocteau
Voilà bien une question qui m’est souvent posée.
Et il est vrai qu’en dehors d'un courant se sympathie généralement exprimé, un potentiel de voix existe bel et bien. Il suffit de voir les résultats des sondages qui donnent de 30 à 40 % des Wallons en faveur de la réunion de leur région à la France… en cas de déclaration d’indépendance de la Flandre.
« En cas de déclaration d’indépendance flamande ». Voilà une première raison.
Les Wallons forment une population qui vit encore dans l’habitude d'une réussite économique que l'on a crue éternelle. C’est un truisme de dire qu’ils (leurs responsables politiques particulièrement) n'ont pas su voir venir le changement. C’est que les Wallons n'ont jamais cultivé de sentiment national wallon. Ils n'ont jamais eu collectivement l'impression de devoir « se défendre » (Jusqu’aux prises de conscience sous l’impulsion d’André Renard). Ce qui fait qu’ils continuent encore aujourd'hui de s'identifier à l'État belge sans éprouver le besoin de se bâtir une identité propre. Il n’y a pas de nationalisme wallon, alors qu’il y a bel et bien un nationalisme flamand qui permet une identification forte.
Les raisons en sont simples, les Wallons n'ont jamais été attaqués dans leur culture qui est restée française (de fait) bien qu’ils furent réunis sous des régimes étrangers successifs les dépassant en termes de cadre géopolitique. Ce n’est que dans les années 50-60, qu’il y a eu des revendications wallonnes tardives de processus de fédéralisation de la Belgique. Tendances qui ne furent que réactions à celles, lourde - et centrifuge, mais tout le monde ne l’a pas encore compris - venant de Flandre. L'autonomie obtenue par ces derniers a impliqué une autonomie « en miroir » des Wallons. L'évolution vers le fédéralisme s'est ainsi faite en décalage avec la mentalité de notre population, qui a toujours continué à penser « belge ». Le résultat est connu, ce manque d’identification politique wallonne, ou plutôt cette identification par défaut, identification de second niveau, n’a pas permis de prendre au sérieux des institutions régionales pourtant dotées de compétences et de budgets importants. Le niveau fédéral paraissant toujours plus important dans les esprits, les institutions politiques wallonnes ont été le refuge de politiciens de second ordre, de second choix. On l’a vu encore récemment, le fait régional wallon est ainsi devenu une foire aux sous-régionalismes, mandats, pistons et subventions de toutes sortes participant (héritée !) de la sclérose du système Belge. Laquelle a alimenté (en le dopant, il n'avait pas besoin de ça !) l'autonomisme flamand…
Voilà pourquoi, les Wallons ne bougeront pas tant que leurs médias et politiques continueront à les conforter, par lâcheté ou suivisme alimentaire, dans ce sentiment (ce mythe) de la « Belgique éternelle » et que, de leur côté et fort subtilement, les Flamands ne changeront pas l’orientation de leur message qui consiste, sans le dire, à vouloir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière, c’est à dire un maximum d’autonomie pour ce qui les intéresse, tout en gardant la Belgique pour le reste.
La seconde raison, et ce que j’écris ci-dessus fait partie de cette logique, c’est que les réunionistes ont aux yeux des électeurs deux gros défauts rédhibitoires. Ils sont des « Cassandre » (*) et/ou encore ce que Michel Rocard nommait des « briseurs de rêves » (**).
- « Cassandre », parce que tout ce que le Mouvement wallon a prédit, sans être écouté, s’est réalisé. Nous le voyons tous les jours. C’en est même déprimant ! Les gens n'aiment pas qu'on leur annonce de mauvaises nouvelles.
- « Briseurs de rêves », à l’instar de Pierre-Mendès-France, Raymond Barre ou Michel Rocard, persuadés qu’il fallait « parler plus vrai, plus près des faits », dire la vérité, dire ce qui est. Ils ont été écartés, éclipsés, par des « marchands de rêves » qui rassurent. Car comme le disait Machiavel, « qui trompe trouvera toujours qui se laisse tromper ».
Ce côté « briseur de rêves » se traduit par des analyses percutantes, mais presque toujours dérangeantes si pas brutales, du mal wallon suivant le principe « qui aime bien châtie bien » dans le meilleur des cas. Au risque de donner l'impression de se réjouir des malheurs de la Wallonie. A quoi je pourrais opposer l’aphorisme « qu’on attrape pas les mouches avec du vinaigre ». Ce qu’ont, en contraste, très bien compris les quatre partis traditionnels et la mouvance populiste qui les complète.
Cet accent mis sur les points négatifs a été une constante du discours du Mouvement wallon qui a toujours été défensif. Historiquement, la seule période politique électoralement faste du Mouvement wallon est celle de l’aventure du Rassemblement wallon qui sous la direction inspirée d’un François Perin est parvenu à bousculer les certitudes et à faire rêver pendant quelques temps les Wallons d’un avenir meilleur grâce au fédéralisme (mais sans sortir de cadre belge évoqué ci-dessus). Intéressant de constater que la proposition fédéraliste, techniquement efficace, du R.W. a été récupérée et édulcorée par les « marchands de rêves » qui l’ont transformée (à reculons) en régionalisation… trop tardive et trop complexe pour être vraiment efficace.
Ce diagnostic posé, la question demeure : « comment réformer notre image, la forme de notre message et le faire accepter ». Tel est et sera le principal défi quel les dirigeants (futurs ?) du mouvement réunioniste doivent s’atteler à résoudre. Dès maintenant. Puissent-ils oser écouter, s’ouvrir, sortir de leur isolement (***) et remettre en question leurs certitudes. En espérant qu'il ne soit pas déjà trop tard... Et que les tenants du "Résidu" de Belgique ne l'emportent.
Simple militant, je suis évidemment à l’écoute et preneur de toute bonne idée !
Enfin, un regret, le retard dommageable de mise en ligne du nouveau site Internet professionnel (promis pourtant pour la mi-juin par le responsable communication) du seul parti à défendre actuellement et ouvertement le réunionisme prive cette cause d'un excellent moyen de diffusion de son message en cette période d'inquiétude et d'instabilité.
(*) Fille de Priam et d’Hécube, sœur jumelle d' Hélène, cette Troyenne de sang royal fut une prophétesse infaillible. Elle avait reçu ce don d’Apollon, qui lui demandait de céder à ses instances. Elle fit mine d'accepter, mais, nantie de sa faculté divinatoire, elle refusa de tenir sa promesse. Le dieu, indigné, fit en sorte que les prophéties de Cassandre ne fussent jamais prises au sérieux. Aussi, Cassandre assista impuissante aux préparatifs de la guerre de Troie qu'elle avait prédite. Elle s'opposa sans succès à l'entrée dans Troie du fameux cheval de bois. Après le sac de Troie, elle « échut en partage » au roi Agamemnon, qui conçut pour elle un amour véritable et la rendit mère de deux enfants. C'est en vain qu'elle supplia son maître et amant de ne pas retourner dans sa patrie. Agamemnon fut tué à Argos par Clytemnestre, son épouse, et Cassandre, ainsi que ses deux enfants, partagèrent le même sort…
(**) Merci à Pascal de Sutter (Ces fous qui nous gouvernent – Ed. Les Arènes) dont je me suis ici librement inspiré pour ce point.
(***) Au sens d’éviter le piège classique de s’entourer de conseillers qui pensent comme eux ou pire de courtisans qui ne sont donc pas ressentis comme dangereux. Un peu comme les sultans qui s’entouraient d’eunuques qu'ils croyaient tout dévoués et qui ne risquaient pas de fonder une nouvelle dynastie…
marc dodinval 16/10/2007 22:36
Claude Thayse 17/10/2007 10:02
WATRICE Raymond 14/09/2007 14:22
Claude Thayse 14/09/2007 14:40
Coche Paul 14/09/2007 08:37
Claude Thayse 14/09/2007 09:03
hippolyte 13/09/2007 12:58
Claude Thayse 13/09/2007 13:02
didier 13/09/2007 08:20
Claude Thayse 13/09/2007 08:30